Après une enfance bouleversée par la mort de ses parents, une adolescence tourmentée et une jeunesse mouvementée, Charles de Foucauld connut un itinéraire spirituel hors normes.
Par JACQUES GAUTHIER
Rien n’est linéaire dans l’itinéraire spirituel de Charles de Foucauld. Il ne s’est pas converti au Christ une seule fois à vingt-huit ans : il y a eu dans sa vie plusieurs conversions, faites de départs et de changements, de retournements et de contradictions. Pour lui, la perfection n’est pas de mener tel genre de vie, mais de faire la volonté de Dieu. Survol de sa vie.
L’enfant blessé
Charles de Foucauld naît à Strasbourg le 15 septembre 1858. Il a trois ans lorsque naît sa sœur Marie. Sa mère, Élisabeth Beaudet de Morlet, les éduque dans la foi catholique. Elle meurt des suites d’une fausse couche l e 13 mars 1864. Son époux, le vicomte Édouard de Foucauld de Pontbriand, atteint de neurasthénie, décède cinq mois plus tard dans un asile d’aliénés. Ces décès laissent une blessure profonde dans le cœur du petit orphelin. Lui et sa sœur sont confiés à leur grand-mère paternelle, la vicomtesse Clotilde de Foucauld, mais celle-ci meurt peu de temps après d’une crise cardiaque, une image de Notre-Dame du Perpétuel Secours à la main. Plus tard, Charles priera souvent la Vierge sous ce nom. Les enfants sont alors recueillis par leurs grands-parents maternels. À dix ans, il fait la connaissance de sa cousine Marie Moitessier, qui a huit ans de plus que lui. La future Marie de Bondy, fervente pratiquante, sera très proche de son petit-cousin. Tendre avec une volonté de fer, elle exercera à l’occasion un rôle maternel, comme en témoigne leur abondante correspondance.
La guerre contre la Prusse force la famille de Merlet à s’installer à Rennes, puis à Nancy en 1871. Étudiant dans un lycée laïc, Charles développe un sentiment patriotique envers la France. Il délaisse la pratique religieuse, même s’il n’était pas un enfant particulièrement pieux. Il fait tout de même sa première communion le 18 avril 1872.
L’adolescent tourmenté
Charles entre dans l’adolescence avec une vive inquiétude qu’on pourrait qualifier de métaphysique. Son grand-père, le colonel Beaudet de Morlet, le laisse faire tout ce qu’il veut. Influencé par l’esprit rationaliste de ses professeurs et amis, il s’éloigne de la foi. Commence pour lui une recherche de la vérité qui s’exprime par un mal de vivre qu’il tente de conjurer en s’enfonçant dans une vie de jouissance. Désirant être officier depuis son enfance, il prépare son entrée à l’École militaire de Saint-Cyr en étudiant à l’école Sainte-Geneviève de Paris, tenue par les Jésuites. Avide de liberté, il s’oppose à la sévérité de l’internat et abandonne toute pratique religieuse. Il obtient son baccalauréat en août 1875, grâce surtout à sa bonne mémoire, mais il est exclu du lycée un an plus tard pour paresse et indiscipline. En juin 1876, il intègre Saint-Cyr. Son grand-père tant aimé meurt deux ans plus tard. À vingt ans, il peut prendre possession de son héritage qu’il dilapide en partie avec des filles et des amis, comme tant d’autres jeunes officiers privilégiés de son époque. De plus en plus seul, il entre à l’école de cavalerie de Saumur à la fin octobre 1878. Cet esprit si peu militaire est reçu de justesse à l’examen de sortie. Il est affecté au 4e régiment de hussards à Pont-à-Mousson sans grande motivation, où il vit en concubinage avec Marie Cardinal, une danseuse à l’Opéra de Paris. En 1880, il est envoyé à Sétif, en Algérie française, avec son régiment. Sa conduite scandaleuse lui vaut la prison et sa sortie de l’armée pour un temps. Il réintègre l’armée pour rejoindre ses camarades qui combattent dans le Sud- Oranais. Il rencontre François- Henry Laperrine, qui devient son ami et a sur lui une influence morale indéniable. Ce fêtard invétéré devient un excellent soldat, un chef respecté. En 1881, il passe huit mois avec son escadron sous la tente dans le Sahara oranais. Il est attiré par ces immensités qui renvoient à sa soif de liberté, à son désir d’absolu.
L’explorateur au Maroc
L’ancien officier est plus fait pour explorer que pour se battre. Il s’installe pauvrement à Alger en mai 1882 et prépare son voyage risqué au Maroc, pays mal connu à l’époque. Il en profite pour étudier l’arabe, l’islam et l’hébreu. Pendant les trajets, il note tout ce qu’il observe dans un minuscule cahier. Il devient le premier Européen à explorer le Haut Atlas du Maroc. Il est touché par la piété musulmane, qui réveille en lui une question qui le taraude : « Est-ce que Dieu existe ? » Son travail est reconnu par la Société de géographie de Paris qui lui remet la médaille d’or. De retour en France, il retrouve les siens, mais la vie parisienne l’ennuie. Son entourage ne le reconnaît plus, tant il est changé extérieurement et intérieurement. Il repart pour Alger où il rencontre la fille d’un géographe, Marie-Marguerite Titre. Il envisage de se marier avec elle, mais sa famille s’y oppose. Après plusieurs mois de réflexion, il choisit le célibat. II repart au Sahara. Il découvre une partie inexplorée, dessine de nombreux croquis, puis il rentre en France en février 1886. L’explorateur loue une chambre à Paris près du domicile de sa cousine, Marie de Bondy, qui l’écoute, le conseille, prie pour lui. Il se dit que si cette femme intelligente pratique la religion catholique, comme d’autres esprits éclairés, cette religion n’est pas absurde.
« En même temps, une grâce intérieure extrêmement forte me poussait : je me mis à aller à l’église, sans croire, ne me trouvant bien que là et y passant de longues heures à répéter cette étrange prière : “Mon Dieu, si vous existez, faites que je vous connaisse !” »
Le converti zélé
De plus en plus interpellé par la foi catholique, Charles fréquente la paroisse Saint-Augustin où se trouve le vicaire Henri Huvelin, un ancien élève de l’École normale, qui deviendra pour lui une figure paternelle exceptionnelle. Le 27 octobre 1886, il se présente de bon matin au confessionnal de l’abbé Huvelin pour lui demander des renseignements sur la religion. Inspiré, le prêtre lui demande de s’agenouiller et d’implorer le pardon divin. Poussé par la grâce, il avoue ses péchés, demande le pardon divin, reçoit l’absolution qui inonde son âme de lumière. Lorsqu’il se relève tout joyeux, le confesseur lui propose d’aller communier, puisqu’il est à jeun. À vingt-huit ans, il reçoit la plénitude de l’amour divin. Revenant sur cette rencontre inattendue, il écrit, le 14 août 1901, à son ami Henri de Castries, historien et géographe versé dans les affaires sahariennes : « Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour lui : ma vocation religieuse date de la même heure que ma foi : Dieu est si grand. Il y a une telle différence entre Dieu et tout ce qui n’est pas lui. »
Durant vingt-quatre ans, l’abbé Huvelin aura pour tâche d’accompagner l’ardent aventurier dans sa vie spirituelle, de tempérer ses ardeurs, de discerner les appels de Dieu. De lui, il apprendra que Jésus a tellement pris la dernière place que jamais personne n’a pu la lui ravir.
Se sentant indigne d’être prêtre et de prêcher, Charles cherche un ordre religieux qui imite la vie cachée de l’humble ouvrier de Nazareth. Il est attiré par la vie austère et pauvre des Trappistes. À trente-deux ans, il entre à l’abbaye Notre-Dame-des-Neiges, en Ardèche. Il devient frère Marie-Albéric.
Le trappiste ascétique
La vie de silence, de travail et de prière lui convient, même s’il ne la trouve pas assez pauvre. Il désire vivre caché en Jésus, s’enfoncer dans le renoncement, être ignoré de tous. Ses supérieurs lui demandent d’entreprendre des études de théologie. Cet acte d’obéissance lui coûte beaucoup, mais il s’exécute avec humilité. Frère Marie-Albéric doute de sa vocation de trappiste. Il prononce tout de même les vœux temporaires le 2 février 1892. Ses interrogations ne s’estompent pas pour autant. Il lui vient alors à l’esprit de créer un nouvel ordre religieux, où de petits groupes de vie commune seraient constitués pour suivre le Christ dans la pauvreté, l’adoration du Saint-Sacrement, la prière, non en latin, mais dans la langue locale. Cette idée de fondation est liée à sa vocation profonde : imiter Jésus pauvre avec d’autres compagnons. L’abbé Huvelin trouve que son fils spirituel n’est pas du tout fait pour conduire les âmes. Il lui conseille d’attendre, d’obéir à ses supérieurs et de poursuivre ses études de théologie. Ce qu’il fera, puisqu’il désire accomplir ce que Dieu veut au moment présent.
Il achève en juin 1896 la rédaction d’une première règle pour son projet de congrégation religieuse, qu’il reprendra plusieurs fois par la suite. Ce texte servira de base, après sa mort seulement, à la création de diverses institutions qui s’inspireront de sa vie exemplaire, comme les Petits Frères et les Petites Sœurs de Jésus. Durant cette même année 1896, il écrit la fameuse prière « Père, je m’abandonne à toi », qui connaîtra une large diffusion après sa mort.
Insatisfait de sa vie de trappiste, l’abbé Huvelin lui donne la permission de chercher son Nazareth hors de la Trappe. Il écrit à Rome pour obtenir la dispense de ses vœux simples. Mais l’abbé général lui demande de se rendre en Algérie, à la Trappe de Notre-Dame-de-Staouëli. Là-bas, il apprend qu’il doit se rendre à Rome pour étudier la théologie à l’Université grégorienne, suivre les cours en latin avec des confrères plus jeunes.
Déçu, il trouve la paix dans l’obéissance, cette lumière qui le guide vers Dieu. L’abbé général, convaincu de sa vocation personnelle, le dispense de ses vœux l’année suivante. Libre, il aspire à la solitude, souhaite « la dernière place », mais où la trouver ?
Après sept ans de vie monastique, il se rend seul à Nazareth. Son expérience à la Trappe lui aura donné une formation spirituelle solide qui lui sera nécessaire pour sa mission future. Elle jettera les bases intérieures qui structureront sa vie, selon les grands principes de la Règle de saint Benoît : liturgie, prière, travail.
Le pèlerin de Nazareth
Foucauld arrive à Nazareth en mars 1897 et se présente chez les clarisses. Il demande à être leur domestique, avec pour seul salaire un morceau de pain et l’hébergement dans une petite cabane de planches, sorte d’ermitage qu’il appellera Notre-Dame-du-Perpétuel-Secours. Le pénitent s’octroie de nombreux temps de prière, de jour comme de nuit. Il approfondit sa relation à Jésus en rédigeant des méditations issues de sa lecture aimante des textes bibliques, surtout les Évangiles. Elles feront trois mille pages en trois ans. Cette activité d’écriture l’aide à fixer son esprit en Dieu, à prolonger la prière, à aimer Jésus toujours plus. Il expose dans ses méditations les points forts de sa spiritualité : abandon à la volonté divine, adoration du Saint-Sacrement, se laisser former par le Christ dans le silence et la solitude, se nourrir de la parole de Dieu chaque jour, crier l’Évangile par toute la vie, travailler au salut des hommes, reproduire l’esprit d’accueil, de partage et de service des premières communautés chrétiennes. Parvenu au tournant de la quarantaine, il se connaît assez pour assumer cette inquiétude intérieure qui le caractérise et qui le pousse au sacrifice de sa vie. C’est à cette époque qu’il choisit de se faire appeler Charles de Jésus. En mai 1900, il prend pour devise Jesus Caritas, qui exprime pleinement sa spiritualité. Il écrit sur une image, illustrée du cœur de Jésus surmonté d’une croix : « Plus tout me manquera sur terre, plus je trouverai l’unique nécessaire, la Croix. » Ne se nourrissant que de pain et d’eau, il acquiert une réputation de sainteté auprès des clarisses de Nazareth. La supérieure des clarisses de Jérusalem le rencontre et l’encourage au sacerdoce. Il retourne en France. Le 9 juin 1901, il est ordonné prêtre, à Viviers, par monseigneur Bonnet. Il a quarante-deux ans ; le sacerdoce le rendra vraiment frère universel. Une autre conversion s’opère dans son cœur de pasteur attaché au Christ. La pénitence n’est plus au centre de son action, mais l’amour né de l’adoration, incarné dans l’engagement envers les plus petits, pour Jésus. Son idée est faite, il souhaite se retirer au désert du Sahara comme ermite missionnaire, non pour y vivre seul, mais pour être le serviteur de tous, avec l’aide des Petits Frères du Sacré-Cœur de Jésus qu’il espère fonder.
Le prêtre de Béni-Abbès
Au mois d’octobre 1901, en accord avec l’abbé Huvelin et l’évêque de Viviers, Charles de Jésus s’installe à Béni-Abbès, dans le désert d’Algérie. Aumônier de la garnison militaire, il construit avec l’aide des soldats français une maison composée d’une chambre d’hôtes, d’une chapelle et d’un potager, qu’on appelle assez vite la Khaoua, la fraternité. Il porte la gandoura blanche, sorte de bure serrée à la taille par une ceinture de cuir à laquelle pend un chapelet. Il coud sur sa poitrine le cœur surmonté d’une croix brune, emblème de son amour de Jésus, et qui sera repris par d’autres après sa mort. Son visage desséché et doux, garni d’une barbe broussailleuse, éclairé par deux yeux au regard pénétrant, impose le respect. La question de l’esclavage le hante et il dénonce plusieurs fois cette injustice au gouvernement civil. Le 9 janvier 1902, il rachète la liberté d’un premier esclave. Il correspond avec monseigneur Guérin, préfet apostolique du Sahara, au sujet de sa lutte contre l’esclavage dans le Hoggar. L’évêque le visite en mai 1903. Frère Charles lui avait écrit le 27 février 1903 ces mots pétris de foi et de générosité : « Vous me demandez si je suis prêt à aller ailleurs qu’à Béni-Abbès pour l’extension du Saint Évangile : je suis prêt pour cela à aller au bout du monde et à vivre jusqu’au jugement dernier. » Il part finalement en janvier 1904 vers le Hoggar. Ce voyage durera onze mois. Il espère mettre en confiance ces populations méfiantes qui connaissent si mal ces hommes venus d’Europe. En géographe averti, il note les lieux possibles d’installation, rassemble des informations sur la langue touarègue, commence la traduction des évangiles pour les Touaregs. Certains militaires coloniaux le déçoivent. Il noue une amitié avec le chef de tribu Moussa Ag Amastan, qui crée une alliance avec l’autorité française. Il autorise Charles à s’installer dans le massif montagneux du Hoggar. Celui-ci se dirige alors vers Tamanrasset, souhaitant se faire l’ami et le frère des Touaregs, ces nomades du désert, isolés du monde. Il ne cherche pas à les convertir, mais à les aimer, en apprenant leur langue, en s’initiant à leur culture, en rédigeant un dictionnaire touareg-français.
L’ermite missionnaire
Le 13 août 1905, le père de Foucauld arrive à Tamanrasset accompagné d’un ancien esclave qu’il a racheté. Le prêtre ne sera pas ermite comme on l’entend habituellement. Les besoins apostoliques exigent qu’il fasse les premiers pas, qu’il se laisse voir, qu’il soit un avec tout le monde. Il poursuit son ministère auprès des personnes qu’il rencontre, leur distribuant médicaments et aliments, fidèle à son apostolat qui est celui de la bonté. Ce pionnier étudie la langue touarègue et y découvre la richesse de cette culture. Il écrit une grammaire et des lexiques pour aider les militaires et les futurs missionnaires à mieux communiquer avec les Touaregs. Il tient à obtenir leur confiance pour qu’ils puissent dire, comme il le note dans son Journal : « Puisque cet homme est si bon, sa religion doit être bonne. » Cette confiance sera grandissante, mais pour le moment, il doit rester seul. Ainsi, il ne peut plus dire la messe puisque, selon les normes canoniques de l’époque, il faut un servant de messe. Il partage son temps entre Béni-Abbès et Tamanrasset, voyageant d’un site à l’autre.
Quand il revient à Tamanrasset, il constate l’attachement des Touaregs envers lui. Il termine son dictionnaire touareg-français qu’il donne à Laperrine afin de le publier. Par souci de détachement et d’humilité, il exige que son nom n’apparaisse pas sur la couverture. On y découvre une fois de plus un travail scientifique de haute valeur. Il traduit aussi des chants touaregs jusqu’à sa mort, ultime témoignage de son amitié pour les Touaregs et leur culture. En janvier 1908, il tombe gravement malade. Il ne peut plus bouger et pense bien qu’il va mourir. Il vit alors l’ultime pauvreté. Lui, le père, qui s’est rendu à Tamanrasset pour prendre soin des Touaregs, doit accepter humblement d’être aidé par eux. Ils le sauvent en allant chercher du lait de chèvre à une quarantaine de kilomètres de là. Il vit alors une autre conversion. Il se désapproprie de lui-même en se laissant aimer par eux, en acceptant d’être aidé, en leur donnant l’occasion d’être vraiment leur frère. Il comprend que l’amour passe par la réciprocité. Le frère des petits devient petit frère. L’année 1910 est ponctuée de multiples séparations. Il apprend la mort de monseigneur Guérin, à trente-huit ans, puis de l’abbé Huvelin, le 10 juillet. Son ami le commandant Laperrine est muté et doit quitter le Sahara à la fin de l’année. Mais frère Charles ne se laisse pas abattre. Il part pour la France au début de janvier 1911 afin de développer sa confrérie. En juillet de la même année, il retourne à son ermitage dans l’Assekrem.
Le grain de blé jeté en terre
Malgré une santé chancelante, à l’annonce du premier conflit mondial, l’ermite du désert pense partir au front comme aumônier militaire. Il discerne assez rapidement que son devoir est de rester à Tamanrasset et de maintenir le calme dans les esprits. Il sécurise son ermitage en commençant la construction d’un fortin en briques qui contiendra des vivres, un puits et des armes, afin d’offrir à la population un refuge en cas d’attaque. Il sert son pays du mieux qu’il peut, sans être pour autant un « agent du colonialisme français », comme certains ont pu penser. Ce qui l’anime par-dessus tout : connaître son peuple d’adoption, créer des liens avec ses habitants, se sacrifier et mourir pour leur salut, à l’exemple du Crucifié. À l’instigation d’une confrérie sénoussiste venue de Tripoli, une partie de la population du Sahara et du Sahel se soulève contre l’occupant français. Le 1er décembre 1916, il est trahi par un Touareg qui le connaissait et des sénoussistes attaquent le fortin. Ils le ligotent, mains liées derrière le dos aux chevilles. Ils le jettent sur le sable en l’humiliant. L’arrivée de deux tirailleurs algériens les surprend et, dans la panique, le jeune milicien qui le garde l’abat d’une balle dans la tempe. C’était un vendredi, Charles avait cinquante-huit ans. Il avait écrit dans son testament :
« Je désire être enterré au lieu même où je mourrai, et y reposer jusqu’à la résurrection… Sans cercueil, tombe très simple, sans monument, surmonté d’une croix de bois. » La canonisation de Charles de Foucauld le 15 mai 2022 est l’occasion de le découvrir aujourd’hui comme un compagnon de route dont les écrits spirituels sont pétris d’Évangile, un petit frère de Jésus qui nous invite à l’adoration eucharistique et à l’amour du plus petit, un saint qui nous conduit au Christ et qui intercède pour nous dans la communion des saints. Il demeure un prophète pour notre temps par sa présence amicale à Dieu et aux hommes, par sa lutte contre les injustices comme l’esclavage, par sa solidarité envers les plus délaissés, par son respect pour les autres cultures, par son désir de bâtir une fraternité universelle. Avec lui, on passe du chœur de l’église au cœur du monde, de l’accueil de Dieu à l’accueil du pauvre, du désert à la rencontre d’une présence infinie, la Présence.
L’ESPRIT DE LA PRÉSENCE
« Nous avons tant besoin de nous convertir pour faire le bien que Jésus veut de nous. On fait du bien dans la mesure de celui qu’on a en soi. Devant l’immensité de l’œuvre et le petit nombre des ouvriers, nous voyons la nécessité de suppléer au défaut des moyens extérieurs par les moyens intérieurs surnaturels. C’est une grâce. Les moyens naturels ne sont pas en notre pouvoir, les surnaturels le sont toujours, et combien ils sont les plus puissants. À eux seuls, ils peuvent tout. Sans eux, les autres ne peuvent rien. Efforçons-nous d’acquérir de plus en plus l’esprit de la Présence de Jésus. Cette pensée de sa Présence est le remède à bien des imperfections, à bien des faiblesses.» Charles de Foucauld, Correspondances sahariennes, Paris, Cerf, 1998. Cité dans Parole et Prière, juin 2011, p. 125-126.
LES FRÈRES LES PLUS TENDRES
« Ayez au fond de l’âme gravé profondément ce principe d’où tout découle : que tous les hommes sont vraiment, véritablement frères en Dieu, leur Père commun, et qu’il veut qu’ils se regardent, s’aiment, se traitent, en tout comme les frères les plus tendres. » Un temps avec Charles de Foucauld, Paris, Cerf, 1998, p. 47.
À LIRE
Saint Charles de Foucauld, Passionné de Dieu – Jacques Gauthier, Éditions Emmanuel
Jacques Gauthier est un spécialiste des saints. Dans ce livre, il raconte l’itinéraire du frère universel.