Saint Joseph dans les Évangiles

Saint Joseph : comment les Évangiles parlent-ils de ce saint si silencieux ? Cet article extrait du magazine Il est vivant! qui lui a consacré son numéro 351 peut nous aider à entrer en profondeur dans la compréhension de cette figure discrète du Nouveau Testament.

 

Cette méditation est à lire également avec une Bible afin de pouvoir se référer aux passages indiqués.

Par le Père Jean-Rodolphe Kars, Chapelain du sanctuaire du Sacré-Cœur de Paray-le-Monial

L’Annonciation (Lc 1)

« Une vierge fiancée à un homme du nom de Joseph de la maison de David » (Luc 1, 27).
Au cours de l’Annonciation – célébrée quelques jours seulement après la fête de Joseph – nous contemplons cet événement inouï qui a entièrement renouvelé l’histoire et le monde. Ce mystère de l’incarnation, à la fois redoutable et joyeux, par lequel nous est accordé le salut grâce au consentement de l’humble fille de Nazareth. Joseph est intégré dans cet événement de manière très discrète. Il est mentionné en référence à « la maison de David », c’est-à-dire la lignée royale.

L’annonce faite à Joseph (Mt 1)

Ce mystère, douloureux d’abord, se mue en mystère joyeux après l’intervention de l’ange. Ce passage de l’Évangile (Mt 1, 18-25) nous révèle la vocation spécifique de saint Joseph ainsi que sa place dans l’histoire du salut. Il révèle surtout la caractéristique biblique essentielle de Joseph : c’était un « juste », à l’image de son très lointain ancêtre Abraham, qui, en raison de sa foi totale en Dieu fut compté parmi les justes. « Abraham crut en Dieu et cela lui fut compté comme justice. » (Gn 15, 6). Abraham eut foi en Dieu alors que Celui-ci venait de lui faire une promesse humainement irrationnelle : lui et sa femme, fort âgés, allaient donner la vie à un fils d’où naîtrait une descendance innombrable ! Ainsi Joseph, malgré les apparences de la réalité, mit pleinement sa foi en la parole de l’ange, parole lui révélant l’humainement impossible : la conception de Jésus par l’opération de l’Esprit Saint. « Et il fit ce que l’ange lui avait ordonné. Il prit chez lui Marie ».
Il va par ailleurs assumer la paternité légale de Jésus et permettre ainsi l’émergence d’une nouvelle descendance innombrable, l’humanité rachetée par le Christ, réalisation plénière de la promesse antique faite à Abraham (cf. Gn 12, 3b).

La Nativité (Lc 2)

« Or il advint en ces jours-là que parut un édit de César Auguste ordonnant le recensement de tout le monde habité… Joseph aussi monta de Galilée, de la ville de Nazareth, en Judée à la ville de David qui s’appelle Bethléem parce qu’il était de la maison et de la lignée de David, afin de se faire recenser avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte […] Les bergers vinrent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la mangeoire ».

Ce mystère, joyeux, revêt cependant aussi une dimension douloureuse à cause des circonstances insolites dans lesquelles se déroule la naissance de Jésus.
Saint Joseph est tout effacement, humilité, silence. Vrai serviteur du mystère, il accueille par sa foi adorante, dans la nuit, la venue de Celui qui est « la lumière du monde » et que « les ténèbres ne peuvent pas saisir » (cf. Jn 1,4-5). Dans certaines icônes, on voit Joseph à part, à distance, même plus éloigné de l’enfant et de Marie que les bergers. Dans un premier temps, il ne comprend les événements que dans la pure connaissance de foi et il s’efface.

A voir aussi : présentation du numéro spécial saint Joseph par la rédactrice en chef

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Le nom de Jésus (Lc 2)

« Et lorsque furent accomplis les huit jours pour sa circoncision, il fut appelé du nom de Jésus, nom indiqué par l’ange avant sa conception » (Lc 2, 21).

Joseph assume son rôle de père en donnant le nom à l’enfant. C’est bien par Joseph que Jésus est descendant de David (selon la généalogie de Mt 1). D’un point de vue biblique, Joseph est pleinement le père de Jésus même s’il ne l’est pas d’un point de vue naturel et biologique. Il ne faudrait pas en faire un père de substitution ou d’adoption comme pour “sauver la face”. Certes, le vrai père de Jésus est le Père du ciel mais cette Paternité divine s’incarne et resplendit comme en une icône dans la paternité de Joseph. En vertu de son humanité, Jésus apprendra avec ses sens qui est son Père du ciel en regardant le visage de Joseph penché sur lui. Chaque fois qu’il parlera du Père, il aura nécessairement dans sa mémoire et dans son cœur l’image de Joseph.

La présentation de Jésus au Temple (Lc 2)

Mystère de joie pour Syméon et Anne mais mystère teinté d’ombre par la prophétie de Syméon. Joseph est présent lorsque Syméon annonce l’avènement – ici inauguré – du messie (« Lumière des nations, gloire d’Israël », Lc 2, 22-35).
Peut-être que le cœur de Joseph s’est réjoui à l’instar de son lointain ancêtre dont Jésus dit : « Abraham a vu mon jour et il a exulté. » (cf. Jn 8, 56). En écoutant les paroles de Syméon, le cœur d’adorateur et de veilleur de Joseph, patriarche des temps nouveaux, a-t-il tressailli d’allégresse ?

La fuite en Égypte (Mt 2)

Dans cet épisode, Joseph se révèle être le protecteur assuré de la sainte famille. Il est un reflet de la tendresse du Dieu d’Israël dont le psaume 120 (121) nous dit qu’« il ne dort, ni ne sommeille, le gardien d’Israël ». Le Dieu d’Israël veille jour et nuit, et surtout il nous « gardera au départ comme au retour ». Cette parole s’applique admirablement à cet épisode de l’Évangile. Joseph se révèle comme un rempart dans la terrible adversité causée par la jalousie d’un roi fou, Hérode, qui est ici instrument du démon homicide. Une sœur consacrée de l’Emmanuel, rappelée à Dieu il y a quelques années, faisait un rapprochement insolite entre Joseph et l’archange saint Michel. Elle disait que dans l’Écriture, Michel et Joseph sont complètement silencieux. Michel est tout silence, humilité et adoration et c’est comme cela qu’il est vainqueur du démon. Son nom même exprime l’effacement : « Mikha- El », « qui est comme Dieu ».
Analogiquement, Joseph est le grand silencieux de l’Évangile. Il est pur effacement, le veilleur qui attend en silence et qui accueille les signes de Dieu. C’est ainsi qu’il devient un rempart contre le démon symbolisé ici par Hérode.

Le recouvrement de Jésus au Temple (Lc 2)

Ce mystère peut être rapproché du sacrifice d’Isaac (Gn 22), lorsqu’Abraham, par obéissance à Dieu, est prêt à sacrifier son fils, lequel lui a été rendu. On trouve comme un écho de cet épisode dans le coeur de Joseph qui a retrouvé son fils au bout de trois jours d’angoisse. Mais surtout il y a là une allusion claire à la Passion et à la Résurrection le troisième jour. « Le Père n’a pas épargné son propre fils mais il l’a livré pour nous » (Rm 8), et Il l’a ressuscité pour l’Éternité.

Nathanaël (Jn 1)

« Philippe trouve Nathanaël et lui dit : “Celui dont il est écrit dans la loi de Moïse et chez les Prophètes, nous l’avons trouvé : c’est Jésus fils de Joseph, de Nazareth.” Nathanaël répliqua : “De Nazareth peut-il sortir quelque chose de bon ?” » (Jn 1, 45-46). La première réaction de Nathanaël est une réaction de dédain, et Joseph dans son esprit n’est « que » le charpentier. Mais lors de sa rencontre avec Jésus, il exalte la royauté du messie : « Tu es le roi d’Israël. » (Jn 1, 49). Dans la première réponse, on perçoit comme une sorte d’anéantissement de la royauté davidique, qui évoque l’anéantissement (kénose) de Jésus, vrai Dieu et vrai homme, dans sa Passion (cf. Ph 2, 6-8). De fait, au fur et à mesure des siècles, la splendeur davidique de la royauté a complètement disparu. En Joseph, mystérieusement, elle est cachée comme le grain de blé en terre ; elle prépare la vraie messianité royale de Jésus… Non pas une royauté comme les disciples l’imaginaient (cf. Actes 1, 6). La royauté enfouie de Joseph ouvre la route à la splendeur de la royauté du Christ. Mais cette royauté doit d’abord passer elle-même par l’anéantissement de la Passion. C’est une royauté crucifiée, humiliée, comme nous le rappellent les paroles de Jésus à Pilate : « Ma royauté n’est pas de ce monde. » ; et aussi le couronnement d’épines et l’écriteau sur la croix « Jésus le roi des Juifs. ». Mais à l’Ascension, cette royauté de Jésus, entrevue par Nathanaël, va se révéler pleinement : il devient Roi de l’univers.

Jésus, le Pain de vie (Jn 6)

Les juifs se mirent à murmurer suite aux paroles de Jésus relatives à sa chair qui devient « vraie nourriture ». « Celui-là n’est-il pas Jésus, le fils de Joseph dont nous connaissons le père et la mère ? Comment peut-il dire maintenant : je suis descendu du ciel ? » Ces paroles mettent bien en relief tout le paradoxe apparent entre la Paternité divine et la paternité (terrestre) de Joseph.

Les six mystères douloureux de Joseph

Le questionnement de Joseph suite à la grossesse de Marie (Mt 1)

Quand il apprend que Marie est enceinte, il ne la soupçonne pas mais il décide de la répudier sans bruit. Il se trouve dans une nuit de la foi et de la non-compréhension. Il ne se révolte pas mais il vit une sorte de solitude extrême. Il ne se sent pas autorisé à en parler à Marie pas plus qu’elle ne s’était sentie autorisée à lui parler de l’événement de l’Annonciation. Les deux respectent avec révérence le secret de Dieu. Il projette de se séparer de sa fiancée qu’il aime très tendrement. Cet épisode est pour lui comme un transpercement du cœur… jusqu’au moment où l’ange vient lui parler en songe.

Le déplacement de Nazareth à Bethléem (Lc 2)

Parti sur les routes dans la fatigue et la précarité avec sa fiancée enceinte et arrivant à terme, tout cela à cause des tracasseries administratives dues au recensement, Joseph a dû sentir le poids de sa responsabilité comme « gardien des trésors que Dieu lui a confiés » (oraison de la messe de saint Joseph). Partir sans savoir de quoi demain sera fait… N’est-ce pas la situation tragique de tant et tant de nos frères et sœurs fuyant leur pays d’origine et espérant trouver un accueil souvent plus qu’aléatoire sur une terre étrangère ? Et puis Jésus naît dans des conditions de précarité extrême : Joseph et Marie n’avaient pu imaginer une telle situation. Ils avaient dû préparer la naissance de l’enfant à Nazareth dans des conditions humbles certes, mais ils avaient le souci du bien-être de l’enfant. Le berceau devait être prêt. Et tout cela vole en éclats. Encore une nuit de la foi pour saint Joseph. Le berceau prévu aboutit à la mangeoire de Bethléem.

La présentation de Jésus au Temple (Lc 2)

Joseph entend les paroles de Syméon adressées à la Vierge, annonçant la Passion ; et il vit peut-être dans le secret de son cœur d’époux et de père une sorte de Passion anticipée.

La fuite en Égypte (Mt 2)

« Joseph se lève de nuit » : c’est la nuit, symbole de la Passion, l’« heure des ténèbres ». Lors de la fuite en Égypte, Joseph avec la sainte famille, vit la condition de persécution que vivent tant de nos frères dans la foi, menacés de mort. Et même le retour d’Égypte sur la terre d’Israël se fait sur fond d’anxiété (cf. Mt 2, 22).

Le recouvrement de Jésus au Temple (Lc 2)

Joseph, aux côtés de Marie, a vécu sa propre participation anticipée à la Passion : les trois jours d’angoisse (de mort en quelque sorte) et la résurrection (le recouvrement de Jésus au temple). En effet il ne sera pas présent à la Passion. Il la vit à l’avance. Joseph est devenu l’intercesseur privilégié des parents éplorés par la perte ou l’égarement d’un enfant.

La vie quotidienne et cachée de la sainte famille à Nazareth

Cette vie a certainement été jalonnée de joies simples et quotidiennes. Cependant cette période a été vécue avec une certaine gravité. Il est dit que Marie conservait dans son cœur tous les événements qu’elle avait vécus. Mais Joseph aussi n’a pas pu oublier les événements dramatiques vécus particulièrement lors de la fuite en Égypte ainsi que la disparition de Jésus pendant trois jours lors du pèlerinage à Jérusalem. Ce fut une vie faite d’ombres et de lumières. Parmi les ombres quotidiennes, il y a cette douleur lancinante causée par le regard méprisant de certains habitants de Nazareth qui ne pouvaient pas connaître le secret ineffable de cette sainte famille. La grossesse insolite de Marie avant la vie commune, le silence sur la véritable identité de Jésus, Dieu fait homme, tout cela était apte à faire jaser les voisins… La sainte famille expérimente déjà une des béatitudes : « Heureux serez-vous lorsqu’on dira de vous toutes sortes de choses fausses à cause de moi. » (Mt 5, 11)

Tous ces enseignements que l’on peut tirer de la Bible font grandir notre confiance en saint Joseph. Il émane de lui un sentiment de sécurité sans borne. Comme le faisait parfois le Bienheureux Charles de Foucauld, nous pouvons nous mettre en pensée à la place de l’enfant Jésus et expérimenter cette tendresse, cette bienveillance, cette attention de tous les moments dont il a fait l’objet de la part de ses parents. ¨

RETROUVEZ L’ENSEIGNEMENT DE JEAN-RODOLPHE KARS EN VIDÉO

 

IEV n351 couvertureCet article est extrait du n°351 du magazine Il est vivant !, intitulé Saint Joseph, un cœur de père.

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