Le Seigneur m’a dit : “Veux-tu recevoir le sacrement de l’ordre?”

Steven Labat est d’origine égyptienne. A 30 ans, il vient d’être ordonné diacre. Pour nous, il revient sur son “histoire sainte” : celle de sa rencontre avec le Seigneur, qui l’a conduit jusqu’à son ordination diaconale en vue du sacerdoce.

image 2Je suis né à Montréal au Canada où mes parents sont partis au moment de leur mariage. Ils ont néanmoins décidé de retourner au Caire lorsque j’avais quatre ans. Mes premiers souvenirs remontent aux moments où ma mère nous rassemblait, ma petite sœur et moi avant l’arrivée de mon petit frère, pour prier. La crucifixion du Christ me fascinait, sans avoir vraiment compris le sens de cet acte, je passais du temps à dessiner Jésus en croix.

J’ai intégré le collège de la Sainte Famille tenu par les Jésuites du Caire, où j’ai suivi toute ma scolarité. Là bas, j’ai appris à voir mes collègues d’écoles comme des frères, qu’ils soient chrétiens ou musulmans (il y avait 60% de musulmans). Nous avons visité les prisonniers de Khanka ensemble, ainsi que servi les pauvres chiffonniers. 

Je me souviens en particulier de la messe du collège, le 3 décembre 2001 au cours de laquelle le provincial jésuite, le père Sarkis avait donné son témoignage de vocation disant qu’il était assis dans cette même église quand il s’est posé la question de consacrer sa vie au Seigneur. Ce jour-là, l’Esprit Saint était particulièrement présent, parce que je me suis senti très concerné par cette même question..

Vers la fin de ma scolarité chez les Jésuites, j’ai été invité par un bon ami à participer à une marche dans le désert avec des Belges et des Français. C’est là que j’ai fait connaissance pour la première fois de la Communauté de l’Emmanuel. La louange! C’est cela qui m’a le plus marqué pendant ce séjour désertique: ces chants tout simples dans l’immensité de la steppe encore brillante par la rosée du matin. Mais aussi, les deux prêtres qui nous accompagnaient: ils étaient si fraternels! L’un d’entre eux m’a généreusement invité à venir en Belgique pour apprendre à mieux connaître la communauté en participant aux “Petits camps de Beauraing”. 

L’été de cette même année j’ai donc pu faire cette belle expérience avec des enfants sous le regard bienveillant de Notre Dame au cœur d’or en Belgique. Et suite à une proposition d’un autre prêtre je me suis trouvé embarqué dans une voiture vers la Bavière, direction: le Forum d’Altötting. A nouveau, la louange! Quelle joie! Quelle paix! Je me sentais libre d’être moi-même sous un regard paternel. 

De retour en Égypte, je me suis lancé dans ma première année d’étude de droit et j’y ai fait l’expérience de la fragilité de ma foi face aux épreuves et aux tentations de la vie.

L’année d’après, interpellé par la joie de la louange reçue au forum en Allemagne, je décide de quitter mon pays et m’engage à l’école d’évangélisation d’Altötting. Et me voilà embarqué dans cette aventure avec des jeunes de 8 nationalités différentes, tous en recherche d’un trésor.

Néanmoins, cette année n’a pas été simple pour moi, parce que j’ai ressenti un besoin d’éprouver ma foi et de la questionner. J’ai peut-être été trop loin à un moment, mais Pierre Goursat m’a ressaisi, car il dit:”Il faut douter de tes doutes”. Et pour mettre fin à ce tourment il fallait que je choisisse mon camp, j’ai donc demandé un signe au Seigneur dans les deux semaines qui suivaient, s’Il voulait que je sois des siens. Et en effet il m’en a donné plusieurs! J’ai alors compris qu’il m’avait “sorti du pays d’Égypte” pour croire que c’est lui qui m’avait conduit par sa Providence. C’est aussi pendant cette année que je suis allé à Paray-le-Monial pour la 1ère fois! Dans la chapelle de Saint Claude, il m’a ouvert les yeux sur mon plus gros péché; celui de penser que Dieu n’est pas assez bon pour me pardonner. Encore un Jésuite qui sait accompagner!

Le plus beau cadeau que m’a fait le Seigneur était de faire sa rencontre. Pendant une messe, cette phrase me frappe “Seigneur, éloigne-toi de moi car je suis un homme pécheur (Lc 5, 8)”. C’est tout à fait cela! J’ai peur de Dieu! J’ai peur de son jugement, je préfère presque qu’il ne soit pas au lieu de me voir pécheur tel que je suis. Mais Jésus répond: “N’aie pas peur, Simon” pour me dire:” Je te connais, et je t’aime tel que tu es”. J’étais déjà touché par la première phrase et la deuxième m’a vraiment bouleversé: “Désormais ce sont des hommes que tu prendras”. Pour me dire:”Je t’ai appelé, je veux me servir de toi, suis-moi”. Tout ça pour moi Seigneur? .

Rempli de ce feu du Seigneur, je suis de retour en Égypte: une première session d’été pour les jeunes était sur le point d’être lancée, je prends le train en marche et on ne s’est jamais arrêté depuis…

Cela a été la pêche miraculeuse à l’égyptienne; les membres ont triplé d’un seul coup, ainsi que les maisonnées. Une multitude de rites dont je ne connaissais pas l’existence sont apparus. Amen! 

Quelle joie d’avoir été en mission dans ce pays riche en humanité (plus de cent millions d’habitants aujourd’hui), en histoire et en cultures. Ce berceau qui a accueilli la sainte famille pendant les trois premières années de Jésus sur terre.

Le Seigneur m’avait montré qu’il avait une place pour moi dans son cœur mais je ne voyais pas concrètement dans la société ainsi que dans l’Église où je devais me lancer.  

A vrai dire, mes racines égyptiennes sont fragiles parce que mes arrières grands parents sont arrivés dans ce pays en gardant une identité syro-libanaise et en étant assez occidentalisés. Je n’appartiens pas à l’Église copte qui est celle des égyptiens de souche. Mais malgré cela le Seigneur m’a envoyé en Égypte!

Un événement m’a permis de mieux comprendre ma place au milieu de ce peuple: Le fameux “printemps arabe”, qui se concrétise pour moi dans la mobilisation sur la place de Tahrir. Ce mouvement de manifestation était monté contre un pouvoir corrompu ayant perdu sa légitimité démocratique par ses fraudes aux élections.

Je savais que je risquais la mort à n’importe quel moment pendant ces quelques semaines, mais j’ai réalisé que le Seigneur avait mis un grand amour dans mon cœur pour mes compatriotes et que j’étais prêt à prendre ce risque.

Dans la foulée de ces événements je me suis engagé dans la société civile en me faisant embaucher dans une ONG qui défendait les droits des femmes. J’organisais des séances de films-débats autour de l’égalité entre l’homme et la femme dans la société arabe. J’ai été saisi de compassion devant les violences faites aux femmes dans notre pays: ces violences pouvaient aller jusqu’à la mutilation au nom de la pudeur. 

Dernièrement, je me suis orienté vers l’art et j’ai commencé à comprendre que c’ était ma vocation dans la société. J’avais un désir de transmettre quelque chose de plus global que des droits civils, peut-être de montrer la lueur d’espérance qui transperçait la souffrance humaine, la croix en fait, et j’étais de plus en plus persuadé que l’art était le moyen pour moi de le faire. Cela commençait à se réaliser concrètement par des petits projets: la participation à des courts-métrages, un groupe de musique, une troupe musicale.

Je fourmillais d’idées mais au fond quelle était la volonté du Seigneur?

Pour me remettre dans les mains du Seigneur, je participais régulièrement à des retraites de Saint Ignace. Le Seigneur n’avait jamais été aussi clair qu’en septembre 2014 où la question qu’il me posa était: “Veux-tu recevoir le sacrement de l’ordre?”, j’ai poussé un:”Oui” profond et libérateur, mais…qu’en était-il de mes projets?…Quelques jours plus tard j’ai décidé que j’allais prendre un rendez-vous téléphonique avec le père responsable de la maison Saint Joseph (maison de fondation spirituelle pour recevoir sa vocation, située à Namur en Belgique) pour voir ce qui était possible. Le rendez-vous était pris pendant le tournage d’un court-métrage. J’avais prévenu le metteur en scène que je devais arrêter pendant une heure…l’entretien a été long parce que le père Thierry Quelquejay a commencé à prier en langue pour demander à l’Esprit Saint de m’aider à me décider de partir dans les 48 heures qui suivaient…ça a été super efficace! J’ai pris un billet pour la Belgique (il a fallu régler des problèmes de visa après), et je suis arrivé à Namur, là où le Seigneur me voulait.

Sept ans de travail et de grâces plus tard, je suis toujours au séminaire. 

En tant qu’oriental j’aurais pu choisir la vocation de prêtre-marié mais j’ai pris la décision de me consacrer dans le célibat. Le Seigneur a séduit mon cœur qu’il a voulu entièrement et sans partage pour lui. Il m’a aussi concrètement montré que c’était possible de grandir en chasteté avec l’aide de sa grâce qui comble le cœur de l’homme.

Me voici entré dans la joie de servir le Seigneur tous les jours de ma vie!

Vignette Steven temoignage

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