De l’âme et du corps, qu’est-ce qui de nous ressuscitera ?

« Dans les enterrements, quand je bénis le corps, je dis : « Nous croyons que nous ressusciterons corps et âme et au nom de cette foi, je bénis le corps. » C’est tout l’être humain qui ressuscite. Mais il y a deux résurrections : la “résurrection spirituelle” (de l’âme) et la “résurrection physique” (du corps). »

Par le PÈRE JEAN-MARC BOT
pour Il est vivant! n°345

La “résurrection spirituelle”, c’est le passage d’une vie limitée commencée sur terre à une plénitude à laquelle nous adhérerons dans la vie éternelle. « Heureux les cœurs purs, ils verront Dieu » (Mt 5, 8). Ils verront Dieu, même avant la “résurrection physique”. Notre âme, dans la vision béatifique, sera divinisée avant la résurrection de la chair.

En attendant la résurrection des corps…

L’âme, séparée du corps à la mort, a en quelque sorte “la mémoire du corps”, tout le “programme” du corps. Ce n’est donc pas n’importe quelle âme : c’est l’âme de ce corps. C’est une âme incarnée et non un pur esprit déconnecté du monde physique. Avant la résurrection des corps, il y a, certes, un manque. Mais ce manque n’empêche pas l’âme d’entrer déjà dans la plénitude du bonheur.

Cette question a fait l’objet d’un débat au XIVe siècle avec un pape d’Avignon, Jean XXII. Dans trois homélies, en 1331 et 1332, il affirme que l’être humain est détruit à la mort ; il faudrait, selon lui, attendre la résurrection de la chair pour entrer dans la vision béatifique. Il dit : « La vision de Dieu est la récompense due seulement à l’homme constitué comme sujet dans la résurrection par l’union de l’âme et du corps et non pas déjà à l’âme séparée du corps. » Ses propos provoquent une levée de boucliers de tous les théologiens de la Sorbonne. Ils sont sévèrement condamnés par l’Université de Paris en 1333 ainsi que par la majorité des théologiens consultés par le pape. Ses ennemis exploitent ce scandale et Louis de Bavière intrigue avec le cardinal Napoléon Orsini dans l’intention de faire condamner et déposer le pape par un concile général. Jean XXII se sent alors acculé à déclarer, le 3 janvier 1334 devant le consistoire, qu’il rétracte sa position si elle est contraire à la doctrine commune de l’Église. Le 3 décembre 1334, la veille de sa mort, il rétracte solennellement son opinion en présence des cardinaux. Son successeur, Benoît XII, s’est empressé de donner le texte qui est toujours la doctrine aujourd’hui. Au n° 1023, le catéchisme de l’Église catholique dit qu’on n’attend pas la résurrection des corps pour entrer dans la vision béatifique si le cœur est purifié.

Réhabiliter l’âme

Un passage de saint Paul peut aider à comprendre comment l’âme peut jouir de la vision béatifique malgré ce manque en attendant la résurrection des corps. Il raconte qu’il était en extase « avec ou sans mon corps, je ne sais plus ». Et toutes les expériences mystiques vont en ce sens. Dans le cas de Jésus ou de la Vierge Marie, le corps ne s’est en revanche pas décomposé ; ils sont ressuscités corps et âme. Pour le commun des mortels à l’inverse, le corps, à la mort, est entièrement détruit. Or, qu’est-ce qui fait l’identité profonde de l’être humain ? C’est l’âme. Saint Thomas d’Aquin, à la suite d’Aristote, dit que l’âme est la “forme” du corps. C’est-à-dire que le corps vivant que vous êtes, c’est votre âme qui le “produit”. L’âme n’est pas située dans un organe du corps. Elle est spirituelle. Il est d’ailleurs beaucoup plus juste de dire que le corps est dans l’âme plutôt que l’inverse. Dans son livre De l’âme, l’académicien François Cheng se livre à une critique du déni actuel de l’âme en Occident. Il tente de réhabiliter ce mot et plus encore cette réalité, et c’est heureux. En son temps, Thérèse d’Avila était saisie par la grandeur de l’âme humaine. Le château intérieur dont elle parle dans ses écrits, c’est l’âme. Jean de la Croix dit quant à lui : « Une seule pensée de l’homme est supérieure à tout l’univers. » On n’aura jamais fini d’explorer la grandeur de l’âme humaine.

Un témoignage m’a beaucoup frappé. Christiane, une jeune handicapée profonde, est morte brûlée vive à la suite d’un accident. Elle vivait dans une institution depuis son enfance, n’avait jamais parlé et on ne savait rien de son intériorité. Elle avait été baptisée, avait fait sa communion et assisté à toutes les séances de catéchisme comme les autres enfants. Au cours du mois durant lequel elle a survécu à son accident, alors qu’elle était grande brûlée, on l’a entendue pour la première fois parler. Et on a découvert que c’était une surdouée. Elle avait tout retenu de ce qu’elle avait entendu et elle avait une vie intérieure du niveau de celle de Thérèse de Lisieux. Elle est morte comme une sainte (témoignage publié dans Vie spirituelle dans les années 1970). Beaucoup de personnes vivent des choses similaires. Elles sont murées dans un silence extérieur, incapables de communiquer. Cela ne les empêche pas d’avoir une intense vie intérieure et d’être unies à Dieu.

ET LA CRÉATION, LES ANIMAUX, LES CHEFS-D’ŒUVRE HUMAINS… ?

L’être humain, âme et corps, est intégré dans un cosmos. Quand saint Jean évoque « un ciel nouveau et une terre nouvelle » (Ap 21, 1), il ne vise pas seulement la planète terre mais tout le cosmos. Dans le credo, on dit d’ailleurs « Je crois en l’univers visible et invisible ». Saint Augustin commentant ce passage du livre de la Genèse « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (Gn 1, 1) souligne que le ciel, dans ce verset, renvoie à l’univers invisible.

L’homme est le micro-cosmos de l’univers visible relié à l’univers invisible. Son corps est en quelque sorte poussière d’étoile. Il est lié par toutes les fibres de son corps à tout l’univers, du monde minéral et végétal jusqu’au monde animal, dans l’infiniment petit comme dans l’infiniment grand. Quand la Bible dit que Dieu fera une terre nouvelle, cela signifie qu’il fera un nouveau cosmos. Ce sera un nouveau paradis qui comportera quelque chose du monde minéral, végétal et animal. On peut imaginer un nouveau monde physique dans lequel il y aura probablement la quintessence de tous les degrés d’être. Ce serait impensable que ces réalités disparaissent complètement. Je ne suis pas certain en revanche que l’on retrouvera son “petit toutou glorifié”. On peut être sûr en tout cas que rien de ce qui est bon ne sera perdu et qu’on retrouvera tout sous une forme meilleure encore. Nous ne serons pas déçus.

Cet article fait partie du dossier thématique :De la mort à la Vie éternelle →

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