Pape et docteur de l’Église, saint Léon le Grand a non seulement défendu la foi, mais également négocié la paix au moment où l’Empire romain d’Occident subissait les assauts des barbares. Il est fêté le 10 novembre.
Saint Léon le Grand
Il n’y a que deux papes qui ont mérité d’être surnommé « le grand ». Aujourd’hui, 10 novembre, l’Église se rappelle de l’un d’entre eux : saint Léon le Grand qui a été pape de 440 à 461. Il a été à la fois un théologien solide et défenseur de la foi, raison pour laquelle il a été proclamé docteur de l’Église, et un négociateur de paix au moment où l’empire romain d’occident subissait les assauts des barbares. Pour toutes ces raisons, il a bien mérité son nom de grand.
On sait peu de choses des origines de Léon. Il est né en Italie, peut-être en Toscane ou à Rome, entre 390 et 400. Son père s’appelle Quintanius. On retrouve sa trace à Rome sous le pontificat de Célestin Ier qui a régné entre 422 et 423. À cette époque, Léon est archidiacre de Rome. Il l’est encore sous le pontificat de Sixte III, entre 432 et 440. Il est même l’homme de confiance du pape et très apprécié par le peuple de Rome. Lorsque Sixte III meurt, Léon est en mission de pacification en Gaule pour arbitrer un conflit local. Malgré son absence, le peuple de Rome le plébiscite pour succéder à Sixte III. Il est donc élu pape et consacré le 29 septembre 440.
On possède de nombreux documents de Léon le Grand : une centaine d’homélies, quelque 150 lettres dont la fameuse Tome à Flavien, qui est une lettre adressée au patriarche de Constantinople où il défend l’unicité de la personne du Christ subsistant en deux natures distinctes.
Le pape Léon a dû mener des combats sur deux fronts en même temps : le front de la foi et le front de la paix à un moment où le pouvoir impérial faiblissait en Italie.
Sur le front de la paix, l’épisode le plus célèbre est sa rencontre en 452 avec Attila, surnommé « le fléau de Dieu ». Ce chef brutal, avec ses hordes de huns, dévaste le nord-est de l’Italie et menace Rome. Léon le Grand le rencontre à Mantoue, entouré d’une délégation de la ville de Rome, et le persuade d’arrêter son invasion belliqueuse et de rentrer en Pannonie. Il sauve ainsi la ville de Rome du pillage. On peut se demander comment un chef barbare comme Attila s’est laissé convaincre par la douceur du pape. Attila l’a expliqué lui-même à ses guerriers : « Pendant que le Pontife me parlait, leur dit-il, je voyais à ses côtés un autre Pontife d’une majesté toute divine ; il se tenait debout, ses yeux lançaient des éclairs, et il me menaçait du glaive qu’il brandissait dans sa main ; j’ai compris que le Ciel se déclarait pour la ville de Rome. » L’autre pontife, vous l’aurez reconnu, c’est saint Pierre lui-même, venu au secours de son successeur.
Un autre acte courageux de Léon Ier a été moins couronné de succès. C’est sa tentative en 455 d’arrêter les Vandales du chef Genséric de mettre Rome à sac. Léon le Grand, sans armes et entouré de son clergé, rencontre Genséric. Il n’obtient pas que Rome soit épargnée, mais il impressionne les envahisseurs qui épargnent les grandes basiliques où les foules se sont réfugiées : saint Pierre, saint Jean de Latran, saint Paul-hors-les-Murs. Les Vandales vont se livrer au pillage systématique de la ville pendant 15 jours, mais ils ne l’incendient pas. C’est en référence aux actes de pillages des Vandales en 455 que le fameux abbé Grégoire a inventé le verbe « vandaliser » le 11 janvier 1794 pour dénoncer les destructions de monuments et d’œuvres d’art pendant la révolution française.
L’œuvre de Léon le Grand ne se limite pas à ses actes de courage pour préserver la paix. Il est aussi un ardent défenseur de la vraie foi contre différentes hérésies de son temps : le manichéisme, le pélagianisme, le priscillianisme, le monophysisme. Cette dernière hérésie, propagée par le moine Eutichios, affirme que le Christ est seulement homme et pas Dieu. Monophysisme provient des mots grecs mono = une seule et phusis = nature : donc les monophysites proclament que le Christ n’a qu’une seule nature. Dans sa lettre, le Tome à Flavien, le pape Léon défend vigoureusement la double nature divine et humaine du Christ. Ses arguments seront adoptés par le concile de Chalcédoine en 451 qui dénoncera l’hérésie d’Eutichios et proclamera définitivement comme dogme que le Christ est vrai Dieu et vrai homme, une seule personne et deux natures, sans confusion ni séparation.
Le concile de Chalcédoine qui réunit 350 évêques est le plus grand depuis le début de l’Église. Il est l’aboutissement des 3 conciles œcuméniques précédents : celui de Nicée de 325, celui de Constantinople de 381 et celui d’Éphèse de 431. Ces 4 conciles résument la foi de l’Église des premiers siècles, et l’autre pape surnommé le grand, Grégoire le Grand, présentera ces quatre conciles comme les quatre Évangiles sur lesquels s’élève la structure de notre sainte foi.
Léon le Grand a aussi une grande conscience d’être le successeur de l’apôtre Pierre, chargé de veiller sur la communion de l’Église tout entière. Les évêques du concile de Chalcédoine l’ont reconnu quand ils ont pris connaissance de la lettre du pape Léon au patriarche de Constantinople : « Pierre a parlé par la bouche de Léon, Léon a enseigné selon la piété et la vérité », ont-ils affirmé d’une seule voix. Pour Léon le Grand, la primauté de l’évêque de Rome ne dépend pas du prestige de la ville de Rome ou de celui de Constantinople qui revendiquait le même droit, mais bien de son caractère de successeur de Pierre, le prince des apôtres.
Saint Léon le Grand est aussi un pasteur proche du peuple. Son action a été immense dans de nombreux domaines. Il a soutenu la charité pour les pauvres d’une Rome éprouvée par les famines et l’afflux de réfugiés. Il a lié pour la première fois le jeûne avec le partage et l’aumône, ce qui nous semble aujourd’hui une évidence. Il a souligné – je cite ici le pape Benoît XVI – « que la liturgie chrétienne n’est pas le souvenir d’événements passés, mais l’actualisation de réalités invisibles qui agissent dans la vie de chacun ».
On dit de Léon le Grand que l’humanité, la douceur et la charité ont été ses principales vertus. Il a été un apôtre de la beauté de l’Incarnation du Fils de Dieu, ce qui lui a valu le titre de Docteur de l’Incarnation. Il est mort le 10 novembre 461 à Rome et il est le premier pape à avoir été enterré dans la basilique saint Pierre.
Écoutons pour terminer l’exhortation qu’il nous adresse en tant que chrétien :
« Reconnais, ô chrétien, ta dignité. Tu participes à la nature divine, ne retourne donc pas à ton ancienne souillure par une manière de vivre indigne de ta race…Tu as été transféré dans le royaume de lumière qui est celui de Dieu. »
C’est de ce royaume de lumière où il est maintenant que saint Léon le Grand intercède pour l’Église et pour nous. N’hésitons pas à le prier en ces temps d’épreuves. Il en a connu de nombreuses, mais toujours le Seigneur l’en a fait sortir victorieux. Il fera de même pour notre Église aujourd’hui.