Saint François Borgia – Marcher avec les saints

Le 3 octobre, nous fêtons saint François Borgia, un humble jésuite qui fut comme un second fondateur pour cet ordre.

Saint François Borgia

Un jour, en visitant les chambres de saint Ignace à Rome, une des femmes nommée Marie qui faisaient la visite avec moi s’est arrêtée devant le portrait du troisième général des Jésuites et elle a dit : « Voilà saint François Borgia. C’est mon ancêtre. » Je ne comprenais pas comment un jésuite, successeur de saint Ignace à la tête de son ordre, pouvait avoir eu une descendance. Devant mon visage étonné, Marie m’a raconté rapidement la vie François Borgia, grand d’Espagne, marié et père de 8 enfants, qui est devenu jésuite après la mort de sa femme. En entendant cette histoire hors du commun, je me suis dit que je devrais un jour lui consacrer un podcast. Et je le dédie à Marie qui se reconnaîtra !

Francisco de Borja y Trastámara, François de Borgia, est né à Gandie en Espagne, dans le royaume de Valence, le 28 octobre 1510. Par son père Juan Borgia, il est l’arrière-petit-fils du pape Alexandre VI, né Rodrigo de Borgia, un pape qui a laissé un immense parfum de scandale dans l’Église au point que le nom de Borgia est devenu quasiment synonyme de luxure et de dépravation. La mère de François, Jeanne d’Aragon, quant à elle, est la fille illégitime d’Alphonse d’Aragon, archevêque de Saragosse, qui est lui-même un bâtard du roi Ferdinand le Catholique. Je m’arrête là dans la description des turpitudes de la famille de François de Borgia.

Je vous raconte tout cela pour montrer que, même lorsque son histoire familiale est compliquée et entachée de péché, rien n’empêche une personne d’atteindre les plus hauts sommets de la sainteté. Grâce à François, le nom des Borgia n’est pas seulement attaché à des scandales, il est aussi attaché à l’histoire de la sainteté dans l’Église. En conséquence, même s’il y a dans notre arbre généalogique des blessures et de grands péchés, rien n’empêche que nous devenions des saints car Dieu a un plan personnel sur chacun de nous, indépendant de ce que nos aïeux ont pu faire.

La maman de François est une femme très pieuse qui lui enseigne la prière et l’amour de Dieu. À l’âge de 5 ans, doué d’une grande mémoire, il étonne son entourage en répétant les homélies qu’il avait entendues et en imitant les prédicateurs.

Il a 10 ans quand il perd sa maman. C’est alors son oncle maternel, Jean d’Aragon, archevêque de Saragosse, qui s’occupe de son éducation jusqu’à ce que le jeune François soit appelé à la cour de Charles Quint, comme page de l’infante Catherine, sœur de l’empereur. Lorsque Catherine épouse le roi Jean III de Portugal en 1525, François retourne à Saragosse pour étudier la philosophie. En 1528, Charles Quint le rappelle auprès de lui et il lui donne comme épouse en 1529 Éléonore de Castro, une dame d’honneur de sa femme, l’impératrice Isabelle. François et Éléonore auront 8 enfants.

À la cour, François est de plus en plus apprécié par Charles Quint qui le nomme  marquis de Llombai en 1530, grand veneur de l’Empereur et grand écuyer de l’Impératrice. Il lui confie aussi la surveillance de la cour pendant sa campagne victorieuse contre Tunis en 1536. Il lui demande de participer à l’éducation de son fils, l’infant Philippe. Il l’emmène avec lui pendant l’expédition de Provence. C’est là que François assiste le poète Garcilaso de la Vega dans son agonie, ce qui le bouleverse passablement. Peu de temps après, lui-même tombe gravement malade et croit qu’il va mourir. Guéri, il décide de se confesser et de communier tous les mois. Je vous rappelle qu’à l’époque, la communion fréquente n’était pas du tout habituelle.

Un autre événement marque très profondément François Borgia, lié à la mort de l’impératrice Isabelle, décédée le 1er mai 1539. C’était une femme très belle. Charles Quint charge François d’accompagner la dépouille mortelle de sa femme à Grenade. Il doit reconnaître le corps une dernière fois avant l’ensevelissement. Une fois le cercueil ouvert, le cadavre était tellement décomposé que François en est vivement impressionné : « François, voilà ce que tu seras bientôt… À quoi te serviront les grandeurs de la terre ?…  » Il est vivement tenté de quitter le monde, mais il est marié et Charles Quint fait de lui son premier conseiller et le nomme toujours en 1539 vice-roi de Catalogne, c’est-à-dire gouverneur de la région au nom de l’empereur. François reste donc dans le monde tout en vivant une vie la plus sobre possible étant donné son rang. Entre temps, François se lie en secret avec les premiers jésuites dont il favorise l’installation dans le pays en utilisant son influence de grand d’Espagne.

En mars 1546, Éléonore, sa femme, meurt. François désire entrer dans la Compagnie de Jésus, mais l’empereur le retient ainsi que la nécessité de s’occuper de ses enfants jusqu’à ce que son fils aîné ait atteint sa majorité, c’est-à-dire 16 ans. En attendant, il suit les exercices de saint Ignace et fait vœu de chasteté et d’obéissance. Il entre même secrètement dans la Compagnie de Jésus, le 2 juin 1546 ; il fait ensuite toujours secrètement sa profession solennelle le 1° février 1548. Il se met à l’étude de la théologie à l’université de Gandie qu’il a lui-même fondée.

L’année 1550 est une année sainte où il est possible de gagner l’indulgence jubilaire. François prend ce prétexte pour partir à Rome. Il part le 31 août et moins d’un an plus tard, le 23 mai 1551, il est ordonné Prêtre en présence de saint Ignace et célèbre sa première messe le 1er août. Ignace le renvoie alors au pays Basque, puis au Portugal. En 1555, il le nomme commissaire général de la compagnie de Jésus pour l’Espagne et le Portugal. Charles Quint le choisit de son côté comme son exécuteur testamentaire avec son fils, l’infant Philippe.

Le père François Borgia se distingue par sa grande humilité, d’autant plus frappante que tout le monde sait qu’il a été un grand d’Espagne. On raconte, par exemple, l’histoire suivante :

Un jour, François voyage avec un vieux religieux, et tous deux font halte pour la nuit dans une hôtellerie misérable. Ils dorment côte à côte sur la paille. Toute la nuit, le vieil homme tousse et crache. Au matin, il se rend compte que ses crachats ont abouti sur le visage et les habits de François. Le vieux religieux est tout confus, mais François le rassure : « N’ayez pas de peine, lui dit-il, car il n’y avait pas de meilleur endroit pour cracher dans cette chambre que sur moi ! » François signe toutes ses lettres par « François, pécheur », il lit les lettres qu’il reçoit de ses supérieurs à genoux. Il échappe deux fois au titre de cardinal, une fois en s’enfuyant, l’autre fois grâce à l’intervention expresse d’Ignace.

En décembre 1561, il est rappelé à Rome. En juillet 1565, François Borgia, l’homme qui fait tout pour s’abaisser, est élu général de la Compagnie de Jésus. Il succède à Diego Laynez qui lui-même a succédé à Ignace de Loyola. Il va diriger la compagnie pendant 7 ans et s’imposer comme un « second fondateur », un vrai père aimé de ses frères. Sous son gouvernement, les Jésuites se répandent dans toute l’Europe et dans les missions lointaines. Il se préoccupe de la formation et de la vie spirituelle de ses frères, donne un nouvel élan missionnaire à la Compagnie qui se déploie plus largement dans le monde.

Il meurt à Rome le 30 septembre 1572 à l’âge de 62 ans.

Pour terminer, permettez-moi de vous laisser le conseil que saint François Borgia donnait dans une lettre datée de 1569 à ses frères jésuites mais dont nous pouvons nous aussi tirer grand profit :

« Le religieux qui ne s’exerce pas à la méditation et à l’imitation de Jésus Crucifié, celui-là travaillera sans ardeur à la Gloire de ce Divin Maître ; bien plus, il n’y apportera que lâcheté, et, cependant, il ne laissera pas d’être satisfait de lui-même et de mépriser les autres.

Quel grand remède pour tous nos maux que de méditer la Croix du Christ ! »

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