Lieu de rencontre privilégié du Seigneur, la prière des frères est une manière concrète et simple d’exercer la charité fraternelle. Un geste-clé pour tous les missionnaires qui veulent donner au Bon Dieu la possibilité de faire des choses puissantes. Rencontre avec le Père Etienne Grenet*, auteur du livre « La prière des frères » paru aux Editions de l’Emmanuel.
Pourquoi avoir écrit un livre sur la prière des frères ?
J’ai voulu permettre au plus grand nombre de découvrir ce service fraternel et la puissance de l’intercession, à travers un livre – mode d’emploi, qui nous apprend concrètement comment prier les uns pour les autres. J’aimerais aussi, avec ce livre, inciter les paroisses qui voudraient se lancer dans cette aventure, à le faire le plus rapidement possible. Car il s’agit de quelque chose de très simple, qui fait partie de ce que Jésus nous demande pour nous soutenir mutuellement.

« Si deux d’entre vous s’accordent sur la terre pour demander quoi que ce soit, cela leur sera donné par mon Père qui est dans les cieux. » Jésus, Mt 18, 19-20
Comment fait-on naître le désir de la prière fraternelle chez ceux qui n’en ressentent pas forcément le besoin ?
Parfois on porte des intentions pour notre conversion personnelle, notre combat spirituel ou au sujet d’un discernement à faire ; parfois, on peut aussi, tout simplement, être fatigué dans sa prière et le Bon Dieu nous dit : je te donne des frères pour t’aider à porter cette prière.
C’est le cas de Moïse, lorsqu’il intercède pour son peuple. Il y a un moment où Moïse est fatigué et où deux personnes lui soutiennent les bras, comme pour signifier qu’il a besoin que deux frères l’aident à porter sa prière devant le Bon Dieu.
On peut citer l’exemple du paralytique que l’on descend devant Jésus : « (…) voyant leur foi, Jésus dit au paralytique (…) ». Il y a la foi du paralytique, bien sûr, mais elle est édifiée par la foi des frères qui vont le porter.
Dans la prière des frères, on vit une forme de communion dans la foi qui va pouvoir nous relancer, nous remettre sur les rails.
Ensuite, le fait d’entendre ou de lire des témoignages de ce que d’autres ont vécu, grâce à la prière des frères, peut-être un élément déclencheur pour désirer le vivre aussi. C’est un peu comme un bon restaurant, si on ne connait pas l’adresse, on ne risque pas d’y aller… Alors, j’encourage tous ceux qui ont vécu la prière des frères et en ont goûté les fruits à en témoigner !
La prière des frères crée-t-elle un espace pour rencontrer le Seigneur ?
Souvent, un des fruits spirituels c’est faire l’expérience que le Seigneur est là : Il va donner une grâce de consolation, d’encouragement, une réponse concrète, un supplément de foi. C’est expérimenter que Jésus est là. Dans l’évangile, lors de la guérison de Bartimée, Jésus l’envoie chercher par deux intermédiaires pour lui demander : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Jésus nous dit, à nous aussi : « Demande ! » « Mais le Seigneur sait bien… » « non, demande ! ». Demander, verbaliser, déclenche quelque chose !
Cela demande d’oser s’adresser au Seigneur ?
On se sent parfois trop pêcheur, pas assez à la hauteur… Mais n’oublions pas que nous grandissons dans notre capacité à louer, mais aussi dans notre capacité à demander. Le Seigneur passe son temps dans les Ecritures à essayer de nous convaincre qu’il faut demander. Dans la manière pastorale de présenter la prière des frères, c’est important de veiller à faire comprendre qu’il n’y a pas besoin d’être « bien » pour la demander.
La difficulté que je vois, c’est oser demander ce que nous portons au fond du cœur et pas seulement du bout des lèvres.
« J’ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie ! »
Psaume 26, 4
Donc, là, maintenant, si tu avais une seule chose à demander au Seigneur, qu’est-ce que tu lui demanderais ?
Comment faire pour motiver son curé pour mettre en place la prière des frères dans sa paroisse ? Quels arguments donneriez-vous ?
Partager les fruits que cela porte est ce qui est le plus convaincant, car les prêtres sont souvent pragmatiques ! Si cela porte du fruit, le Bon Dieu ne doit pas être loin.
D’autre part, prier les uns pour les autres c’est vivre en conformité avec les Ecritures. Relisons le chapitre 18 de l’évangile de Matthieu sur les gestes fondamentaux dans la vie chrétienne d’une communauté ou d’une paroisse : la prière des frères en fait partie.
Souvenons-nous que Jésus lui-même a prié à haute voix pour ses disciples, en direct. C’est un des points hauts de l’évangile de Jean. Il arrête d’enseigner, s’adresse au Père et prie pour ses disciples. C’est inspirant pour la prière des frères.
“Prier comme Jésus façonne quelque chose du cœur de Jésus en nous.”
Se soutenir dans la prière est un des modes d’exercice de la charité fraternelle. C’est une expérience d’édification mutuelle dans la foi qui est beaucoup plus puissante quand elle est partagée. Les gens qui prient en couple, ou en famille en font l’expérience. J’invite aussi les prêtres à prier ensemble pour confier leurs intentions pastorales. Cette prière a une puissance d’intercession très forte !
Enfin, si votre curé n’est toujours pas convaincu, proposez-lui de prier pour lui pour lui faire goûter le plat…
Faut-il un cadre particulier pour mettre en place la prière des frères ?
C’est un geste très simple qui peut se vivre au débotté. Je le pratique souvent dans des missions de rue. Donc deux personnes peuvent tout à fait, très librement, prier l’une pour l’autre sans cadre particulier.
Mais c’est bien de se former un tout petit peu et d’avoir des lignes directrices qui donnent quand même un cadre de départ pour ensuite déployer la prière des frères de manière assez souple.
Si cela est proposé à la fin d’une messe, c’est bien de cadrer pour ne pas vivre des prières à rallonge. Par ailleurs, le fait d’être systématiquement deux priants garantit un retour possible si l’un ne prie pas de manière ajustée.
Donc s’il fallait résumer les éléments essentiels du cadre, je retiendrai un temps limité, pour des intentions précises, par au moins deux priants.
Quid des charismes qui peuvent être exercés pendant la prière ?
La prière des frères pourrait, elle l’est rarement, être silencieuse : « Seigneur, entend la prière de… » Cela dure quelques minutes et c’est tout aussi efficace.
Ensuite, oui, on peut vivre des charismes prophétiques, comme recevoir une image, une parole, une motion intérieure. Si on discerne qu’il est bon de le donner à la personne, que cela respecte sa liberté et qu’à travers cette parole, elle va se sentir aimée et non pas jugée ou agressée, alors, oui, la prière des frères est un lieu pour exercer les charismes. Cela peut intensifier la grâce de consolation donnée. Par exemple, une fois, on a entonné un chant et la personne pour laquelle on priait s’est retournée en souriant et nous a dit : « J’aime beaucoup ce chant ». C’est tout simple mais la délicatesse du Bon Dieu passe, parfois, par des choses très simples comme cela.
Alors, parfois, il peut y avoir des choses beaucoup plus percutantes : des paroles peuvent rejoindre la personne dans un lieu très précis de sa vie.
Mais souvent, ce sont des choses très simples, qui manifestent un sourire du Bon Dieu. Si Dieu sourit, c’est bien d’apprendre à recueillir ses sourires à travers une réceptivité aux charismes prophétiques.
Cela suppose pour les priants de rester centré sur le Seigneur ?
C’est un bon mot d’ordre qui vaut aussi pour la louange, et qui est vrai déjà dans l’intercession, avant même de parler de prière des frères. Il n’y a pas forcément besoin de prier vingt minutes. Plus n’est pas forcément mieux. C’est pareil pour l’exercice des charismes : il ne s’agit pas de surveiller le ciel pour voir si une image apparait mais être dans ce mouvement où l’on reste centré sur Dieu. C’est là que peuvent venir une image, une parole, une impression et c’est une meilleure garantie quand cela arrive ainsi que lorsque l’on attend de voir si quelque chose vient.
On a souvent des automatismes dans notre manière de conduire la prière : ne sont-ils pas des pièges ?
Les automatismes existent dans tous les domaines : par exemple, dans les louanges, on remarque des mimétismes verbaux qui varient selon les communautés. Et on s’aperçoit que la spontanéité charismatique est, en fait, assez ritualisée. Ce n’est pas grave ! Mais il faut garder une liberté intérieure, une écoute intérieure : parfois les automatismes peuvent faire du bien mais il ne faut pas rester sur des rails. Contre l’automatisme, soyons dans la compassion.
Pouvez-vous nous dire ce que la prière des frères n’est pas ?
Elle n’est pas le lieu d’un conseil spirituel, ni d’une prière de délivrance et pas non plus d’une prière de guérison. Il y a des paroles qu’il ne faut pas s’autoriser comme, par exemple, une révélation des péchés. On dira plutôt une parole positive d’encouragement à la personne mais pas une parole de jugement prophétique.
Peut-on inviter une personne à aller se confesser ?
C’est un cas limite auquel il est difficile de répondre … Oui, cela peut se proposer avec douceur, si on sent qu’il y a un nœud ou quelque chose qui n’est pas dit ou pas donné au Bon Dieu. On peut inviter… Si on a un doute, n’hésitons pas à demander au Bon Dieu comment donner cette invitation-là pour qu’elle soit reçue. Il y a deux critères à respecter absolument : respecter la personne et être dans la charité.
La prière des frères peut-elle donner lieu à un accompagnement dans la durée ?
Non, on peut donner un contact à la personne si on n’est pas dans le cadre paroissial… Mais ce n’est pas l’objet de la prière des frères. En revanche, l’accompagnement des priants est essentiel. C’est important de monter un petit groupe, qui permette aux gens de se retrouver une fois par trimestre, de partager ensemble les fruits, car cela édifie vraiment la foi de chacun et permet de vérifier que personne ne développe de mauvaises habitudes.
Si c’est le cas, c’est bien qu’il y ait une correction fraternelle. Cela suppose qu’une autorité soit identifiée pour qu’un recadrage puisse être fait si nécessaire. En sachant que certaines personnes auront l’humilité pour entendre et la souplesse pour se corriger et d’autres non. Il faudra alors pouvoir sortir cette personne du groupe pour éviter qu’elle ne puisse pencher vers quelque chose de l’ordre d’un abus d’autorité ou de pouvoir.
Père Etienne Grenet, un mot de conclusion ?
Je suis très convaincu que ce geste est très puissant pour les communautés comme pour la mission directe, notamment en contexte anonyme, dans la mission de rue : au fil des rencontres, en priant pour les personnes, on voit des choses vraiment fortes. On voit que le Seigneur peut vraiment passer par là. C’est une des manières de permettre au Bon Dieu de donner les signes qu’il a promis quand on mouille sa chemise pour l’annoncer.
Quand au bout de 10 à 15 minutes de conversation on propose la prière des frères, que la personne l’accepte, habituellement, il se passe quelque chose de significatif et, parfois, quelque chose de remarquable.
C’est un geste clé pour la mission qui donne au Bon Dieu la possibilité de faire des choses puissantes. Il est urgent d’apprendre cela à tous les missionnaires, en commençant à le vivre entre nous, en communauté, pour ensuite le déployer dans une perspective missionnaire.

*Ordonné prêtre en 2007, docteur en théologie, le père Etienne Grenet est vicaire de la paroisse Notre Dame de la Gare à Paris et enseigne l’Ecriture Sainte au Collège des Bernardins. Il est aussi responsable du Pôle missionnaire pour le diocèse de Paris.
La prière des frères les a mis en route !
Habités par un puissant désir d’évangéliser, Denis et Pascal sont impliqués depuis plusieurs années dans le Parcours Alpha de leur paroisse. Ils veulent aller plus loin et mettre d’autres charismes communautaires à la disposition de la paroisse qui peu à peu s’ouvre à la sensibilité charismatique. Lors d’un week-end, ils demandent la prière des frères pour être éclairés et reçoivent une image : celle d’un bateau, presque sans voile, qui doit sortir et dont les voiles vont tomber du ciel. Ils comprennent qu’ils doivent se lancer, humblement.
Pascal raconte : « Nous avons eu alors l’intuition de lancer la prière des frères sur notre paroisse. Nous avons rencontré le curé et lui avons dit que prière des frères c’était un peu comme la prière de guérison dans la soirée 8 du parcours Alpha, au cours de laquelle nous prions les uns pour les autres. A notre grande joie, notre curé qui est très actif au sein du parcours Alpha a été partant tout de suite, pour un an. »
Denis poursuit : « Parmi les priants, nous avons entrainé des paroissiens, qui ont accepté de se former. Nous étions finalement 14 priants. »
Et Pascal d’ajouter : « Mais nous avons voulu rester discrets et n’avons fait connaitre cette proposition que par le bouche-à-oreille. C’est-à-dire que, lorsque nous rencontrons un paroissien et sentons que la prière des frères pourrait l’aider, nous lui proposons de nous retrouver, en semaine, avant la messe du soir. »
Denis tient à témoigner de la transformation progressive de la paroisse : « Nous voyons que, petit à petit, notamment grâce au Parcours Alpha, de plus en plus de personnes se remettent à pratiquer et désirent avancer spirituellement. Pour nous qui expérimentons la prière des frères depuis longtemps et en goûtons les nombreux fruits, nous savons à quel point, elle peut être un élément de croissance spirituelle. »
Lors du bilan de fin d’année, Pascal et Denis, accompagnés d’Huguette, font le point avec leur curé : « Il nous a donné le feu vert pour continuer. Et a ajouté : « Il faudrait réfléchir à de l’accompagnement spirituel. »
« Pour nous, c’était une manière de dire que l’Eglise se développe par la conversion de ses membres. Si on se préoccupe de la croissance spirituelle de chacun des membres de la paroisse, alors elle peut s’embraser » s’enthousiasme toujours humblement Pascal.
Les priants de l’année dernière ont accepté de repartir et exercent de plus en plus les charismes. Cette année, la prière des frères sera annoncée à la fin des quatre soirées de prière pour les malades organisées par la paroisse. « L’objectif est que de plus en plus de paroissiens puissent avoir accès à la prière des frères qui est une aide précieuse pour grandir spirituellement. »