Thomas More, ou la conscience quoiqu’il en coûte

La chronique de la semaine

Suivre sa conscience est-elle une utopie ou un fruit possible du courage et de la grâce ? Demandons son avis à M. More, sympathique anglais du XVIe siècle et surtout apôtre inconscient de la conscience.

Sa conscience, Thomas More ne l’a pas découverte une fois son poste de chancelier d’Angleterre bien en mains et devant les désirs conjugaux récidivistes de son bon roi – Henri le 8e. Comme vous, comme moi, sa conscience, Thomas More l’a reçu très tôt. Qu’on se le dise, elle fait partie du package fourni à chaque être humain envoyé en commando sur terre.

Si nous ne connaissons pas le chemin parcouru dans l’enfance de Thomas More, nous savons qu’il écouta et suivi sa conscience pour son mariage. Car au départ Thomas More désirait la prêtrise. Dévot, même touché par Dieu semble-t-il ; intelligent, il fait un très bon candidat au sacerdoce et peut tout à fait prétendre aux honneurs liés à cette charge en son temps. Pourtant, Thomas voit bien que sa chaire ne l’entend pas de cette oreille. Suivant les avis de saint Paul, qui préconise le mariage comme sain(t) cadre aux désirs charnels, il renonce au sacerdoce. Mieux vaut un bon mari qu’un mauvais prêtre disaient-on dans les campagnes des siècles passés.

Magistrat et chancelier

Tout au long de sa carrière de magistrat, Thomas More semble vouloir se démarquer de ses pairs en écoutant sa conscience et en cultivant la vertu de justice. Point de pots de vins pour lui. Le noble ou le riche est assuré d’être fort bien traité… au même titre que le pauvre. Pendant des années, sa conscience s’exerce, s’éprouve et se confirme. Cette jeune fille n’est point femme du jour au lendemain. Et lorsque vient sa grande heure, elle est prête au combat. Si chaque homme est roi de sa vie, comment ne pas perdre sa vie en rappelant cette même vérité à son roi ? Car voici le nouvel enjeu pour Thomas More, dont la réputation d’honnêteté et une certaine amitié font qu’Henri VIII le choisi pour nouveau chancelier d’Angleterre. Quel choix surprenant que de prendre un homme si peu politique. Mais bon, Henri VIII aussi a sa conscience. Toujours est-il que voilà Thomas More embarqué à servir son roi et son pays avec droiture et franchise. Précieux allié pour tout dirigeant que celui qui ne craint pas la vérité. Et quels fruits importants que fait porter la conscience, déjà en tout homme, mais davantage encore à celui de hautes responsabilités. Que d’âpres combats aussi lui imagine-t-on.

Défenseur du mariage

Le plus célèbre de ces combats de conscience coûtera la foi catholique à la couronne d’Angleterre et la vie à Thomas More. Mais nous donnera un martyr et un exemple édifiant d’obéissance à la conscience. Après avoir défendu, avec son ami Thomas More, le sacrement du mariage catholique dans un livre sur les sacrements, Henri VIII décide de prendre femme. Tout cela serait une édifiante mise en pratique d’un idéal… s’il n’était pas déjà marié. Débute alors une compétition internationale de conscience (et de politique bien sûr). Le pape gagne des points puisqu’il refuse d’octroyer une dérogation demandée par Henri VIII – il faut dire qu’elle visait à revenir sur une dérogation déjà accordée à ce même roi par ce même pape. Les évêques d’Angleterre abdiquent eux de leur conscience pour garder leur roi et leurs avantages personnels. La (basse)cour s’empresse de faire son travail. Thomas, lui, se tait. Or, comment savoir ce que pense un homme gardant furieusement silence ? Il est des occasions où chacun sait ce qu’un homme tait. Avec grande intelligence, Thomas évite de se condamner à mort (ce qu’aucune conscience bien faite ne peut pousser à faire) sans tomber dans la facilité du mensonge. Il souffrait l’abaissement, la prison, la séparation des siens, et pour finir, la calomnie puisque de faux témoignages finissent par l’inculper de haute trahison. Condamné, il put alors libérer à voix haute ce qui était si longtemps resté en lui-même. Et de proclamer, au sein d’une assemblée de consciences déformées et bâillonnées, la fidélité du mariage catholique, le respect du roi subordonné au premier respect de sa propre conscience et de Dieu. Messire Dieu premier servi aurait dit une jeune femme que les Anglais connaissent bien.

Comment recevoir et vivre aujourd’hui cet exemple pour le moins extrême ? Nous pourrions nous inquiéter d’un taux inquiétant de certaines situations qui sembleraient nous demander un pareil sacrifice. Thomas More a formé sa conscience, grâce à l’Evangile et l’Eglise, puis tenté de la suivre. Toute conscience ne se forme ni ne s’éduque au même rythme et sur les mêmes thèmes que celle du frère d’à côté. Aussi cela nous demande-il de la douceur et de l’humilité. Ma conscience n’est que cette parcelle de vérité intégrée par grâce dans ma nature. LA vérité reste le Christ. Prenons pour illustration un autre épisode de la vie de Thomas More : son refus net et catégorique de marier sa fille à un protestant. Exprimé en des termes qui feraient une crise cardiaque à tout chrétien sensibilisé (dans sa conscience) à l’unité entre chrétiens vers laquelle l’Église chemine de plus en plus, sous l’action de l’Esprit Saint. En homme de son temps (marqué par le cheminement collectif de son temps), cela lui apparaît comme la meilleure chose à faire et il a le courage de s’opposer au désir amoureux de sa fille. Dieu merci, dans la vie des saints, tout s’arrange : le gendre revient au catholicisme. La clé de cette obéissance non aveugle de Thomas More à sa conscience ? Il a fait confiance à sa conscience, bel allié entre Dieu et l’homme.

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