Un an après le rapport de la CIASE

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Un an après la publication du rapport de la CIASE, Mgr Eric de Moulins-Beaufort revient sur ce qu’a fait l’Église depuis. Interview par Philippine de Saint Pierre à retrouver sur ktotv.com

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À partir de leur expertise, mais aussi comme femmes, croyantes engagées dans l’Église, les autrices du livre J’écouterai leur cri (Éditions Emmanuel) nous partagent leur réflexion née du séisme du rapport de la CIASE.

Thérèse de Villette, criminologue spécialiste de la justice restaurative, nous invite à comprendre le vécu des victimes et celui des agresseurs pour offrir une démarche de transformation. Geneviève Comeau, théologienne, nous propose un retournement théologique en posant la question du mal non plus seulement du point de vue du pécheur, mais aussi de la victime. Joëlle Ferry, exégète, nous entraîne dans un parcours biblique sur le thème des abus. Agata Zielinski, philosophe, montre comment le travail de vérité effectué par la Ciase nous convoque à sortir de l’entre-soi. Enfin Monique Baujard, ancienne directrice du service famille et société de la CEF, met en lumière les impensés de l’Église institutionnelle révélés par la crise.

INTRODUCTION
Christine Danel
Supérieure générale de La Xavière

“D’une crise à l’autre… L’an dernier, un autre livre était publié aux mêmes éditions, Voici le temps favorable : cinq xavières y avaient partagé leur réflexion sur la crise du Covid de leur point de vue de théologienne, de philosophe, d’anthropologue… Une manière de donner à réfléchir, à méditer, pour chercher à comprendre cette crise, mais aussi à interpréter les signes des temps ; à quelles attitudes, quelles décisions étions-nous convoqués ?
Depuis, nous avons tous été interpellés par une autre crise : la crise des abus dans l’Église, en France et ailleurs.

Dans ce nouveau livre, le sujet est donc encore plus douloureux. Il vient toucher l’être profond de personnes atteintes dans leur intimité, brisées à un moment de leur histoire par des agressions sexuelles rendues possibles par des abus de pouvoir ou de conscience, et faites par des personnes supposées les conduire vers un Dieu de vie.

En octobre 2021 était publié le rapport de la Ciase (Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église). Une commission composée de personnes de différentes appartenances et convictions religieuses a produit un rapport de grande qualité scientifique, extrêmement bien documenté. Riche d’approches variées (sociologique, historique, enquête en population générale), il met au centre de son étude les personnes victimes. L’écoute de ces personnes a d’ailleurs fait approcher « l’enfer » à tous ceux et celles qui se sont mis résolument à leur écoute, mais a surtout permis de transmettre un savoir expérientiel, qui a grandement aidé les membres de la commission.
Comme dans tous les pays qui ont eu le courage de faire des enquêtes et d’affronter le réel, la proportion de clercs ou religieux parmi les agresseurs est loin d’être négligeable, et même si elle l’était, toute agression est déjà de trop… Bien souvent, les personnes victimes ont subi la double peine : celle de l’agression et celle du silence ou de la non-reconnaissance, par les proches ou par l’Église, de leur souffrance.
Comme beaucoup, nous avons été profondément choquées – et plusieurs le relateront dans cet ouvrage –, non seulement face aux crimes perpétrés par ceux qui ont donné la mort alors qu’ils avaient professé d’être témoin de façon toute particulière d’un Dieu de vie, mais surtout face à l’ampleur quantitative des faits, au silence et au système qui a couvert ces crimes. Le pape François nomme le cléricalisme comme la racine source de tous les abus en Église, et a invité tous les chrétiens à prendre leur part dans le nécessaire travail ecclésial de lutte contre le cléricalisme.
C’est pourquoi nous avons souhaité à nouveau comme femmes, chrétiennes, aimant l’Église, donner notre point de vue sur cette crise que nous traversons.
Les xavières qui écrivent, ainsi que Monique Baujard, une amie laïque, ne cherchent pas à expliquer mais à donner un éclairage. Elles partent de leur expérience, de leur compétence particulière, de leur approche basée aussi sur une histoire personnelle, et livrent chacune des pistes qui peuvent être inspirantes pour tous.
Ces cinq regards cherchent à analyser mais d’abord à entendre, avec l’intelligence et le cœur… « J’écouterai leur cri », dit Dieu lui-même à Moïse (Ex 22, 22). Se laisser toucher, ouvrir les oreilles ! Dans le recueil de témoignages De victimes à témoins qui accompagne le rapport de la Ciase, une personne écrit : « Nous sommes des muets qui parlent à des sourds » (p. 162). Cette phrase résonne comme une interpellation. Comment arrêter de se boucher les yeux ou de fermer les oreilles devant le scandale, l’horreur ?
Ouvrir les oreilles et le cœur aux cris étouffés, à ce qui s’exprime à bas bruit, est un enjeu de vie pour les personnes victimes. L’enjeu est également important pour tous ceux et celles qui sont découragés et qui ont mal à l’Église après la découverte de l’ampleur des crimes et d’un système qui a couvert le mal et nié la souffrance de tant d’innocents.
Nous avons souhaité apporter notre part à la réflexion, pour nous laisser interpeller et pour prendre la mesure de la conversion ecclésiale à laquelle ces drames nous invitent.
Cinq regards : celui de Thérèse de Villette, criminologue, qui nous partage comment, victime secondaire d’un meurtre, elle a été conduite à travailler à la justice réparatrice. Elle nous livre les fruits de sa longue expérience au Canada et en Afrique et témoigne du chemin de libération que parcourent les personnes, victimes et agresseurs, qui, après une longue préparation, acceptent de se rencontrer, accompagnées par des tiers.
Geneviève Comeau, théologienne, nous fait réfléchir à un renouvellement de la théologie du mal : que se passe-t‑il quand on met au centre les victimes, et en premier le Christ, et pas seulement les pécheurs ?
Joëlle Ferry, exégète, nous invite à un parcours biblique, nous rappelant que le salut de Dieu vient nous rejoindre dans notre humanité avec ses côtés les plus violents et sombres que l’Écriture ne masque pas ! Notre histoire sainte, personnelle et communautaire, traverse cette violence, que Jésus, par sa croix, prend sur lui pour nous en libérer.
Agata Zielinski, philosophe, réfléchit à partir de la phrase de l’Évangile de Jean « La vérité vous rendra libres » : de quelle vérité parle-t‑on ? Le rapport de la Ciase montre que la recherche de la vérité ne peut faire l’économie de relations qui font quitter l’entre-soi. Elle nous invite à des relations où chacun apporte à l’autre en s’appuyant sur les ressources de l’amitié.
Monique Baujard, qui a exercé des responsabilités à la Conférence des évêques de France, nous fait comprendre pourquoi la dimension systémique des abus a pu rester méconnue jusqu’au rapport de la Ciase. Elle met en lumière quelques impensés du fonctionnement ecclésial, analyse les causes structurelles et nous propose des chemins concrets pour faire Église dans une société pluraliste.
Les lignes qui suivent donnent à entendre des voix pleines d’espérance et de foi, car un chemin de vie, de réparation est possible.
Mettre au centre les personnes victimes, comme l’a fait lui-même le Christ, lui aussi victime, donner la parole pour rendre acteurs, actrices de sa vie, reviendra comme un refrain dans ces lignes ; tout comme l’invitation à sortir de l’entre-soi, remède à la suffisance. Un chemin de libération est possible par la rencontre de l’autre, une relation vivifiante où chacun donne et reçoit !
L’enjeu est d’ouvrir nos intelligences pour comprendre les failles, d’analyser les causes de la crise, et le rapport de la commission Sauvé nous y aide. Il s’agit de s’engager résolument sur un chemin d’écoute, de vérité et de changements, comme l’ont fait avec courage les évêques de l’Église en France à Lourdes, chemin qu’ils ne peuvent faire seuls ! Comme le soulignent plusieurs autrices de notre ouvrage, l’expérience du synode est dans ces circonstances une grâce pour l’Église, et particulièrement pour l’Église de France ! Ce synode nous apprend à nous écouter, à nous parler, à marcher ensemble et apprendre les uns des autres.

Ce livre nous tourne vers l’espérance. « J’écouterai leur cri », dit Dieu. Sa sollicitude passe par nos regards, nos mains, nos coeurs, nos intelligences, et notre engagement !”

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Les auteurs du livre J’écouterai leur cri en visite à la Domus Emmanuel.

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