Ukraine : retour sur une mission d’aide humanitaire

Témoignage de Jean-Bernard Palthey de MEDAIR

Il y a un an, commençait la guerre entre l’Ukraine et la Russie. Jean-Bernard Palthey, membre du Comité de direction de MEDAIR, une ONG d’aide d’urgence, était sur place dès les premiers jours de la guerre pour accueillir en Pologne les réfugiés ukrainiens. Il témoigne d’une espérance sans faille malgré la difficulté de la situation.

Jean-Bernard Palthey, en raison de son poste lié au marketing et à la communication, n’est pas très souvent sur le terrain. Pourtant, en ces premiers jours de mars 2022, il accompagne une mission dont il restera longtemps marqué. Lui qui cherchait à mettre ses compétences au service des pauvres, après une carrière chez Nestlé, L’Oréal et Chanel, se trouve à sa place. Une place qui favorise l’unité de vie qu’il désirait. 

photo Jean Bernard Palthey

Motivé par les valeurs de l’ONG qui sont la compassion, la dignité, la foi, l’espérance et la joie, il est touché par le fait qu’elles soient réellement vécues : « Nous prions ensemble tous les jours » m’explique-t-il.

D’inspiration évangélique, Medair est une ONG d’aide d’urgence qui intervient notamment dans des zones de guerre ou de conflit armé. L’année dernière, dès le début de la guerre en Ukraine, le 26 février, Medair était présent en Pologne pour accueillir les réfugiés. Jean-Bernard témoigne : 

Vignette Facebook refugies Ukraine Fidesco

« Début mars, j’étais à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne avec tous ces réfugiés qui arrivaient d’Ukraine. J’ai été profondément frappé de voir qu’il ne s’agissait que de femmes et d’enfants. C’est

inhabituel. Souvent, lorsque les populations sont déplacées, nous voyons arriver des familles entières. Là, tous les hommes étant restés combattre, ce ne sont absolument que des femmes et des enfants, un flot ininterrompu de personnes, quelle que soit l’heure du jour et de la nuit.

Des personnes qui arrivaient juste avec un sac à dos, complètement frigorifiées.

Avec des enfants en bas âge.

Une maman, avec deux jeunes enfants, m’a particulièrement marqué. Je la sentais dans une immense détresse, semblant ne pas comprendre ce qui lui arrivait. A cause de la brutalité de la guerre. De son caractère soudain.

En fait, j’ai vu de façon très concrète et très incarnée la conséquence du mal et du péché. Cela a été très difficile. J’ai éprouvé une colère très forte à l’égard de ceux qui sont responsables de la guerre. Mais, il faut être sur ses gardes et pouvoir rediriger sa colère contre le mal, le démon, c’est-à-dire l’auteur du péché dont les hommes sont victimes, quels qu’ils soient, quel que soit le camp auquel ils appartiennent.  

La foi, croire que le Christ est déjà vainqueur du mal, même si nous ne savons ni quand ni comment, est un vrai point d’appui. Une réelle source d’espérance.

Avec mes collègues, nous avons passé une douzaine d’heures dans ce centre d’accueil de réfugiés. Ensuite, nous sommes rentrés à notre lieu de de base et nous avons prié ensemble. Pouvoir tout remettre au Seigneur tout de suite m’a été d’un grand secours.

Ce qui m’a aidé aussi à ne pas céder à la tentation du découragement, c’est que le Seigneur ne m’a pas appelé à sauver l’humanité mais à faire ce que je peux pour permettre à une, deux, trois ou cinq personnes de survivre, de se reconstruire et de se sentir accueilli et aimé.

L’espérance c’est regarder la personne, pas la foule.

Car l’espérance se nourrit d’un regard échangé, quand on offre une tasse de café chaud à une maman qui arrive à 3h du matin, avec ses deux enfants, et qu’il fait -10°C dehors.

Car l’espérance est dans l’instant présent et le tout petit geste de charité.

« Sans moi, vous ne pouvez rien faire. »

Sans le Christ, on peut donner à boire et à manger, mais c’est plus difficile de le faire sans se décourager, sans perdre l’espérance. De le faire gratuitement.

bandeau ukraine

 Si je n’agis pas gratuitement, si je ne suis pas désintéressé, je risque d’être fier de moi, de me sentir fort. Il faut se méfier de cela. Si la fierté n’est pas toujours mauvaise, il faut s’assurer qu’elle me tourne vers le Seigneur et pas qu’elle me centre sur moi-même. »  

Quelques temps auparavant, Jean-Bernard se trouvait dans un camp, dans un village de réfugiés syriens, au Liban.

« Avec la guerre en Syrie, il y a une dizaine d’années, le Liban a accueilli plus d’un million et demi de réfugiés syriens qui sont installés dans des villages de deux à trois mille personnes.

J’y ai vécu une très belle rencontre.

Une maman dont l’enfant souffrait de malnutrition et de maladies infantiles. Grâce à des gestes tout simples, presque banals, on a pu soigner ce petit enfant.

Sur le visage de cette maman, est apparue l’expression de celle qui comprend que son enfant va vivre. Au-delà du simple sourire.

Un moment très fort !

Ce qui est magnifique dans ce métier c’est qu’on y éprouve, à travers chacune des rencontres qui nous sont offertes, toute la palette des émotions : de la colère et de la révolte jusqu’à une joie toute simple, toute petite et pourtant immense. »

Ces rencontres sur le terrain, même peu fréquentes, agissent comme un aiguillon lorsque le risque de faire son travail de manière routinière pointe son nez.

« Pour éviter de tomber dans ce piège, j’essaie de repenser, de faire mémoire des visages, des personnes que j’ai croisées sur le terrain. C’est pour elles que je suis là.

Je pense aussi à nos équipes sur le terrain, et qui, objectivement et très concrètement, risquent leur vie tous les jours, sans compter leur temps, pour aller sauver des vies. 

Les pauvres et les petits sont les préférés du Seigneur. De m’en souvenir me saisit chaque fois d’un désir puissant de compassion, qui rejoint mon appel dans la Communauté de l’Emmanuel. Un élan du cœur, très imparfait et bien modeste, pour rejoindre l’autre. Dans le visage du pauvre, je vois le Christ qui pleure de voir son enfant aussi maltraité et victime du péché des hommes. »

MEDAIR en bref

ONG suisse créée en 1989

Pour quoi ? 

Aide d’urgence dans le domaine de la santé :

  • Soins médicaux de base,
  • Nutrition,
  • Accès à l’eau potable (hygiène et assainissement)
  • Construction d’abris pour les personnes réfugiées déplacées
  • Soutien psychologique

Quand ? 

  • Catastrophes naturelles,
  • Epidémies,
  • Guerres,
  • Déplacements de population

Pour qui ? 

Auprès des personnes les plus vulnérables dans les zones les plus difficiles d’accès (soit géographiquement, soit pour des raisons de sécurité liées à des conflits armés, ethniques ou religieux.)

Où? 

Afrique de l’Est (Somalie, Kenya, Sud-Soudan) Afrique subsaharienne (Congo), Afghanistan, Syrie, Yémen, Jordanie, Liban. Et puis bien sûr Ukraine, Pologne.

1500 salariés sur le terrain 

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