Reportage – Un prêtre et une famille en mission ensemble

Sur l’île de Béhuard, dans le Maine-et-Loire, l’évêque d’Angers a confié depuis un an l’animation d’un sanctuaire marial millénaire à la responsabilité d’un prêtre diocésain et d’un couple chrétien.

Par THIBAUT DARY

Vignette Carron Behuard iev

Nous sommes à Béhuard, un lieu incontestablement chargé d’histoire. Dans ce petit “village de caractère” où les touristes arrivent aisément à vélo, aux ruelles et recoins instagrammables, dont Stéphane Bern lui-même a raconté les vicissitudes face aux crues de la Loire, tout n’est pourtant pas que vestige et patrimoine. Ici s’écrit aussi la mission ecclésiale selon une nouvelle formule.

Une initiative de l’évêque

À l’initiative de l’évêque d’Angers Mgr Emmanuel Delmas, le sanctuaire marial et la maison diocésaine qui le jouxte sont confiés depuis août 2019 à la responsabilité pastorale partagée d’un prêtre et d’une famille catholique. Lui, le père Bertrand Chevalier, 47 ans, originaire du diocèse, y a été curé d’une paroisse rurale ; eux, Bertrand et Faustine Carron, membres de l’Emmanuel et anciens volontaires Fidesco, cherchaient un engagement missionnaire local après vingt ans de mariage. C’est l’évêque qui les a identifiés, réunis et envoyés, pour, « selon leurs charismes propres », rendre à Béhuard son rayonnement passé.

« Béhuard est un lieu historique, beau et calme : seulement 125 personnes y habitent, mais 200 000 visiteurs y passent par an », explique Bertrand Chevalier. « Après avoir attiré des dizaines de milliers de pèlerins, l’endroit était devenu une maison pour prêtres âgés. L’évêque a souhaité réveiller la belle endormie. Ici, nous sommes dans un lieu de première adhérence à la foi. Face à un système paroissial à bout de souffle, autre chose est en train de s’inventer ici. »

Un attelage original, non pyramidal

Le recteur dit « nous », car il n’est pas seul. « Nous avons reçu une lettre de mission ensemble, insiste Faustine Carron. Nous partons d’une copie blanche ensemble. Les enfants également ont chacun une mission. » Leur co-animation du sanctuaire présente un attelage original, non pyramidal : « Nous ne sommes pas en communauté, mais en communion », explique Bertrand Carron. « Nous vivons ici en famille, et avons une vie fraternelle avec le père Chevalier. Prêtre diocésain ou époux, chacun va au bout de sa vocation propre. »

« Les choses sont simples »

Il fallait que l’entente se fasse entre eux. « Ça a matché très rapidement », confirme Bertrand Chevalier : « Nous avions une manière similaire d’appréhender la mission, nous portions quelque chose de commun dans le cœur. » Depuis un an, les projets avancent, s’enchaînent, et portent déjà du fruit. « Les choses sont simples, et fonctionnent en circuit court. Nous pouvons être entreprenants, nous avons carte blanche. » La joie s’entend dans ces paroles. À nouveau à Béhuard, l’histoire missionnaire s’écrit, vite et bien. ¨

QUESTIONS À BERTRAND ET FAUSTINE CARRON


Comment se déroule la vie fraternelle à Béhuard ?

Chaque mercredi soir, nous dînons ensemble avant de travailler sur les dossiers ou discernements de la semaine. Nous terminons par une heure d’adoration ouverte à tous. Mais nous discernons aussi à beaucoup d’autres moments dans la semaine puisque nous nous voyons tous les jours ! Ce temps spécifique du mercredi soir est cependant nécessaire. Par ailleurs, deux jeunes nous ont rejoints en septembre : avec eux, une fois par semaine, nous prenons le temps d’un apéro ou d’un dessert pour partager nos joies et difficultés de la semaine. Les enfants sont présents aussi.

Quelles sont les richesses et les limites de cette coresponsabilité dans la mission ?

Notre mission commune est d’annoncer le Christ, d’aller à la rencontre de ceux qui se sont éloignés du Christ ou qui ne le ne connaissent pas. C’est au cœur de tout ce que nous faisons ici. Pour y répondre, nous nous soutenons dans nos appels propres. Dans ce sanctuaire marial, face à des situations très diverses, nous nous sentons bien pauvres, mais nous sommes pauvres ensemble, et nous acceptons les joies et les peines ensemble. Nous ne sommes pas en mission ici pour maintenir une structure mais pour être dans une réalité (celle du sanctuaire) et écouter l’Esprit Saint ensemble pour avancer. C’est une aventure missionnaire. Nous abordons toutes les questions ensemble, y compris financières.

Quant aux limites, elles sont souvent humaines, mais après trois mois de confinement vécus ensemble, nous avons appris à nous connaître et à nous faire confiance. Nous ne sommes pas toujours d’accord, mais nous échangeons beaucoup pour chaque discernement et ainsi nous pouvons avancer dans l’unité.

Propos recueillis par Laurence de Louvencourt

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