Laurent Landete : « retrouver ce qui était perdu »

Laurent LandeteAlors que s’ouvrent presque au même moment une nouvelle année liturgique et l’Année Sainte de la miséricorde, le modérateur de la Communauté de l’Emmanuel nous propose une réflexion pour entrer de plain-pied dans ce temps de grâces. En voici un résumé.

Pour éclairer notre chemin, je voudrais attirer votre attention sur la manière dont le Saint-Père a fait l’annonce de ce jubilé, au début du carême 2015.

Il a appelé toute l’Église à lâcher prise, puis à laisser une place à l’émotion et aux larmes : « Cela nous fera du bien de demander le don des larmes, afin de rendre notre prière et notre chemin de conversion toujours plus authentique et sans hypocrisie. Cela nous fera du bien de nous poser cette question : est-ce que je pleure ? Est-ce que les évêques pleurent, est-ce que les cardinaux pleurent, est-ce que le pape pleure, est-ce que les prêtres pleurent, est-ce que les consacrés pleurent, est-ce que les larmes sont dans nos prières ? (…) Les hypocrites ne savent pas pleurer. Ils ont oublié comment pleurer, ils ne demandent pas le don des larmes. »

Bien évidemment, le pape ne nous demande pas de « pleurnicher » ou de nous lamenter sur nous-mêmes, mais de nous laisser émouvoir par la souffrance des autres. Comme Jésus.

Il me semble que nous devons prendre très au sérieux les propos du Saint-Père. Ils nous éclairent dans notre vocation à témoigner d’une véritable compassion qui évite toute condescendance d’une part, et d’autre part, toute sensiblerie déplacée. Cette compassion

qui puise ses forces dans la miséricorde est le passage nécessaire, qui mène à l’annonce du Christ en vérité. La compassion de Jésus nous engage à rejoindre les autres dans leurs réalités, en cherchant à comprendre leur histoire, leurs échecs, leurs questions, leurs erreurs, leurs difficultés, leurs joies et leurs espérances aussi. Dans les évangiles, nous voyons Jésus, ému de compassion pour les foules et pour chaque personne en particulier. Il est à chaque fois bouleversé par la souffrance. Les larmes de Jésus sont le témoignage de l’authenticité de son amour. « Alors Jésus se mit à pleurer. Les Juifs disaient : voyez comme il l’aimait ». (Jn 11,35-36)

Et le pape François insiste : « vous-mêmes, soyez courageux, pleurez ! » Mais il invite avec sagesse à un juste discernement dans cette attitude : il y a une compassion mondaine qui ne sert à rien. Comment nous laissons-nous atteindre personnellement ? Est-ce que j’ai appris à pleurer quand je vois un jeune qui a faim, se drogue, n’a pas de maison, est abusé, utilisé comme esclave ?

Il est tellement tentant de construire des murs pour nous disculper de notre repli : « Le cœur fermé se justifie toujours de ce que le cœur ne fait pas. » dit aussi le Saint-Père. Ces propos peuvent paraître quelque peu déroutants, mais ils nous conduisent, au contraire, de manière sûre et authentique sur les chemins de la miséricorde « cœur battant de l’Évangile ».

Au seuil de cette Année Sainte, le moment est ainsi venu de nous remettre en question : sommes-nous capables de pleurer pour ceux qui souffrent ?

L’interpellation du Seigneur dans le livre de la Genèse : « Qu’as-tu fait de ton frère ? » (Gn 4,9) pourrait bien être le fil conducteur de cette année.

 

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