Saint patron de la Colombie, Pierre Claver est un jésuite à la santé fragile qui s’est donné au service des esclaves africains qui arrivaient en Colombie au 17è siècle. Il est fêté le 9 septembre.
Saint Pierre Claver
Aujourd’hui, hasard du calendrier, l’Église fête un saint qui s’est dépensé au service des esclaves africains qui arrivaient en Colombie et qui a été déclaré « patron universel des missions auprès des Noirs » par le pape Léon XIII qui l’a canonisé en 1888. Léon XIII avait une grande dévotion pour ce saint jésuite au point d’avoir un jour osé avouer qu’après la vie du Christ, aucune vie ne lui avait davantage « remué l’âme » que celle de ce grand saint.
Qui est-il ?
C’est saint Pierre Claver, patron de la Colombie.
Pierre Claver est né en Catalogne le 26 juin 1580. Il étudie à l’Université de Barcelone et, en 1602, entre chez les jésuites. Il a 20 ans. Envoyé à Majorque en 1605 pour étudier la philosophie, il se lie d’amitié avec un humble frère jésuite, portier du collège et homme à tout faire de la communauté : Alphonse Rodriguez. Le frère Alphonse joue un rôle important dans la vocation de Pierre Claver car c’est lui qui va l’encourager à se porter volontaire pour être missionnaire dans les colonies espagnoles d’Amérique. Clin d’œil du Seigneur : Alphonse Rodriguez sera canonisé en même temps que Pierre Claver le 15 janvier 1888. Voici encore un tandem de saints comme j’aime les mettre en lumière.
Pierre Claver est donc envoyé en Nouvelle Grenade (la Colombie et le Venezuela actuels), dans la ville de Carthagène des Indes. Il y débarque en 1610. C’est à Bogota qu’il fait ses 5 dernières années d’étude et qu’il est ordonné prêtre en 1616. Dès son ordination, il se voue corps et âme malgré sa santé fragile au service des esclaves africains qui débarquent à Carthagène, un des deux ports négriers de Colombie. On estime à 10.000 le nombre moyen d’esclaves qui arrivent chaque année dans ce port colombien. Le jour de sa profession religieuse définitive comme jésuite en 1622, il signe « Petrus Claver, Aethiopium semper servus » (Pierre Claver, esclave des Africains, pour toujours)
À l’époque, le pape Paul III a déjà condamné plusieurs fois l’esclavage et le trafic des personnes humaines, mais malheureusement, cela n’arrête ni les trafiquants ni les colons qui continuent leur triste négoce pour alimenter en main d’œuvre gratuite les mines et les plantations.
Dès qu’un bateau entre dans le port, le père Claver monte à bord, entouré d’anciens esclaves qui lui servent d’interprètes, car évidemment le père ne parle aucune langue africaine. Après la traversée en bateau, les esclaves sont souvent en très mauvais état. Pierre Claver descend dans les cales des navires où les esclaves sont entassés comme des bêtes. Il prend soin des malades, nettoie les plaies des blessés et rend tous les services possibles en offrant des biscuits, des citrons, des médicaments qu’il a obtenus auprès de bienfaiteurs. À ses collaborateurs, il explique : « Il faut parler aux esclaves avec nos mains, avant d’essayer de leur parler avec nos lèvres. » Si des bébés sont nés pendant la traversée en bateau, il les baptise immédiatement. Il fait de même avec les personnes mourantes. Avec les autres, il réalise une catéchèse rapide pour pouvoir les baptiser avant qu’ils ne soient envoyés dans les plantations ou dans les mines. On estime qu’il a dû baptiser au moins 300.000 esclaves durant les 40 années qu’il a vécues à Carthagène.
Voici un extrait de lettre écrite par Pierre Claver à son supérieur[1] le 31 mai 1627. Elle décrit admirablement le mode d’action de ce grand missionnaire :
Hier, 30 mai 1627, jour de la Sainte Trinité, débarquèrent d’un énorme navire un très grand nombre de Noirs enlevés des bords de l’Afrique. Nous sommes accourus portant dans deux corbeilles des oranges, des citrons, des gâteaux et je ne sais quoi d’autre encore. Nous sommes entrés dans leurs cases. Nous avions l’impression de pénétrer dans une nouvelle Guinée ! Il nous fallut faire notre chemin à travers les groupes pour arriver jusqu’aux malades. Le nombre de ceux-ci était considérable ; ils étaient étendus sur un sol humide et boueux, bien qu’on eût pensé, pour limiter l’humidité, à dresser un remblai en y mêlant des morceaux de tuiles et de briques ; tel était le lit sur lequel ils gisaient, lit d’autant plus incommode qu’ils étaient nus, sans la protection d’aucun vêtement.
Aussi, après avoir enlevé notre manteau, avons-nous pris tout ce qu’il fallait pour assembler des planches ; nous en avons recouvert un endroit où nous avons ensuite transporté les malades en passant à travers la foule. Puis nous les avons répartis en deux groupes : mon compagnon s’occupa de l’un d’eux avec l’aide d’un interprète, et moi-même du second. Il y avait là deux Noirs, plus morts que vivants et déjà froids, dont il était difficile de trouver le pouls. Nous avons mis des braises sur des tuiles et avons placé celles-ci au centre, près des moribonds ; puis nous avons jeté sur ce feu des parfums contenus dans deux bourses que nous avons entièrement vidées. Après quoi, avec nos manteaux (ils n’avaient en effet rien de ce genre et c’est en vain que nous en avions demandé à leurs maîtres), nous leur avons donné la possibilité de se réchauffer : ils parurent, grâce à cela, retrouver chaleur et respiration ; il fallait voir avec quelle joie dans les yeux ils nous regardaient ! C’est ainsi que nous nous sommes adressés à eux, non par des paroles, mais avec nos mains et notre aide ; et comme ils étaient persuadés qu’on les avait amenés ici pour les manger, tout autre discours aurait été complètement inutile. Nous nous sommes assis ou mis à genoux auprès d’eux, nous avons lavé avec du vin leur figure et leur corps, faisant tout pour les égayer en leur montrant tout ce qui peut mettre en joie le cœur des malades.
Plus tard, nous nous sommes mis à leur expliquer le catéchisme du baptême, leur disant quels étaient les effets admirables du baptême aussi bien pour le corps que pour l’âme. Quand ils nous parurent, à travers leurs réponses à nos questions, avoir suffisamment compris tout ceci, nous sommes passés à un enseignement plus approfondi, c’est-à-dire à leur parler d’un seul Dieu qui donne récompenses et châtiments selon ce que chacun mérite, etc. Nous leur avons demandé de dire leur contrition et de manifester combien ils détestaient les péchés qu’ils avaient commis. Lorsque, enfin, ils nous ont paru suffisamment prêts, nous leur avons expliqué les mystères de la Trinité, de l’Incarnation et de la Passion ; nous leur avons montré une image du Christ, fixé sur une croix où l’on voyait, des blessures du Christ, couler des ruisseaux de sang sur les fonts baptismaux ; nous leur avons fait dire avec nous, dans leur langue, un acte de contrition.
Pierre Claver est toujours sur la brèche. Il ne s’accorde qu’un minimum de nourriture et de sommeil. Il vit dans la pénitence. On parle de guérisons miraculeuses et même d’une aura lumineuse qui se manifeste autour de lui lorsqu’il visite les malades dans les hôpitaux. Il a une prédilection pour l’hôpital des lépreux. Il visite aussi les prisonniers de guerre européens, hollandais et anglais, qui croupissent en prison.
En 1650, une épidémie de peste se déclare à Carthagène. Pierre Claver se donne sans compter pour soigner les malades. Il contracte lui-même la maladie. Il survit, mais épuisé, il doit rester dans sa chambre où il reçoit les derniers sacrements. Il meurt le 8 septembre 1654.
Il a été déclaré défenseur des droits de l’homme en 1985 par le pape Jean-Paul II.
[1] Lettre du 31 mai 1627 à son Supérieur ; texte original espagnol dans A. Valtierra, s.j. : San Pedro Claver, 1964, pp. 140-141.