Saint Irénée, docteur de l’unité

Clotilde Brossollet, éditrice chez Première Partie, a été la directrice de rédaction du mook Irénée ! consacré à cette grande figure du christianisme des premiers siècles.

Par CLOTILDE BROSSOLLET

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D.R.

Que savons-nous d’Irénée ? Pas grand-chose ! Il ne nous reste que deux de ses ouvrages et nous ne savons même pas dans quelles conditions il meurt. La tradition suppute une mort en martyr de la foi mais rien ne l’atteste. Pourtant le deuxième évêque de Lyon, originaire d’Asie mineure est non seulement saint mais aussi Père de l’Église. Le 2 janvier 2022 le pape François l’a déclaré Docteur de l’Église, avec le titre de Docteur de l’Unité.
Il peut apparaître étonnant qu’un homme de la seconde moitié du IIe siècle dont il reste si peu de traces ait développé une pensée théologique et spirituelle si éminente qu’elle mérite d’être reconnue pour avoir considérablement enrichi la doctrine de la foi. Toutefois, il suffit de rencontrer un lecteur de son traité Contre les hérésies ou de sa Démonstration de la prédication apostolique pour comprendre : Irénée a son fanclub ! Les passionnés d’Irénée décrivent un Père de l’Église bien éloigné de l’image sévère du chasseur d’hérésies qui établissait les listes détaillées de toutes les erreurs qui peuplaient le christianisme naissant des premiers siècles.

Un trait d’union entre catholiques, orthodoxes et protestants

Homme de l’unité de l’Église, Irénée quitte, aux alentours des années 130, sa ville de Smyrne, pour venir soutenir ses frères en Gaule. Il faut imaginer ce jeune homme de parents grecs et chrétiens, disciple de Polycarpe, lui-même disciple de l’évangéliste Jean, obéir à l’appel de son maître d’aller servir la jeune communauté de Lugdunum dont il ne connaît ni la langue ni les mœurs. De cet exode missionnaire, Irénée deviendra le pont entre l’Église d’Orient et l’Église d’Occident. Aujourd’hui encore, il est un trait d’union entre catholiques, orthodoxes et même protestants qui voient en lui le fidèle héritier de la tradition des apôtres. Défenseur de l’existence d’un nombre restreint d’Évangiles qu’il réduit à quatre, il nous apprend l’origine de chacun d’entre eux dans Contre les hérésies : Matthieu qui écrit pour les Hébreux, Marc qui interprète les écrits de Pierre, Luc ceux de Paul et enfin Jean qui écrit depuis Éphèse et dont Irénée confirme l’identité d’apôtre. Homme de paix, obsédé par l’unité de l’Église naissante, qui connaît la tentation de la division inhérente à sa jeunesse, Irénée ne cesse par sa prédication, ses rencontres et même ses quelques voyages qui suivent son installation en Gaule, de prôner une Église riche de sa diversité mais avant tout une et indivisible. Lors de la querelle autour de la date de Pâques, il évita la sécession d’une partie des Églises d’Asie. Celles-ci avaient pris l’habitude de célébrer la résurrection le 14 Nisan à la manière des Juifs (qui pouvait tomber un jour de la semaine) tandis que le reste des Églises le faisait le dimanche suivant. La querelle dura des années et toutes les tentatives de résolutions échouèrent. Excédé, Victor Ier, évêque de Rome, décida de l’excommunication de ses confrères d’Orient afin de les soumettre. C’est Irénée par son esprit pratique qui évita que la rupture soit définitivement consommée. Il conseilla à Victor Ier de laisser libres toutes les Églises sur les questions qui ne concernaient pas la foi. L’Église resta unie et progressivement toutes les Églises chrétiennes célébrèrent la fête de Pâques le dimanche.

Un humour décapant

Homme de l’unité de la foi, Irénée combat l’erreur non par la condamnation mais par l’argumentation. Convaincu du lien entre intelligence et foi, il construit des analyses rationnelles et méthodiques. Reconnu pour ses talents de polémiste et son ironie mordante, il use d’une pédagogie particulièrement innovante pour se faire comprendre. C’est avec rigueur mais non sans humour qu’il démonte la théorie de ses adversaires. L’hérétique adepte de la gnose, Valentin, en fit les frais. Irénée usa de toutes les espèces de cucurbitacées pour décrire l’ineptie de la théorie valentinienne : le Pro-Principe royal prit ainsi le nom de citrouille qui associée à la Supervacuité donna naissance au concombre, qui lui cohabitait avec une Puissance de même substance appelée Melon. Rien de mieux pour démontrer le caractère « délirant » des propos de Valentin et de dénoncer le mauvais usage qu’il faisait des termes et donc de la vérité ! Adepte de la punchline, ses ouvrages sont des réservoirs de citations. « Dieu s’est fait homme pour que l’homme se fasse Dieu » n’est que la plus connue d’une longue série.

Une vision de l’homme unifiée

L’unité, pour Irénée, commence toutefois par celle du Christ et celle de l’homme. Dans un monde antique qui ne peut admettre qu’un Dieu se fasse homme, la gnose se complaît à mépriser la matière et le corps. Il n’est pas que Valentin pour s’insurger d’un Dieu qui se fait chair et os. Ils sont pléthores à penser que le Christ ne peut être à la fois de nature humaine et de nature divine. Pour certains, il serait un dieu qui n’aurait d’humain que l’apparence, pour d’autre les deux natures ne cohabiteraient pas mais se succéderaient en fonction du moment… Pour Irénée, la chose est certaine, le Fils de Dieu a pris chair et cela est une bonne nouvelle car elle est une invitation adressée à l’homme d’assumer d’être esprit, corps et âme et que cette unité est le fondement de sa vocation à rejoindre la condition divine. La matière est bonne comme le corps est bon car tous deux ont été créés par Dieu qui, lui, est bon et a envoyé son Fils non pas pour échapper à la création mais pour la sauver. Le corps n’est alors pas la prison de l’âme mais bien mais la demeure naturelle de l’homme.

À l’école d’Irénée, découvrons ce cadeau immérité mais incroyable que Dieu nous fait à travers notre propre incarnation : il nous adopte comme ses fils et ses filles. C’est en acceptant d’être des hommes et des femmes, que nous pouvons recevoir la vie divine !

IRÉNÉE ! DE LYON

Irenee Lyon 1re partie

Ce hors-série du magazine Jésus ! coédité par Première Partie et la Fondation Saint-Irénée (paru en mai 2020) propose de découvrir la figure emblématique du Père de l’Église, nommé Docteur de l’Unité, saint Irénée. Ce magazine construit comme un magazine « art de vivre », qui allie rigueur intellectuelle et ton humoristique et décalé retrace, à travers le portrait du deuxième évêque de Lyon, l’épopée des premiers martyrs et la naissance de l’Église d’Occident. c.b.

 

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