Âgé de 24 ans et issu de la campagne brabançonne, Tanguy vient de terminer un cursus de cinq années de bio-ingénieur à l’université catholique de Louvain (UCL). Avant d’intégrer le monde professionnel, Tanguy a décidé de s’engager un an au sein du Rocher Oasis des Cités. Il nous témoigne de ce qu’il vit depuis sa mission aux Mureaux (France – 78).
Pourquoi t’être engagé au Rocher ?
Mes dernières années ont notamment été marquées par une expérience de scoutisme dans l’unité des Marolles. Il s’agit d’une unité scout particulière, au centre du quartier populaire de Bruxelles. La rencontre avec ces familles précarisées, oubliées au cœur de Bruxelles, m’a profondément bouleversé. Comment expliquer qu’un monde si différent du mien existe à deux pas de chez moi, sans que je ne sois jamais amené à le côtoyer ? Comment expliquer cette indifférence réciproque ? Comment expliquer cette violence intrinsèque qui subsiste dans ces ghettos, sans que personne ne s’en inquiète ? Et surtout, que pouvons-nous faire pour lutter contre ce communautarisme qui fracture tous les jours un peu plus notre société ?
Le Rocher a fait ce pari fou d’installer des personnes issues de milieux favorisés au milieu de cités désertées par celles-ci pour venir vivre avec les habitants. Cette reconnexion est essentielle si nous voulons vivre en paix dans les années à venir.
Pourquoi t’engager en France durant 1 an ?
(2018) :
+ de 3 000 personnes accompagnées
30 salariés (70% en cité),
40 jeunes en service civique,
50 stagiaires de grandes écoles, universités ou écoles spécialisées
et + de 100 bénévoles
L’idée n’est pas tant de s’engager une année que de se mettre dans une disposition de service, qui je l’espère perdurera après cette année au Rocher. Tout l’enjeu réside précisément dans l’«après-Rocher », où il faudra trouver une manière de concilier vie professionnelle, vie de famille et service. J’espère trouver ici certaines clés qui me permettront de ne pas perdre de vue cet objectif.
France ou Belgique, c’est du pareil au même, il s’agit d’une mission de proximité. Ici, aux Mureaux, nous sommes à seulement 30 km de Versailles, et à 40 km de Paris, et pourtant, nous vivons dans un monde différent. Les cités, ce ne sont pas des concepts lointains et abstraits. Il s’agit d’une réalité très concrète, avec ses violences cachées et ses fonctionnements propres, et surtout avec ses habitants souvent cabossés, que l’on ignore trop souvent. Ces gens sont nos voisins, nous sommes tous concernés par ce qui se passe ici. Il s’agit d’une véritable responsabilité que nous avons, en tant que belges ou français, de nous intéresser à ces voisins.
Quel est ton quotidien ?
Notre quotidien n’est jamais celui que nous avions préparé, car la porte du Rocher est toujours ouverte. Par conséquent, le programme prévu peut rapidement être transformé en écriture de CV ou de lettre de motivation, en visite chez telle ou telle personne qui a besoin d’une présence, ou en l’un ou l’autre traquenard auquel nous avons consenti.
De nombreuses activités fixes agrémentent nos semaines. Aide aux devoirs quotidienne, cours de théâtre avec certains jeunes de la cité, en vue de monter une pièce en fin d’année, les cafés philo qui permettent de vraies rencontres, totalement horizontales entre gens de tout bord, dans un climat d’écoute bienveillante, ou encore les sorties Aventuriers, sorte de scoutisme adapté à la réalité des cités, sont autant d’exemples des pépites qui parsèment cette magnifique mission.
Comment vis-tu ta mission ?
Difficile de répondre à cette question tant les émotions s’entremêlent. Ce qui est sûr, c’est que je ne vis pas ce que j’imaginais vivre. Je suis arrivé avec de nombreuses attentes et idées préconçues qui se sont avérées être complètement à côté de la plaque. Je suis étonné de voir à quel point de vrais liens peuvent se construire entre des horizons si différents. Même si nous rencontrons de nombreuses personnes dont la vie est loin d’être facile, et que le contexte des cités est propice à de nombreuses souffrances liées à la violence, à la drogue, à la pauvreté culturelle, ou aux difficultés d’intégration, nous ressortons tous les jours grandis par nos rencontres, et remplis d’espérance. Mais il est sûr que cette mission est éprouvante au niveau personnel, car nous sommes sans cesse confrontés à nos limites.
Le slogan du Rocher est ‘Oser la rencontre, choisir l’espérance’ signifie ‘la rencontre’ pour toi ?
Au Rocher, nous avons la chance d’habiter la cité, de l’habiter pleinement, dans le sens de « demeurer », et cela change complètement la dynamique de rencontre dans laquelle nous sommes. Nous ne sommes pas là pour « aider » des gens de manière impersonnelle, mais pour rencontrer nos voisins, pour vivre avec eux, et à partir de là, co-construire. Nous avons l’impression de rencontrer vraiment les habitants, car les relations sont bâties sur le long terme, et de manière désintéressée.
Quelle place à la foi dans ta vie ?
Biberonné de week-end communautaires et de séjours à Paray-le-Monial dès la plus tendre enfance, et enseigné par les prêtres communautaires de la paroisse Saint François à Louvain-la-Neuve par la suite, la communauté de l’Emmanuel a toujours fait partie de mon paysage, de par l’environnement dans lequel j’évoluais. Pour moi, ma prière personnelle (messe, louange et adoration) est un soutien pour ma mission au Rocher. Ce temps est indispensable à ma mission, pour que je puisse remettre tous les gens que je rencontre entre les mains du Seigneur, et pour pouvoir m’aider de l’Esprit Saint pour rencontrer les gens en vérité.
Au regard de ce que tu vis au Rocher, que désires-tu pour ton pays ?
Le cas de la Belgique semble fort différent de la France, en ce sens que l’immigration s’est installée en centre-ville (en ce qui concerne Bruxelles) tandis que dans les grandes métropoles françaises, les cités se sont créées en périphérie, dans ce que l’on pourrait qualifier de ghetto (le mot est fort, mais il s’agit cependant de la réalité). Les problématiques sont donc différentes, car en Belgique, le brassage est tout de même un peu plus présent qu’en France, simplement en raison du contexte urbain.
Il est certain que la mondialisation touche autant la Belgique que la France. Que celle-ci soit souhaitable ou non n’est pas la question, il s’agit du contexte dans lequel nous évoluons, et dans lequel nous continuerons d’évoluer dans les décennies à venir. Puisque nous sommes habitants d’un même pays, et que nous vivons ensemble, il est certain que je souhaite que cette cohabitation se fasse le plus sereinement possible. En vivant aux Mureaux, j’expérimente concrètement que cela est possible.
Quelque chose à ajouter ?
Nous sommes plusieurs à avoir été très touchés par de nombreux messages de soutien de nos proches, mais aussi souvent de la part des moins proches. Merci à tous pour vos soutiens moraux ou financiers, ainsi que pour vos prières, sans quoi le Rocher ne pourrait pas exister. Et surtout, n’ayons pas peur ! Osons la rencontre avec ceux que nous sommes frileux de rencontrer, cela ne peut être que fécond !
Depuis peu, il est possible de soutenir Le Rocher depuis la Belgique tout en défiscalisant votre don. Grâce au ‘Transnational Giving Europe’ (TGE) un réseau permettant d’effectuer des dons transfrontaliers dans les meilleures conditions fiscales et de sécurité. Le TGE offre la possibilité aux donateurs/ personnes privées et entreprises belges de nous soutenir financièrement tout en bénéficiant directement des avantages fiscaux prévus par la législation de leur pays de résidence. Faire un don en ligne depuis la Belgique
Une contribution de 5% est prélevée de chaque don par le TGE. Le Rocher est une association catholique d’éducation populaire, née dans la Communauté de l’Emmanuel, et qui fête ses 20 ans. Le Rocher est présent dans 9 quartiers sensibles de France et a pour ambition de bâtir la civilisation de l’Amour.
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Depuis 20 ans, le projet du Rocher repose sur 3 piliers :
1. «Vivre avec» pour «Grandir avec & Bâtir avec»
Habiter au cœur de la cité, mettre des repères dans la rue, créer du lien social.
Encourager la réussite scolaire, révéler et valoriser les talents, soutenir la parentalité.
Inciter au dépassement de soi, favoriser l’insertion sociale, accompagner vers l’emploi.
2. Bâtir des ponts entre les différentes sphères de la société
3. Témoigner pour éveiller et mobiliser : Poser un regard d’espérance, partager la culture de la rencontre.
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