Se laisser conduire par l’Esprit

Durant un synode, quelles attitudes intérieures des protagonistes sont-elles indispensables pour permettre à l’Esprit Saint de conduire cette démarche ?

Par ÉRIC JACQUINET

L’écoute déterminée de la parole de Dieu

Un synode est un temps de conversion, par l’écoute de la parole de Dieu. L’attitude fondamentale commune des participants d’un synode est donc l’écoute de la parole de Dieu. Sans cela, aucun débat ni aucune décision ne seront fructueux. La tentation est forte pour chacun de vouloir imposer des idées. Même les meilleures risquent d’être prisonnières d’une vision idéologique. Il s’agit donc de se soumettre ensemble à la Parole de Dieu, avec une grande humilité et une grande détermination. C’est la condition absolue d’un vrai discernement des appels de l’Esprit Saint à l’Église pour aujourd’hui. Qui dit Parole de Dieu, dit écoute attentive et priante de l’Écriture Sainte, lue dans la tradition de l’Église, avec l’éclairage donné par le Magistère du pape et des évêques. Sans un enracinement important des membres du synode dans la Bible, les textes des saints et des papes, ce qui émanera du synode sera pauvre, réducteur et sans réelle utilité dans la durée.

Vouloir collaborer au salut de l’humanité

Cette écoute de la parole de Dieu est elle-même conditionnée par le désir de chercher la volonté de Dieu et non notre réussite personnelle, ni celle de nos communautés ou de notre Église. Il s’agit de vouloir que Dieu soit aimé, que l’amour du Christ soit connu et accueilli, pour le salut de tous les hommes. Car tel est le cœur de la volonté de Dieu. Toute démarche synodale est donc nécessairement orientée vers la mission, c’est-à-dire vers l’annonce et la célébration du salut à destination de ceux qui n’ont pas encore accueilli l’Évangile. Il n’y aura de discernement ajusté des appels de l’Esprit que si le but du synode est bien le salut du monde.

Être habités par de grands désirs missionnaires

L’effusion de l’Esprit Saint ouvre à de grands désirs missionnaires. Elle donne une énergie nouvelle pour l’annonce de l’amour de Dieu, faisant tomber ce qui apparaissait jusqu’alors comme des obstacles infranchissables. Cet élan missionnaire viscéral doit être le moteur d’une démarche synodale.

Être dans une liberté intérieure

La nécessaire liberté consiste à ne pas trop s’attacher aux conditions de la mission, conditions actuelles ou espérées, matérielles, psychologiques. Il s’agit d’être dans l’indifférence intérieure prônée par saint Ignace de Loyola. C’est la capacité à adhérer à des appels nouveaux. Cette liberté intérieure sera toujours le fruit d’une conversion par des sacrifices acceptés : sacrifices de nos projets propres, de nos attachements, de nos analyses trop unilatérales ou trop partielles.

Le défi de la communion

Toute démarche synodale repose sur une volonté déterminée de vivre en premier la fraternité entre tous : évêques, prêtres, diacres, religieux, laïcs, qui sont d’âges, de conditions et de sensibilités spirituelles bien différents. Ce n’est pas un petit défi ! L’unité dans la communauté chrétienne n’est pas uniformité, de loin s’en faut. Les apôtres ont des personnalités bien différentes. Pierre et Paul ont été en désaccord, mais ont trouvé un chemin d’unité. « Ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix » (Ep 4, 3).

Surmonter les oppositions apparentes

Dans les oppositions apparentes, qui sont inévitables, l’humilité du cœur ouvre à l’intelligence des choses pour découvrir en quoi les points de vue exprimés s’enrichissent et se complètent. Une pensée “catholique” intègre des choses apparemment différentes pour appréhender une réalité toujours plus complexe que notre seul propre de vue. Lors du synode sur l’évangélisation de 1974, Paul VI avait compris que l’intégration de choses différentes est la clé centrale pour une juste compréhension de l’activité évangélisatrice de l’Église.

L’humilité, source de l’unité

Entrer dans une démarche synodale, c’est renoncer d’emblée à avoir raison. C’est cultiver la conviction que nous pouvons apprendre des autres, qui que nous soyons, même si nous sommes anciens et très expérimentés. Dans sa règle, saint Benoît recommande vivement que l’on écoute les plus jeunes dans la communauté, l’Esprit Saint parlant souvent par eux. Pour écouter il faut commencer par se taire, faire taire en nous les bruits intérieurs autant qu’extérieurs, faire taire en nous les pressions de nos égoïsmes ou celles des idées à la mode. Seulement ainsi pourrons-nous accueillir une parole de salut, la recevoir, la porter et agir en conséquence. Cette humilité intègre trois choses : la place de l’échec, la question du temps et aussi les faiblesses pastorales en présence, dans l’Église.

Accepter les échecs

La Passion du Christ est, pour une part importante, un échec. Jésus est confronté à l’abandon de ses disciples, à leur incompréhension des réalités du Royaume. Jésus a même sacrifié la communion visible pour une communion invisible à venir. De cet échec, accepté pleinement, a jailli la fécondité. Car l’Esprit Saint ne fonctionne pas selon nos logiques. Il se donne aux pauvres, à ceux qui s’offrent en sacrifice. Qui aurait cru que l’Église de France allait naître de la vie offerte d’une petite Blandine, esclave fragile, morte martyre à Lyon avec ses compagnons en 177 ?

Intégrer le temps

Parfois des visions pastorales données par les frères, nous mettent en crise. Il faut  attendre et laisser la grâce travailler. Il est bon d’accepter que nous sommes dans le temps de Dieu, qui s’accomplira dans la Parousie. Les choses sont donc nécessairement inachevées. Nous ne sortirons pas d’un synode avec un programme bouclé. Le but d’un synode n’est d’ailleurs pas de rédiger un document définitif, sorte de plan quinquennal pour l’Église. Il est de mettre en route des élans missionnaires nouveaux, portés ensemble.

Connaître et assumer nos faiblesses

L’humilité consiste aussi à intégrer nos fragilités, personnelles, communautaires et ecclésiales. Dans la parabole du semeur (Mt 13, 1-9), sont d’abord nommés trois lieux stériles avant la bonne terre. Il n’y a pas d’ensemencement dans la bonne terre sans les trois premiers échecs. Si l’on ne veut pas faire droit aux aridités, aux épines et aux rocailles, il n’y aura pas de fécondité 30, 60, ou 100 pour un. En voulant aller trop vite vers la perfection, on lit la parabole comme les pharisiens qui veulent trouver la solution pour réussir leur vie spirituelle, être des bons croyants, sans prendre en compte les choses négatives qu’ils portent en eux. Dieu va utiliser les échecs, le temps et les faiblesses pour la mission, par le rayonnement de son amour de miséricorde. La fécondité apostolique découle de la croix du Christ. Elle est donc donnée à des personnes unies au mystère pascal, qui acceptent de mourir pour donner la vie, comme le grain de blé tombé en terre (Jn 12, 24). La recherche du succès, des grands nombres et des réussites n’est pas la perspective de l’Évangile, ni celle de l’Église. Cela n’empêche pas, au contraire, de désirer ardemment le salut de personnes de plus en plus nombreuses.

Entendre les souffrances du monde

Dieu a entendu les souffrances de son peuple, alors esclave en Égypte. Une démarche synodale consiste à entendre les souffrances du monde comme des appels à consoler et à servir. À la suite de Jésus, l’Église cherche à être toujours davantage la maison de la consolation. Cette charité est la porte d’entrée de toute évangélisation. Une démarche synodale procède donc de cette charité-là.

Cet article fait partie du dossier thématique :Synodalité, construire une Eglise différente →

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