« Dieu est le Dieu de la joie » – Sur les pas de saint François de Sales

François de Sales a exprimé sa gratitude au Père en témoignant de sa miséricorde et en rendant grâce pour l’amour du Christ.

Par Jacques Gauthier, auteur

François de Sales est un homme d’action de grâce qui a suivi le Christ dans la gratitude et la reconnaissance. Action de grâce dans la prière, sachant qu’il a tout reçu du Père, en son Fils, dans l’Esprit. Gratitude dans la vie, en ne se plaignant pas de ce qui lui manque, mais en remerciant Dieu de ce qu’il a. Reconnaissance dans son cœur, au sens de “merci”, mais aussi en relevant les traces du Christ tout au long de sa vie. La vie est un don de Dieu qui nous aime ; toutes ses œuvres sont belles. Pour François, tout s’éclaire à partir de l’amour de Dieu qui est beau, bon, vrai. On entre ici dans l’ordre de la célébration et de la gratitude, non celui de la critique et du pessimisme. De cette attitude de gratitude, découlent trois grandes caractéristiques de sa spiritualité : la sainteté accessible à tous, l’Évangile comme règle de vie et l’amour comme unique méthode. L’évêque de Genève a montré qu’il n’est pas nécessaire de vivre dans un cloître, de faire de longues prières, d’avoir tel style de vie pour se sanctifier. Il suffit de désirer vivre la sainteté au quotidien, d’unir notre volonté à celle du Christ, dans un esprit de gratitude et d’action de grâce. « Fleuris là où tu es planté », disait-il. Avec lui, la liberté se trouve au cœur de la vie chrétienne et la vie intérieure n’est plus compartimentée en des temps de prière, de travail, de loisir ; elle jaillit de la vie elle-même, au jour le jour, où « tout est grâce », disait la petite Thérèse.

Homme de douceur

Né le 21 août 1567, ce fils d’une noble famille de Savoie était destiné à une brillante carrière juridique, mais c’est la théologie qui gagnera son cœur. Cela ne l’empêchera pas de recevoir des leçons d’équitation, de danse et d’escrime. À l’âge de 14 ans, il fréquente le collège des Jésuites de Paris. Il vit une grave crise spirituelle qui se manifeste par l’angoisse de la damnation. Il trouvera la paix intérieure grâce à la Vierge Marie, mère de toute gratitude et cause de notre joie. En 1588, il part pour Padoue, où pendant trois ans il étudiera le droit et la théologie. À 24 ans, il subit ses derniers examens de droit et s’inscrit au barreau de Chambéry. Homme de son temps, il participe à la fondation d’un mouvement humaniste à Annecy, où l’on célèbre la grandeur et la beauté de l’être humain. Cette philosophie de vie est une prise de conscience des richesses qui nous entourent, une manière d’exprimer sa gratitude en s’ouvrant aux autres et à Dieu, comme Jésus avec la Samaritaine : « Si tu savais le don de Dieu » (Jn 4, 10). François est ordonné prêtre en 1593. Mgr de Granier l’envoie à la Mission de Chablais, où le protestantisme est majoritaire. Évangélisateur équilibré, il lutte contre le pessimisme de Luther et de Calvin en montrant une image plus positive de l’être humain et en dialoguant avec les protestants. Il comprend que nous devons aimer ceux qui ne pensent pas comme nous. Avec beaucoup d’humilité et de douceur, il prêche la confiance en Dieu et la reconnaissance de ses bienfaits, l’importance de le louer au lieu de râler. Il écrit à une dame du monde que « Dieu est le Dieu de joie », et non un Dieu sévère. Des milliers de familles protestantes se réconcilient ainsi publiquement avec l’Église. Son évêque le rappelle pour une visite à Rome auprès du pape Clément VIII. Il est nommé coadjuteur de l’évêque de Genève en 1599. Trois ans plus tard, en 1602, il lui succède. Ne pouvant résider à Genève, appelée la Rome des calvinistes, il s’installe à Annecy. Cette superbe ville de Haute-Savoie, traversée de canaux, garde intacte la présence de François de Sales et de celle qui deviendra très importante dans sa vie, sainte Jeanne de Chantal, qu’il rencontre en 1604. Il fondera avec elle en 1610 l’ordre des Visitandines, communauté de femmes cloîtrées, où la douceur et l’équilibre traduisent bien l’esprit du fondateur que l’on retrouve aussi dans sa correspondance.

« La dévotion n’est autre chose qu’une agilité et vivacité spirituelle par le moyen de laquelle la charité fait ses actions en nous. » (Introduction à la vie dévote)

L’esprit de la prière

François de Sales est en lien avec les grands spirituels de son temps. Il soutient la réforme

des carmels de sainte Thérèse d’Avila et la fondation de l’Oratoire par saint Philippe Néri. Il publie un livre dont les propos sont nouveaux à son époque : Introduction à la vie dévote. Son expérience d’accompagnateur spirituel lui apprend que les voies de la sainteté sont ouvertes à tous, et que l’amour de Dieu embellit toute âme. Il sort la sainteté des cloîtres et la lance sur les sentiers du monde. La boutique du cordonnier, la maison du bourgeois, la caserne du soldat peuvent être des lieux où se vit la sainteté. Ce livre aborde l’union à Dieu et du moyen par excellence pour y parvenir : la prière, surtout l’oraison. Il insiste sur un authentique esprit de prière plus que sur des exercices de piété. Il conseille de faire oraison une heure par jour, de préférence le matin, « parce que

vous aurez votre esprit moins embarrassé et plus frais après le repos de la nuit ». Le saint consacre un chapitre entier à la douceur envers soi-même. Son édifice spirituel se bâtit sur cette douceur, sans oublier l’humilité, qui est la connaissance de notre misère et la vérité que Dieu est miséricorde, d’où notre responsabilité de lui rendre grâce. L’abandon en Dieu et la confiance en son amour sont les autres pôles de cet édifice spirituel qui marquera tant l’École française de spiritualité, dont l’esprit d’enfance spirituelle sera l’un des plus beaux fruits, que sainte Thérèse de Lisieux amènera à son plein épanouissement.

L’amour de Dieu

De 1609 à 1616, François rédigera un autre chef-d’œuvre de spiritualité : Traité de l’amour de Dieu. Ce livre tire sa cohésion du lien intime qui existe entre la bonté de Dieu et la liberté humaine. Il y parle de la différence des amours, du désir que Dieu a d’être aimé : « Le coeur divin est amoureux de notre amour. »

L’humanisme chrétien de François de Sales transpire dans ce livre qui trouve encore aujourd’hui des lecteurs. On loue son équilibre, sa juste mesure, son témoignage de gratitude, son discernement, sa bonne humeur, son amour de Dieu et du prochain. Il écrit : « Quiconque se plaît véritablement en Dieu désire de plaire fidèlement à Dieu, et, pour lui plaire, de se conformer à lui. » François meurt à Lyon le 28 décembre 1622 à l’âge de 55 ans. Jésus est le dernier mot qu’il prononce. Il est inhumé le 24 janvier suivant à Annecy où il repose. L’Église retient cette date dans sa liturgie. Canonisé en 1665, il sera déclaré docteur de l’Église en 1877 par Pie IX. En 1923, Pie XI le proclame patron des journalistes, des éditeurs et des écrivains, en raison surtout du fait qu’il distribuait des feuillets imprimés exposant la foi catholique aux gens du Chablais.

L’AUTEUR Jacques Gauthier a publié plus de 75 ouvrages dont Les saints, ces fous admirables (Novalis/Béatitudes, 2018) et Je donnerai de la joie/Entretiens avec Dina Bélanger (Novalis/Emmanuel, 2019). Il vient de publier Devenir saint/Petit mode d’emploi (Emmanuel, 2020).

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Le magazine Il est vivant a publié le numéro spécial :

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