Le ciel – au banquet des noces de l’agneau

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Que nous dit Jésus ? Jésus a annoncé le royaume des cieux ; la vision divine : « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu » (Mt 5, 8) ; il a annoncé aussi l’entrée dans ce royaume des cieux : « Si vous ne redevenez pas comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. » (Mt 18, 3) ; mais aussi la porte étroite, etc. Par le Père Jean-Marc Bot

 

La vision de Jésus, c’est que nous allons vers un terme qui connaîtra sa plénitude en Dieu. Il dit également : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit : “Je pars vous préparer une place” ? Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi » (Jn 14, 2-3). Cela signifie que nous serons dans la Trinité, “du côté” du Fils, tournés vers le Père. Jean de la Croix écrit à ce sujet : « Nous allons spirer l’Esprit Saint » (La Vive flamme d’amour). C’est-à-dire que dans l’Esprit Saint, nous rendrons à Dieu amour pour amour, en étant dans la position du Fils, l’Unique. Nous sommes destinés à participer à la vie divine. C’est pourquoi, dans la théologie orthodoxe, il est beaucoup question de divinisation ou de déification de l’homme. C’est vertigineux et cela nous dépasse infiniment. « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure » (Jean 14, 23). Le “projet” de Jésus, c’est de nous intégrer dans la vie divine, tout en précisant bien : « C’est impossible aux hommes, mais rien n’est impossible à Dieu. » Moyennant la grâce, cela devient possible.

Des désirs terrestres au désir du ciel

Le purgatoire – le salon de beauté du Saint-Esprit

La question essentielle est celle de la synergie entre la liberté de l’homme et la grâce de Dieu. Les êtres humains sont-ils prêts à s’intéresser à une destinée qui les dépasse ? Hans Urs von Balthasar prend une image parlante : lorsque vous offrez un cadeau de grand prix à quelqu’un, qui ne correspond pas du tout à une attente de sa part, il ne représente rien pour lui. Cela ne l’intéresse pas. Il peut même ne pas l’accepter. Dans l’Évangile, Jésus n’a de cesse de transformer notre désir des nourritures terrestres en désir de la plénitude divine. Dieu prend un visage plus concret et devient ainsi un cadeau désirable. C’est la grande conversion de saint Augustin : « Tu nous as faits pour toi Seigneur et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en toi. »

La quête de toute notre existence doit être de grandir dans le désir du grand amour. Dieu est Amour et nous sommes invités à croire en l’Amour, à croire que ce royaume d’Amour annoncé par Jésus existe, et à orienter toutes nos motivations en ce sens. Nos désirs terrestres, qui peuvent être des tremplins, ont besoin d’être détournés de ce qui est friable, passager, pour être réorientés vers ce qui est durable. C’est tout l’enjeu de la vie spirituelle. Dans la tradition spirituelle, la thématique des cinq sens revient souvent. Prenons la vue. On peut rester simple spectateur de ce que l’on voit au lieu de se laisser travailler par le fait de voir et d’être vus (« Je connaîtrai comme j’ai été connu » 1 Cor 13, 12). Or, cette position du “voyeur” est de plus en plus courante aujourd’hui. Elle est vivement encouragée par la société du spectacle et des écrans. On voit sans être vu. Pourtant, le secret du bonheur plénier, c’est la relation, l’amour. L’essence trinitaire est la clé du bonheur humain. Les désirs terrestres ne sont jamais comblés : les hommes n’en ont jamais assez ; ils recherchent toujours plus. La véritable sagesse consiste donc à découvrir qu’aucun bien passager ne peut combler le désir d’infini qui habite le cœur de l’homme. Quand Thérèse de Lisieux part en voyage à Rome, qu’elle voit les paysages, le monde, la nature, cela lui donne la nostalgie de Dieu. Elle est habitée par le désir du ciel qui dépasse infiniment toutes les beautés de notre monde.

Le festin des noces

Vignette Ciel IEVL’une des images les plus fortes de Jésus sur le ciel, c’est le repas, le festin des noces. Dans l’exhortation Amoris Laetitia, le pape François cite un film, le festin de Babette. Ce film se déroule dans un petit village puritain très austère. Les conversations des villageois sont imprégnées de la Bible. Ce qui ne les empêche pas de commettre au quotidien toutes sortes de mesquineries en contradiction totale avec les versets qu’ils citent. Babette, cuisinière du meilleur restaurant de Paris, Le Café anglais, se réfugie dans ce village du Danemark au moment de la Révolution française. Un jour, elle reçoit par courrier le gain qu’elle a obtenu à la loterie nationale : 10000 francs de l’époque. Pour remercier les villageois de leur accueil, elle se propose de leur offrir un repas de fête hors du commun. Elle retourne à Paris, revient au Danemark avec un charriot plein de victuailles et prépare un festin pour douze personnes. Les convives sont d’abord tétanisés à l’idée d’aller en enfer à cause de leur gourmandise face à ce festin succulent. Mais au fur et à mesure du repas, sous l’effet de l’excellence des mets et des vins consommés, l’ambiance change. Les convives se mettent à vivre les paroles de Dieu qu’ils citent, et même à danser sous les étoiles. Ils disent à la fin à Babette : « Tu pourrais régaler même les anges au ciel ! » Ce film est une magnifique allégorie de l’eucharistie. Lorsque nous recevons une nourriture provenant du plus grand amour, et que nous la consommons ensemble, se crée une véritable communion fraternelle. L’image du festin des noces utilisé par Jésus pour évoquer le ciel est plus qu’une métaphore. Sœur Faustine le dit très bien. « Aujourd’hui mon âme se prépare à la sainte communion comme à un banquet nuptial où tous les convives resplendissent d’une étrange beauté. Et moi aussi, je suis invitée à ce banquet mais en moi, je ne vois pas cette beauté mais un abîme de misère. Quoique je ne me sente pas digne de me mettre à table, je vais me glisser sous la table au pied de Jésus ; je vais ramasser au moins les miettes qui tombent de la table. » À travers le fait de manger, il y a quelque chose de très puissant pour l’être humain, que Jésus utilise. En réalité, pour comprendre ce langage biblique et des mystiques, il faut être capable d’une certaine simplicité de transposition symbolique, être poète, musicien.

Vision béatifique, quèsaco ?

L’enfer – le scandale de la liberté

On parle de vision béatifique mais il serait plus juste de parler d’une « immersion béatifique » car tous nos sens et notre âme seront comblés. Et rien de ce qui, ici-bas, est beau, vrai, unifié, ne sera perdu. C’est en quelque sorte un apéritif préparant au banquet céleste. Le livre de l’Apocalypse donne une idée de ce que sera cette liturgie céleste avec le chant, les parfums, la musique, etc. C’est une vision de l’au-delà à travers des symboles. « Toute espérance repose en grande partie sur l’appui que lui fournit l’imagination », écrit Paul Claudel. Ce qui importe, c’est que cette imagination soit canalisée par ce que nous donne l’Écriture, la tradition (surtout les saints, les grands mystiques) et le magistère.

Le ciel est en nous

Dans le Cantique des cantiques, la réciprocité de l’amour est sublimée : être l’un dans l’autre. Le pape François cite souvent cette phrase d’un jésuite anonyme : « Ne pas être enfermé par le plus grand mais être contenu par le plus petit, c’est cela qui est divin. » Autrement dit, Dieu est à la fois la sphère qui englobe tout et le point qui est au centre de la sphère. C’est pourquoi dans l’Eucharistie, le tout est dans le fragment. Nous recevons en quelque sorte Dieu « pour une bouchée de pain » ! Dieu est capable de se “miniaturiser” lui-même pour que nous puissions le recevoir en nous, tout en étant plongés nous-mêmes dans un océan infini d’amour, c’est-à-dire lui-même.

Le ciel, ce sont les autres ?

Dans La dramatique divine (Urs von Balthasar), il y a des passages magnifiques sur le ciel. Le théologien parle de l’ouverture eucharistique des consciences les unes par rapport aux autres, d’une profondeur de communion, de la manne et ses goûts merveilleux. Dans l’Eucharistie, nous sommes déjà nourris du don de soi du Christ et il devient pour nous une nourriture substantielle. Au ciel, c’est ce que nous vivrons éternellement ! La nourriture que nous recevons de Dieu, c’est Dieu lui-même, qui est don de soi, un don de soi à triple dimension, Père, Fils et Esprit Saint ! Cette nourriture intérieure de chacun permet de communiquer avec tous au sein d’une immense communauté où plus personne n’est indifférent aux autres. Chacun donne le meilleur de lui-même en reconnaissant le meilleur de l’autre, chacun étant unique.

Dieu sans barbe

L’éternité n’est pas l’absence de temps : c’est une réalité dynamique. C’est plutôt un « super temps » divin, qui est participation à l’« événement trinitaire ». Quand, dans le Credo, nous affirmons « Il est Dieu né de Dieu », il serait plus juste de dire : « Il est Dieu naissant de Dieu. » Pour Dieu, le fait d’être né n’est pas un passé, c’est un aujourd’hui. Dieu est toujours en train de s’autogénérer comme « cause de soi ». Dieu est sans cesse en génération de lui-même. Il est toujours nouveau. C’est en quelque sorte un perpétuel nouveau-né. Un philosophe contemporain a intitulé pour décrire cette réalité un livre Dieu sans barbe1 ! Voilà pourquoi Jésus nous indique qu’il nous faut redevenir comme des enfants pour entrer dans le royaume des cieux, c’est-à-dire être dans la fraîcheur d’une nouveauté où l’on a tout à apprendre. Dans le monde divin, nous serons dans une perpétuelle surprise, un émerveillement infini. Nous aurons toujours des merveilles à découvrir du côté de Dieu et du côté des autres aussi, dans une fête éternelle toujours nouvelle. Saint Basile parlait de « la danse avec les anges » à propos de ceux qui sont illuminés par l’Esprit Saint.

« Entre dans la joie de ton maître », nous dit l’Évangile. Cette joie, elle est entièrement gratuite. Le ciel, c’est la gratuité absolue !

Au moment de la mort, nous vivons un saut radical, un décollage, une assomption sur l’échelle sainte. Il ne s’agit pas du tout de « passer dans la pièce d’à côté ». La distance à franchir entre le fini et l’infini est telle qu’elle suppose une purification (voir l’article sur le purgatoire).

1. Paul Clavier, Dieu sans barbe, Collection La petite vermillon (n° 180), La Table Ronde.

Un article extrait du magazine Il est vivant ! n°345


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