Le Père Vincent Bedon a écrit Madeleine Delbrêl – Les saintes aventures de la vie de tous les jours, un livre pour redécouvrir la vénérable sous l’angle de son charisme missionnaire. Interview.

Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à la figure de Madeleine Delbrêl ?

J’ai connu tout d’abord Madeleine par de brèves références de mon missel de semaine, citations qui frappaient juste et fort. Je me disais : « Qui est cette femme ? » J’étais marqué par ses phrases, concises, souvent poétiques, allant droit au cœur et à l’intelligence, phrases qui en disent long sur sa compréhension du mystère de Dieu. Madeleine, convertie, assistante sociale, poète, missionnaire est aussi une vraie mystique.

Puis j’ai lu son célèbre livre Nous autres, gens des rues, livre posthume de texte collationnés après sa mort. Ce qu’elle disait rejoignait fortement bien des choses que nous essayions de vivre dans l’Équipe missionnaire, et j’ai fait deux enseignements pour l’équipe à partir de ses textes. J’ai alors commencé à la lire plus attentivement. Pendant le confinement, au mois d’avril dernier, étant partiellement au chômage, l’idée m’est venue de ce livre, tout de suite encouragée par les Éditions de l’Emmanuel !

Quel angle avez-vous choisi dans votre livre pour nous faire découvrir Madeleine ?

Mon petit livre permet de découvrir Madeleine sous un angle majeur, celui de son charisme missionnaire : la mission de tous les baptisés, des laïcs. Inclassable et incomprise hier, elle attire aujourd’hui des gens de tous horizons, attirés par son exemple et ses paroles qui ont devancé le concile Vatican II sur de nombreux points. La publication de ses œuvres complètes est bien engagée, déjà 17 tomes ! Mon livre est plus concis !

Qu’est-ce que Madeleine Delbrêl peut apporter aux catholiques d’aujourd’hui ?

Madeleine est morte en 1964 : cela peut paraître loin, mais sa pensée est extraordinairement actuelle ; elle était en avance sur tout, véritable prophète.

– Sa réflexion sur la foi est lumineuse. Arrivée à Ivry, elle voit triompher l’athéisme marxiste et se demande pourquoi et comment la foi est tombée, ce qui engendre sa recherche, fine et lucide. En bref, tout chrétien habité par la vraie foi, celle qui tient même en milieu adverse, devient nécessairement missionnaire ; la foi est faite pour être vécue et annoncée.

– Madeleine est en avance aussi pour affirmer l’appel à la vraie sainteté des laïcs, leur vocation au témoignage et à la mission. Pas seulement à travers des œuvres paroissiales mais pour se porter au-devant de tous les « sans Dieu », jusqu’aux athées, pour les comprendre, les aimer et leur faire aimer le Christ.

– À une époque où la plupart des baptisés ignore la parole de Dieu, elle vit et annonce la place majeure de cette Parole dans la vie chrétienne, ce « feu qui exige de pénétrer en nous pour y opérer une dévastation et une transformation ». Sa vie témoigne que cette Parole accueillie et vécue engendre les missionnaires.

– Enfin, et surtout, Madeleine est habitée par un amour brûlant, puisé dans sa vie de prière, qui ne rejette personne. Pas seulement l’amour d’une assistante sociale – ‘humanitaire’ – mais un amour apostolique, sauveur pour porter le Christ à tout homme.

Madeleine a prophétisé tout cela dans sa vie et dans ses écrits. Sa vie est aujourd’hui pour chaque baptisé un témoignage d’une force et d’une densité exceptionnelles. Elle est – disait son ami le père Jacques Loew – cette « femme préparée par Dieu pendant trente ans pour l’après Concile ». Nous y sommes !