« Un petit troupeau qui fait signe ! »
La messe d’installation du nouvel archevêque de Tunis s’est déroulée ce samedi 8 juin, en la cathédrale Saint Vincent de Paul et Sainte Olive de Tunis, dans une ambiance de fête. L’église tunisienne a rendu grâce pour les 11 ans d’épiscopat de Mgr Ilario Antoniazzi, désormais en retraite, et a accueilli son nouveau pasteur. Mgr Nicolas Lhernould n’est pas un inconnu, lui qui fut vicaire général du diocèse de 2012 à 2019, avant d’être nommé évêque de Constantine et Hippone en Algérie. « Un nouveau départ dans l’Esprit Saint qui fait toutes choses nouvelles » a déclaré dans son homélie celui qui a demandé à son troupeau de le considérer « comme un frère ». Retour sur cet événement.
Une fois n’est pas coutume : en ce 8 juin, la cathédrale Saint Vincent de Paul et Sainte Olive de Tunis est comble. Plus de 600 personnes, de tous les continents, ont pris place dans ce bel édifice romano-byzantin, construit à la fin du XIXème siècle sur le plus ancien monument chrétien du pays. Plus d’une dizaine d’évêques, le nonce apostolique établi à Alger, et près d’une trentaine de prêtres entrent solennellement par la petite porte de côté. En effet, depuis 1964, date de la signature du Modus Vivendi qui régit les relations entre l’Etat tunisien et le Vatican, la cathédrale Saint Vincent de Paul est devenue l’unique cathédrale du pays et sa grande porte, donnant sur l’avenue Bourguiba, n’a plus été ouverte. Si l’Eglise catholique jouit depuis cette date d’une reconnaissance officielle, elle n’est en réalité que « tolérée par un état qui l’autorise à vivre sa foi à l’intérieur de l’église mais qui l’empêche d’organiser toute manifestation à l’extérieur » explique le père Léonce Zinzere, vicaire général de l’unique diocèse de Tunisie.
Pourtant, aujourd’hui, rien ne peut entamer la joie des fidèles, nourrie par une profonde action de grâce envers Mgr Ilario Antoniazzi, désormais évêque émérite de Tunis, et par l’enthousiasme que suscite l’arrivée de Mgr Nicolas Lhernould comme nouvel archevêque. Les chorales en témoignent en laissant éclater une louange qui gagne vite l’assemblée.
« J’ajoute encore à ta louange », c’est par ces mots, tirés du psaume 70, que le français, originaire de Courbevoie, a commencé son homélie, rappelant que « la Tunisie l’avait enfanté comme prêtre, il y a tout juste 20 ans, (…) au service d’un peuple qu’il aime. » Avant de préciser : « Je ne le fais pas comme un retour mais comme un nouveau départ dans l’Esprit saint qui fait toutes choses nouvelles. »
Pour l’occasion, une délégation d’une quinzaine de personnes est venue de Constantine, en Algérie, où Nicolas Lhernould était évêque depuis 4 ans. 15 personnes c’est presque toute la paroisse de Constantine qui ne compte guère plus de 20 paroissiens, tous étrangers, que l’archevêque a tenu à remercier dans son homélie : « Merci aux frères et sœurs venus de Constantine et d’Algérie : avec vous j’ai appris que l’Eglise est elle-même lorsqu’elle donne le meilleur, en acceptant humblement sa propre pauvreté, à l’image de Dieu qui s’est fait tout petit et qui s’est dépouillé pour donner le témoignage du plus grand amour. (…) Merci à l’Eglise d’Algérie, dont je reste proche et frère, de m’avoir aidé à saisir que la catholicité de l’Eglise n’est pas une question d’extension ni de nombre mais de mission : celle de recevoir en partage, par pure grâce de Dieu, la responsabilité du salut du genre humain dans son entier. Merci de m’avoir aidé à comprendre que Dieu attend de nous la fécondité qui engendre plus que l’efficacité qui compte et quantifie. En donnant le meilleur de nous-mêmes non comme nous le voulons mais comme Dieu le désire. »
Si en comparaison, l’Eglise catholique tunisienne semble riche, avec ses 20 000 chrétiens dont environ 1500 pratiquants, ne nous y trompons pas. Dans un pays de plus de 12 millions d’habitants, l’Eglise tunisienne est un « petit troupeau qui fait signe » comme le rappelle le père Léonce, reprenant les mots des papes Jean-Paul II et François : « Notre évêque émérite aime nous comparer à une petite goutte de parfum qui peut se répandre loin et longtemps. Nous sommes conscients d’avoir été envoyés par le Christ pour témoigner de Son amour au milieu des tunisiens. Si le Christ veut de nous ici, qui sommes-nous pour refuser ? »
C’est bien cette gratuité de la présence qui marque les tunisiens. Blandine et Edgar Michalon, volontaires Fidesco depuis 3 ans à Tunis, peuvent en témoigner : « Souvent, les tunisiens nous demandent pourquoi nous sommes venus ici. Pourquoi nous ne rentrons pas en France pour les vacances ou pour les fêtes. Quand nous leur disons que nous n’avons pas choisi notre pays de mission mais que nous restons car nous les aimons, ils sont touchés et interpellés. Avant d’ajouter, si nous sommes ici c’est pour témoigner que le Christ est pour tout le monde ! »
La Conférence épiscopale d’Afrique du Nord compare la présence des chrétiens en terre musulmane à une visitation, raconte le père Léonce : « Lorsque Marie se rend chez sa cousine Elisabeth, la rencontre entre les deux va libérer le magnificat de Marie et susciter le tressaillement de Jean-Baptiste chez Elisabeth. Il y a un échange qui se fait, qui se vit et qui s’exprime ensuite. C’est cela que nous voulons vivre avec les tunisiens, c’est le sens de notre présence. »
Dans son homélie, Mgr Lhernould a exhorté chacun à :
– être « bienfaisants avec les pauvres (…) L’Eglise se renouvelle non pas tant en aidant les plus petits mais en se constituant avec eux. Chacun a quelque chose à donner et la joie de ce don est signe du royaume dont les pauvres de cœurs sont les héritiers. »
– mais aussi à « honorer le monde : (…) L’Eglise n’a pas son centre de gravité en elle-même mais dans la relation d’amour de Dieu avec le monde. Sachons vivre cette proximité en mettant ce que nous avons et ce que nous sommes au service de la marche de Dieu vers les peuples du monde, que la rencontre personnelle transforme avec Lui. »
– avant d’inviter l’assemblée à « aimer la fraternité, une fraternité ancrée en Jésus. » C’est d’ailleurs comme un frère qu’il a demandé à son nouveau troupeau de le considérer, et non pas d’abord à travers sa fonction, citant alors Saint Augustin, son illustre prédécesseur à Constantine et Hippone : « Saint Augustin disait : « Si ce que je suis pour vous me donne le vertige, ce que je suis avec vous me rassure. » Evêque c’est le titre d’une charge que l’on assume ; chrétien, frère c’est le don de la grâce que l’on reçoit. Titre périlleux, nom salutaire. »
La messe s’achève alors sur l’Alleluia de Haendel, comme pour poursuivre cette célébration de l’universalité de l’église.
Bio express de Nicolas Lhernould
1975 : Naissance à Courbevoie
1999 : Entrée au séminaire français de Rome pour le diocèse de Tunis
2004 : Ordination sacerdotale pour le diocèse de Tunis
2012 : Nomination comme vicaire général du diocèse de Tunis
9 décembre 2019 : Nomination comme évêque de Constantine et Hippone en Algérie
8 février 2020 : Ordination épiscopale en la cathédrale de Tunis
Le 4 avril 2024 : Nomination comme archevêque de Tunis, à la suite de l’italien Mgr Ilario Antoniazzi qui part en retraite.
8 juin 2024 : Installation comme archevêque de Tunis en la cathédrale Saint-Vincent-de-Paul de Tunis