2 millions de réfugiés ont été accueillis dans les premiers mois de la guerre en Ukraine. Comment les polonais vivent-ils cette situation qui dure dans le temps ? Témoignage de Mirka, coordinatrice de la Communauté de l’Emmanuel en Pologne, partagée entre l’épuisement et la joie du service.
Près de 2 millions de réfugiés accueillis
Au tout début, une file d’attente de 30 km de réfugiés attendait à la frontière polonaise. Sans attendre le gouvernement, des gens sont venus à la frontière en voiture et ont prit ceux qui attendaient, surtout des femmes et des enfants, pour les amener chez eux. Dans les 2-3 premiers mois, nous avons accueilli environ 2 millions de réfugiés. Au cœur de l’hiver, c’était un gros défi pour nous tous. En plus de nombreux lieux mis à disposition, quasiment chaque foyer que je connais a accueilli des ukrainiens, parfois jusqu’à 3 familles pour plusieurs mois. Même si dans notre histoire les relations avec les ukrainiens n’ont pas été faciles, personne ne l’a rappelé depuis que la guerre a été déclarée. Ils avaient besoin de notre aide.
Un an après, une partie des réfugiés est repartie en Ukraine, même si la guerre n’est pas finie. D’autres ont émigré en Europe de l’Ouest. D’autres sont parmi nous. Leurs enfants vont dans nos écoles, dans nos crèches, les parents ont reçu des autorisations de travailler… Mais l’enthousiasme n’est plus le même après 1 an de guerre. Nos vies sont bien remplies par le quotidien, par nos familles, par l’aide que nous apportons… nous sommes tous épuisés.
En contact avec un prêtre ukrainien
De notre côté, nous avons immédiatement appelé le Père Andrezj Lalik, prêtre de l’Emmanuel en Ukraine, pour lui proposer notre aide. Il n’y avait plus d’électricité à Kiev, et ils avaient besoin de générateurs. Nous en avons importés d’Allemagne grâce à des carmélites.
Andrezj ne vit pas dans une zone de guerre et n’avait pas de voiture. Nous lui avons trouvé une camionnette de transport que nous avons remplie de nourriture et envoyée en Ukraine. Il a pu ainsi circuler pour aider les personnes des zones de guerre à 1000 km de chez lui. Quand il obtient une permission spéciale, il vient en Pologne acheter ce dont ils ont besoin et le ramener en Ukraine. Nous l’aidons à trouver des denrées bon marché. Dieu est grand car il remplit le camion 2 fois plus que ce qui est normalement permis.
Le Père Andrzej avec une livraison
Un soutien venu de toute l’Europe
Après avoir envoyé un e-mail nous avons reçu un grand soutien de toute l’Europe : 40 000 euros, essentiellement de France, des Pays-Bas, d’Allemagne, de Belgique et d’Italie. Des entreprises aussi ont contribué.
Cela a bien marché parce que notre aide est concrète et directe à des endroits précis. En plus du Père Andrezj, nous sommes en contact avec l’évêque de Kharkov ou nous avons organisé un gros transport de nourriture, mais aussi avec des amis à Lvov où ils accueillent beaucoup de réfugiés et avec des sœurs à Odessa, entre autres… En un an, beaucoup de canaux d’aide directs se sont créés entre des frères des différentes provinces de la Communauté de l’Emmanuel directement vers Andrezj, si bien que nous ne sommes plus des intermédiaires. Nous remercions bien tous ceux qui nous ont donné de l’aide, c’est important.
Prier Dieu et Lui faire confiance
Les polonais et la Communauté de l’Emmanuel prient pour la paix. La Communauté prie le chapelet tous les jours, le soir, en ligne. A Varsovie, un jour, une personne a commencé à prier le chapelet pour l’Ukraine dans la rue. Tout le long de la rue, les gens s’arrêtaient, se mettaient à genoux pour rejoindre cette prière c’était très touchant.
Il nous faut remercier le Seigneur pour sa miséricorde pour nous. Nous avons fait l’expérience qu’Il prend soin de nous. Nous avons un proverbe ici : celui qui donne reçoit deux fois ce qu’il donne. C’est vrai ! Nous n’avons rien fait d’extraordinaire. On nous a demandé de l’aide, nous avons aidé chaque personne comme si c’était un ami cher. Tout le monde peut le faire.
Quand le Seigneur nous appelle à le faire, il nous rend capables de le faire. Ce qui est réellement important c’est de commencer à aider. Nous n’avons pas construit un projet pour aider l’Ukraine. Nous avons entendu parler de besoins concrets, et nous y avons répondu.
La fraternité soutient la compassion
La compassion est un des piliers de l’Emmanuel avec l’adoration et l’évangélisation. C’est une chance spéciale pour la Communauté polonaise de mettre en pratique cette grâce. Ici, nous avons peu de gens à la rue qui ont immédiatement besoin de votre aide comme c’est le cas à Paris. Nous nous demandons donc parfois comment vivre réellement le pilier de la compassion en Pologne ? Ce que je peux dire c’est « ayez confiance en Dieu ». S’il y a des besoins, il nous donnera les moyens d’aider.
En Pologne la Communauté compte 400 membres. C’est une grande force d’être unis quand on a besoin de notre aide. C’est facile de donner de l’argent puis d’oublier, mais ce n’est pas aussi facile de s’engager à organiser quelque chose pour aider durablement. C’est une telle joie de voir que dans n’importe quelles circonstances nous sommes une communauté. C’est un tel espoir ! La meilleure partie de nous émerge face à la guerre et au danger. La difficulté a fait ressortir le meilleur des gens, c’est une grande joie !
