Accueillir la beauté de la piété populaire

De nombreuses personnes vivent d’une piété populaire souvent méconnue. Comment les accueillir et leur donner envie de découvrir les trésors de la liturgie et la joie d’appartenir à l’Église ?

Par BENOÎT GUÉDAS

Benoit Guedas IEV 348
Benoît Guédas, recteur du Sanctuaire de Paray-le-Monial.

Tous les recteurs de sanctuaire font le même constat : ils voient des gens arriver de “nulle part”. Loin des “circuits” d’Église habituels, ces personnes aiment sincèrement Jésus, la Vierge Marie, les saints, et veulent leur manifester cet amour par une démarche concrète : déposer un cierge, une fleur, une intention de prière, toucher une statue, boire à la source, etc. À Paray-le-Monial, cette piété populaire s’exprime par exemple pendant les fêtes du Sacré-Cœur : les gens veulent venir auprès du Cœur de Jésus. Le Christ n’en a pourtant pas fait la demande lors de ses apparitions à sainte Marguerite- Marie. Cela n’empêche pas les foules de venir lui exprimer leur amour ! Lors de ces fêtes, je constate que le moment le plus suivi (outre la messe) est toujours la procession dans le jardin des sœurs du monastère de la Visitation, là où le Christ est apparu à sainte Marguerite-Marie. Les gens veulent se recueillir sur les lieux, s’en approcher. Dans la simplicité de leur foi, ils ont compris qu’il y a là une grâce à accueillir.

Nous ouvrir à l’appel des simples

Par la piété populaire, Dieu parle au cœur de ces personnes en dehors des structures ecclésiales. Comme le dit le concile Vatican II, « Dieu agit dans le cœur des hommes d’une manière qu’il connaît » (Gaudium et Spes, 24). Le mystère de Dieu nous échappe complètement ! Et la piété populaire nous rappelle que le premier missionnaire, c’est l’Esprit Saint ! Elle nous invite à nous ouvrir humblement à l’appel des simples qui comprennent (Ps 118, 130), de tous ces petits qui se confient entièrement à Dieu. Dans l’Évangile, Jésus regarde la femme veuve offrir ses deux piécettes et la montre en exemple : à travers sa modeste obole, c’est tout ce qu’elle a et plus, tout ce qu’elle est qu’elle donne à Dieu. Elle ressemble à tous ces gens qui passent dans le secret. À l’inverse des pharisiens, elle n’a pas forcément tous les codes mais elle aime Dieu, reconnaît sa grandeur et se confie en lui. « La piété populaire est fruit de l’Évangile inculturé », écrit le pape François dans La Joie de l’Évangile : « En elle, se trouve une force activement évangélisatrice que nous ne pouvons pas sous-estimer : ce serait comme méconnaître l’œuvre de l’Esprit Saint. » (EG 126) De fait, toute la ferveur simple de ces veuves ou des prophétesses Anne de notre temps évangélise en elle-même. La piété populaire interpelle le non croyant qui regarde à distance plus que de nombreux discours. « La piété populaire traduit une soif de Dieu que seuls les simples et les pauvres peuvent connaître », (EG 1231).

Les invisibles

Un autre passage de l’Écriture traduit également bien cette soif des simples : l’épisode de la femme syro-phénicienne qui s’adresse avec foi à Jésus. Cette femme ne revendique pas sa place à la table avec les pharisiens ; en revanche, elle veut bien des miettes tombées de la table. Et dans sa foi simple, elle sait que Jésus va les lui donner. La piété populaire nous révèle donc une réalité que souvent nous ignorons : de même qu’il y a l’Église visible et l’Église invisible, il y a dans l’Église visible, des invisibles qui, en dehors des structures ordinaires, aiment Dieu et auxquels Dieu parle au cœur.
Comme pasteurs, nous sommes invités à accueillir les personnes là où elles en sont. Lorsque le pape François a reçu les recteurs de sanctuaires français à Rome, il nous a raconté cette anecdote : une personne vient voir son curé à la fin d’une messe et lui demande de la bénir. « Mais vous venez d’être bénie, vous n’avez pas besoin de l’être de nouveau… », lui répond le prêtre. La personne se tourne alors vers un autre prêtre, et lui demande de la bénir. Plus que d’explications théologiques, cette femme avait simplement besoin que l’on accueille sa demande. Il est donc important d’honorer la personne dans sa dévotion, de s’intéresser à elle. Et peut-être que, pas à pas, un chemin va pouvoir se faire « pour favoriser chez ces personnes une nouvelle rencontre avec le Seigneur, qui seul remplit l’existence de signification profonde et de paix »2. Par exemple, lorsqu’une personne demande de bénir une médaille, un chapelet, une petite “para-liturgie” peut se vivre. Le livre des bénédictions prévoit de nombreuses occasions pour rejoindre simplement les personnes : bénédiction d’une maison, d’une voiture, lors d’un départ en voyage, etc.

Témoigner de la grâce d’appartenir à l’Église

Il arrive que les gens venus poser un geste de dévotion populaire soient touchés sur place par la beauté des offices et la foi des participants. Lorsqu’ils découvrent la présence agissante de Dieu dans la liturgie, ils peuvent avoir envie de se rapprocher de la vie de l’Église. Comment donc mettre à profit les trésors offerts par la liturgie pour manifester cette foi simple ? Comment témoigner de la grâce d’appartenir à l’Église ? Regardons par exemple les processions à Lourdes : le désir de déposer un cierge à la Grotte joint à la beauté de la procession aux flambeaux conduit le pèlerin à toucher la joie de faire partie du peuple de Dieu. ¨

1. Le pape François cite Paul VI.
2. Benoît XVI, 7 octobre 2012, célébration eucharistique introductive au synode des évêques pour la nouvelle évangélisation.

Cet article fait partie du dossier thématique :La liturgie, l’Eglise en prière →

Le magazine Il est vivant a publié le numéro spécial :

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