Synode sur la synodalité : l’Eglise y est entrée avec « humilité et résolution »

Lucie Lafleur, membre de l’équipe nationale du synode en France, était présente lors de l’Assemblée plénière extraordinaire des évêques à Lyon. Pour elle, le synode est avant tout une expérience à vivre et une conversion personnelle à opérer. Un chemin s’est ouvert que les catholiques doivent parcourir ensemble. Témoignage.

Que retenez-vous de cette première phase du synode qui vient de s’achever ?

Photo profil LLLe pape a pensé le synode non pas comme un événement mais comme un processus pour repartir de la base du terrain. C’est inédit de consulter l’ensemble du peuple de Dieu au niveau mondial. C’est même très spectaculaire ! Le pape nous rappelle ainsi notre égale dignité en tant que baptisés à prendre une part active dans l’Eglise. S’il est vrai que nous recevons l’Eglise de Dieu, il faut rappeler qu’elle compte aussi sur nous. Ce synode, comme processus, nous permet de prendre conscience de cette grâce baptismale.

La synodalité qui ne voulait rien dire pour les catholiques il y a encore un an, est rentrée dans le vocabulaire commun de l’Eglise. C’est bon signe, c’est qu’il y a déjà eu un bout de chemin de fait. Je crois que la synodalité on la comprend mieux en en faisant l’expérience. C’est l’objectif de ce synode : à la fois le pape compte sur la parole exprimée par chacun (et ce sont d’ailleurs de vraies questions qui ont été soulevées) et en même temps, je crois que François a souhaité que chacun en fasse l’expérience. C’est comme ça qu’on a le goût et c’est ce qui ressort de la collecte. Tous ceux qui ont goûté à cela, à travers des petits groupes synodaux, ont exprimé une grande joie : celle de s’être senti écouté, de sentir que leur parole avait du prix. Au-delà des désaccords, ils ont expérimenté qu’il était possible de se parler et même de s’aimer. Cela me parait prophétique aujourd’hui après les épreuves que nous avons vécues. Avec les gilets jaunes, le Covid, les élections, on ne peut que constater cette difficulté à se parler, se comprendre et on a l’impression que la société se polarise de plus en plus. L’objectif du processus synodal c’est justement de réapprendre à dialoguer vraiment :  se laisser interpeller, parler en n’étant pas certain d’avoir la vérité, s’engager avec courage à entrer dans un vrai dialogue. C’est un apprentissage et on n’en est qu’au début.

 « On comprend mieux la synodalité en en faisant l’expérience » pourtant, seules 150 000 personnes sont entrées dans ce processus en France : comment déployer cette expérience plus largement ?

Il faut rappeler que les délais envoyés par Rome ont été très courts. Ce synode a été un peu une surprise… Le pape dit bien que la synodalité est le chemin que Dieu veut pour l’Eglise du 3eme millénaire. Donc on a un peu de temps devant nous. C’est important de replacer ce que nous venons de vivre dans le temps de l’Eglise.

Ensuite, je trouve que l’Eglise en France est rentrée dans cette démarche avec beaucoup d’humilité, consciente qu’elle était dans une phase d’apprentissage de la synodalité.

Il n’y a eu, en effet, que 150 000 personnes engagées dans ce processus mais 150 000 personnes convaincues qui sont autant d’ambassadeurs pour faire vivre la synodalité dans le temps. Le synode n’est pas juste un temps défini. Le danger serait de se dire : on a vécu la synodalité dans notre petit groupe, on s’est sentis écoutés, c’est bon, le job est fait. Non, c’est d’abord une conversion personnelle : est ce que je suis capable quand je rencontre quelqu’un de me mettre vraiment à son écoute et de me demander ce que l’Esprit Saint me dit à travers cette rencontre. Vivre la synodalité c’est donc un chemin de conversion personnelle mais aussi communautaire : les deux sont liés.

Quelle a été votre plus grande joie depuis le début de ce synode ?

Ma plus grande joie c’est que tous ceux qui ont « expérimenté » la démarche synodale, ont témoigné d’une joie immense et d’un désir que cette manière de vivre en église se déploie plus largement. Moi, j’y croyais à fond et ça me réjouit de voir que je ne suis pas la seule.

Grande joie aussi de me dire que l’on entre dans un processus qui nécessite que nous nous laissions conduire, notamment par la Parole de Dieu. C’est d’ailleurs beaucoup ressorti dans la collecte : un appel très fort à retourner à la Parole de Dieu comme source de la vie de l’Eglise.

Enfin, une autre joie, c’est cette intuition, que beaucoup avaient déjà et qui est ressortie en force, que pour annoncer l’évangile, pour faire grandir la fraternité, cela va passer par des petits groupes de prière, de rencontre, d’échange, des petites fraternités, à l’image des maisonnées, qui sont un lieu de ressourcement pour puiser l’élan missionnaire nécessaire.

Une déception ou une frustration ?

Oui, j’aurais aimé que tous les baptisés puissent entrer dans ce processus et comprendre qu’on vit un moment historique et inédit dans l’Eglise.

Par ailleurs, j’ai été très choquée par l’appropriation malveillante qui a été faite de ce synode dans les médias. Cette volonté de diviser vient toucher l’enjeu du synode de grandir dans la communion, d’apprendre à se recevoir comme frère et sœur et de marcher ensemble. Cela m’a fait mal et en même temps cela me conforte dans l’idée qu’il faut avancer dans cette voie de dialogue.  

Quel visage d’église avez-vous vu au cours de cette première phase du synode ?

Une église qui se met en route avec humilité et résolution. Une église très marquée par le rapport de la Ciase : je rappelle que le processus synodal a commencé quelques semaines seulement après la remise de ce rapport. Si l’Eglise veut continuer à annoncer l’évangile, il faut ouvrir des chemins nouveaux, marcher dans cette confiance d’être guidés par l’Esprit Saint, chercher à vivre la grâce de la communion, qui est toujours un don, mais en accueillant des frères et sœurs différents, conscients de la richesse de cette diversité.

Parmi les synthèses, j’ai été marquée par celle de Promesses d’Eglise : c’est très beau de voir tout le chemin parcouru, les divergences de points de vue qui persistent mais un travail pour s’accueillir, se connaitre, se comprendre et chercher ensemble. Un des enseignements de Promesses d’Eglise, c’est que cela demande du temps. On est au début d’un processus qu’il faut continuer à déployer.

Le facteur temps est un élément fondamental dans la démarche synodale ?

Nous sommes dans la phase d’écoute (attentive et inconditionnelle). L’écoute provoque beaucoup d’émotions mais la sagesse de l’Eglise c’est de dire que l’émotion est à accueillir avant d’entrer dans une phase de discernement puis une phase de décision. On est loin de l’immédiateté des réactions sur les réseaux sociaux qui caractérise nos sociétés.

Comment s’est vécue l’Assemblée plénière à Lyon ?

Cela a été un moment fort : On a vécu des choses intenses entre invités et évêques. On a appris à se rencontrer et à voir combien c’était riche de travailler ensemble. Ce travail ensemble a bien replacé les rôles de chacun. Lors du travail du mardi après-midi, les invités ont conforté les évêques dans leur idée qu’il fallait qu’ils accompagnent la collecte d’une prise de parole. C’était beau de voir que c’était ensemble que les rôles spécifiques se dessinaient.

Le premier texte n’était pas très bien positionné, on ne savait pas qui parlait. Il a été rejeté et une partie de la nuit a été consacrée à sa réécriture.  On voulait que les évêques, en tant que gardiens de la communion, de l’unité dans leur diocèse, leur église, puissent poser leur regard et leur discernement. Dans ce deuxième texte d’accompagnement, qui a été accueilli dans un grand consensus le mercredi matin, il apparaissait plus clairement que c’était bien la parole des évêques à l’écoute de l’assemblée.

Est-ce que vous souhaitez ajouter quelque chose ?

En conclusion, je voudrais dire qu’il ne s’agit pas d’être pour ou contre la synodalité. Ce n’est pas une question, l’église est synodale, elle se reçoit de l’Esprit-Saint, en cherchant la participation de tous par le baptême et en accueillant la communion qui est un don de Dieu dans cette diversité. La seule chose à se demander c’est comment y rentrer de la façon la plus ajustée possible.

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