Un événement historique. Le 13 juillet, devant 2500 jeunes majoritairement catholiques, le grand rabbin de France Haïm Korsia inaugurait avec le Cardinal Barbarin, la session « Juifs et Cathos 2016 ; Découvrir le judaïsme : les chrétiens à l’écoute ». Le Père Jean-Baptiste Nadler, prêtre de la Communauté de l’Emmanuel revient sur cette rencontre.
Vous avez participé à l’organisation de la sessions Juifs&Cathos2016. Quel était le but de cette rencontre ? Pourquoi avait-elle lieu à Paray-le-Monial ?
Les années précédentes, trois sessions « Découvrir le judaïsme ; les chrétiens à l’écoute » ont eu lieu dans des villes de l’Ouest de la France. Cette année Mgr Rivière a demandé à la Communauté de l’Emmanuel d’accueillir cette session dans le cadre des sessions d’été de Paray, pour donner une dimension plus large à l’événement, toucher les jeunes et donner une nouvelle génération au dialogue avec le judaïsme. D’où l’organisation de « #Juifs&Cathos2016 les chrétiens à l’écoute » en parallèle de la session des 25-35, comme deux sessions indépendantes mais avec des ponts et des temps communs. Ni colloque, ni rencontre universitaire, la session voulait permettre la rencontre entre de jeunes juifs et de jeunes chrétiens et leur faire expérimenter ce que signifie être juif, être chrétien, en suivant par exemple, pour les chrétiens, les règles du judaïsme : repas casher, shabbat…
Comment concrètement ?
Nous avons célébré l’office d’entrée en shabbat, le vendredi soir, dans la salle Ste Marguerite-Marie devenue synagogue pour l’occasion… Nous étions plus de 600 dont 90% de chrétiens. Le rabbin Yehuda Berdugo annonçait les psaumes, chantés en hébreu, et les chrétiens présents suivaient chacun avec leur bible, en français. Même s’il peut être décontenancé par une liturgie qu’il ne connaît pas, un chrétien peut prier à la synagogue puisqu’on y lit les psaumes, des textes de la Bible. C’est une expérience forte à faire. Lors du repas de shabbat qui a suivi il y a eu les rites de bénédiction du vin et du pain. En vivant une expérience de la ritualité juive on voit mieux les correspondances avec la ritualité chrétienne.
Avec les juifs, nous avons une seule alliance. La Torah est la Parole de Dieu pour les juifs comme pour nous. Les psaumes sont la prière de Jésus, et donc des juifs et des chrétiens.Cardinal Barbarin
Objectif atteint donc ?
Nous avons eu de très bons échos et en tout cas nous avons répondu à notre premier objectif : permettre une rencontre avec le judaïsme vivant ! Découvrir que les sources juives de la Foi sont un don de Dieu est un véritable déclic spirituel qui dépasse la dimension intellectuelle. Je ne serais pas étonné qu’au cours de ces 5 jours davantage de catholiques aient eu ce déclic et reçu ce don de la part du Seigneur. Inversement, les juifs présents ont découvert quelque chose du christianisme. Sarah, une jeune juive, a témoigné avoir été touchée d’entendre les chrétiens parler simplement de leur foi et surtout de leur relation personnelle avec Dieu.
Quels moments ont été les plus marquants ?
La conférence inaugurale d’abord. C’était certainement la première fois qu’un rabbin était invité à s’exprimer lors d’une session à Paray-le-Monial ! Il y a eu un échange en profondeur entre le cardinal Barbarin, Haïm Korsia, le grand Rabbin de France et le public. Nous avons aussi vécu un moment fort et très émouvant lors de la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv, avec le témoignage entre autres d’Yvette Lévi, déportée. Voir participer tant de chrétiens à la prière et le repas de shabbat ont aussi beaucoup marqué les juifs présents, au point que Raphy Marciano, Directeur du centre communautaire de Paris (centre juif) et de l’institut universitaire Elie Wiesel, s’est demandé comment il allait pouvoir raconter cela à son retour. Avant de remarquer, ému : « si cette rencontre avait eu lieu avant la guerre, le cours de l’histoire aurait probablement été changé. »
Le rabbin Nissim Sultan, après avoir témoigné de la difficulté de subir chaque jour l’insécurité liée à l’antisémitisme a conclu cette rencontre en disant sa joie d’avoir participé à cette session. « Je me suis senti accueilli et respecté, ici, je me suis senti aimé ».
« Quand quelqu’un exerce la miséricorde on est dans un « espace de temps messianique » » explique Haïm Korsia, invitant l’assemblée à faire de notre temps, un temps de miséricorde. Tandis que Mgr Barbarin lance : « vous ne pourrez être des relais, des serviteurs de la Miséricorde, que si vous avez accepté de laisser Dieu agir en vous », rappelant la phrase de Jean-Paul II « La Miséricorde c’est le nom de Dieu ». Devant la mosaïque du jésuite slovène Marko Ivan Rupnik représentant le bon samaritain leurs propos résonnent avec un écho particulier. Le Cardinal et le grand Rabbin ponctuent leur étude biblique de quelques traits d’humour. L’ambiance est joyeuse et fraternelle. Les 25-35, nombreux sous la grande tente de Paray-le-Monial et qui n’ont pour la plupart jamais eu de contact avec le judaïsme, écoutent avec attention et prennent conscience des racines communes qui les lient au peuple juif.
Pour aller plus loin :
Juifs et cathos, une session de découverte du judaïsme à Paray-le-Monial