« Sortir de l’entre-soi, quelle aventure ! »

Cet article fait partie du dossier thématique :Écouter →

La grande aventure paroissiale du père Jean-Michel (éditions Quasar, 2021) raconte l’histoire d’une paroisse qui se lance dans une transformation missionnaire. Son curé, constatant les échecs des activités “habituelles”, a su se mettre à l’écoute de tous ceux qui ne venaient plus à la paroisse, et aussi des non-croyants pour inverser le cours des choses. Interview (fictive)*

Par HERVÉ RABEC

Vignette carree Rabec IEV

Marié, père de cinq enfants, Hervé Rabec organise depuis 15 ans, au sein de l’association Pastores & Homines, des sessions de formation pour prêtres et laïcs sur le travail en équipe et la conduite de projets dans l’Église.

Il est vivant ! Père Jean-Michel, quel a été le point de départ de ce projet un peu fou ?

Père Jean-Michel Alors que j’étais plongé dans l’amertume et le découragement, c’est l’arrivée d’un jeune évêque, son amitié, son énergie, qui m’a redonné l’espérance. Il m’a aidé à prendre conscience d’une réalité très humaine : alors que tous les voyants étaient “au rouge”, baptêmes, inscriptions au catéchisme, mariages, etc. nous continuions méthodiquement, année après année à nous y prendre de la même manière. Nous réunissions les mêmes personnes, enfants ou adultes, aux mêmes endroits, avec les mêmes programmes et les mêmes contenus. En définitive pour les mêmes fruits, extrêmement pauvres. Ce qui était somme toute assez logique.

Quelle méthode avez-vous adoptée ?

En fait, il ne s’agissait pas vraiment de mettre en œuvre une méthode ou une recette… Un ami m’a dit : « Tu ne sais pas pourquoi certains ne reviennent pas, ou pourquoi d’autres ne se posent même pas la question de venir ? Eh bien, demande-leur ! ».

Cela évoque une intuition forte du concile Vatican II : savoir lire (écouter) les signes des temps.

Mais j’en étais resté pour ma part au concept…

Et c’est ainsi que sont nées de belles initiatives : sondages sur les marchés ; rappel des couples venus se marier à l’église ou pour le baptême d’un enfant, pour leur demander ce que nous avions “loupé” dans l’accueil etc. Certains paroissiens ont même invité à la messe des voisins non croyants, juste pour leur demander de faire un compte rendu de ce qui leur semblait compréhensible, accessible, de nature à les attirer ou les repousser. On n’a pas été déçus par les réponses…

C’est-à-dire ?

Les regards réprobateurs pendant la messe quand un enfant pleure ; le jargon pas toujours compréhensible ; l’un d’eux est même resté vingt minutes seul sur le parvis, sans que personne ne vienne lui parler…

Cette démarche et ses résultats ont-ils été bien acceptés par les paroissiens ?

Ça n’a pas été plus facile pour eux que pour moi… Il a fallu se remettre en cause. Et puis, il est vite apparu que ce projet ne pouvait pas se faire « en plus du reste », sinon, nous allions épuiser tout le monde. Il a fallu discerner quoi arrêter, quoi faire autrement. Certains s’y sont mis rapidement, pour d’autres, cela a pris plusieurs années.

Un exemple de changement qui a porté des fruits ?

L’aménagement d’une salle attenante à l’église, où nous pouvons nous retrouver le dimanche pour déjeuner après la messe, entre paroissiens et invités non croyants – car désormais il y a des invités à chaque messe dominicale ! Avec du mobilier entièrement de récupération, et de la bonne volonté, nous avons réussi à faire un endroit très chaleureux.

Et un paroissien occasionnel, ancien cuisinier de profession aujourd’hui sans domicile fixe, prépare chaque dimanche d’hiver une bonne soupe chaude, en complément de ce que chacun apporte.

Pour vous, qu’est-ce qui reste aujourd’hui encore le plus difficile ?

Les résultats des sondages ayant également souligné la piètre qualité de mes homélies, j’ai dû prendre le sujet à bras-le-corps…

Et depuis trois ans maintenant, j’organise chaque mercredi une séance “à blanc” devant quelques paroissiens bienveillants et critiques, qui viennent parfois accompagnés d’un ami non croyant, intrigué par la démarche. Quand je leur demande : « Qu’avez-vous retenu ? Quels messages ai-je voulu faire passer ? », les retours sont parfois un peu rudes, je m’accroche…

Mais le Seigneur m’envoie parfois un petit encouragement, comme dimanche dernier quand un paroissien m’a dit que son voisin, qui n’était pas venu à la messe depuis des lustres avait trouvé mon sermon « top ». Ce n’est pas fréquent, mais ça fait plaisir.

Si vous aviez un conseil à donner à une paroisse qui voudrait se lancer dans une telle démarche ?

On me pose souvent cette question, mais je ne sais jamais quoi répondre. Toutes les paroisses ont leurs spécificités. Il vaudrait mieux qu’ils demandent directement à l’Esprit Saint et discernent ensemble ! ¨

*Hervé Rabec, auteur de La grande aventure paroissiale du Père Jean-Michel, a imaginé cette interview à partir de son livre.

LIVRE

QUASAR La grande aventure paroissiale Rabec couverture

La grande aventure paroissiale du père Jean-MichelHervé Rabec, Quasar Éditions, 2021

Une histoire pleine d’humour, d’humanité et d’espérance. Une révolution paroissiale fictive imaginée pour inspirer de réels changements dans nos paroisses ; cette histoire est écrite par un fin connaisseur des modes de fonctionnement dans l’Église.

Cet article fait partie du dossier thématique :Écouter →

Le magazine Il est vivant a publié le numéro spécial :

IEV n°354 - Écouter Se procurer le numéro →

Recommandez cet article à un ami

sur Facebook
par Whatsapp
par mail