“Sommes-nous là les uns pour les autres ?”

La chronique de la semaine

Je me souviens de ce jour, un mercredi, il y a bientôt 15 ans, où une amie à qui j’avais confié un rendez-vous professionnel délicat, m’a téléphoné pour me dire : “j’ai prié pour toi aujourd’hui à 14h pour que l’Esprit-Saint t’inspire les bonnes paroles et la bonne attitude.” J’en suis restée scotchée : combien de fois avais-je lancé ce fameux « je vais prier pour toi » sans jamais le concrétiser vraiment ? Sidérée oui… mais surtout extrêmement touchée, car je réalisais qu’elle m’avait écoutée, considérée, prise au sérieux. Que je comptais pour elle !

Une manière concrète et discrète de prendre soin les uns des autres. Qui ne fait pas de bruit, qui ne fait pas la une des journaux mais qui met de la douceur dans la vie de ses semblables. Qui peut prétendre ne pas en avoir besoin ?

Ce jour-là, j’ai compris que cette « formule de politesse catho », bien utilisée, pouvait devenir une arme de construction massive de fraternité et d’humanité.

La semaine dernière, avec quelques autres, nous sommes allés évangéliser dans la rue. Exercice ô combien difficile… Mes tracts avec les horaires des célébrations de la Semaine sainte dans la poche, le courage un peu dans les chaussettes… pourtant que de belles rencontres ! Nous avons parlé de Jésus, de Pâques, de la difficulté de croire en Dieu « avec tout ce qui se passe dans le monde », de ce qui se passera après la mort : « parce que vous me parlez de la vie éternelle, mais personne n’en est jamais revenu ! », du psaume 33 : « Un pauvre crie ; le Seigneur entend : il le sauve de toutes ses angoisses. » Et si vous n’êtes pas sûr que Dieu existe, demandez-lui de vous répondre… Et cette petite dame aux cheveux blancs : « Merci pour votre foi. Ça nous fait du bien ! »  à qui j’ai lancé : « Je prierai pour vous », et intérieurement : « mais, vraiment ! »

A la fin, c’est vrai, j’avais mal aux pieds et froid aux mains, mais je me suis demandé de quoi j’avais eu peur, à transformer mes tracts en boulette de papier au fond de ma poche… J’avais le cœur tout réchauffé. Pourtant, depuis des semaines, c’était comme une désolation intérieure : ce sentiment visqueux de n’avoir plus rien à donner à personne.

Parce que c’est là tout le charme de la fraternité : ça ne fait pas du bien qu’à celui à qui l’on donne, une présence, une attention, un coup de fil ! Mais aussi à celui qui donne.

Depuis quelques semaines, voire quelques mois, ce mot de fraternité habite mon cœur et m’apparait comme une réponse à bien des maux que notre société traverse. Une réponse autant sur le chemin à emprunter que sur la destination à atteindre.

Notre monde meurt de soif. Et aucun plan « eau » n’y changera rien ! Ce qui changera le monde c’est que nous soyons là les uns pour les autres. Que nous soyons « des tâcherons de la charité »* !

Plus précisément : que je sois là pour celui que le Seigneur me montre et que tu sois là pour celui qu’il te désigne ! Je vais prier pour toi, que tu le reconnaisses ! Mais vraiment !   

 

*Erwan le Morhedec, 7 novembre 2022

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