Prêtre, écrivain, journaliste… hommage au Père Raymond Peyret

Décédé samedi 3 juin 2023 à l’âge de 92 ans, le Père Raymond Peyret était le doyen des prêtres de l’Emmanuel. Découvrez la vie de cet humble ecclésiastique au travers de l’hommage que François de Saint Victor, membre de la Communauté de l’Emmanuel, a lu à ses obsèques.

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Raymon Peyret

Père Raymond Peyret – 1931 – 2023

Apprenant le décès de Raymond, Mgr Pierre-Yves Michel a répondu à chaud par un bref sms qui résume tout : “Rendons grâce pour ce bon et fidèle serviteur du Christ, cet apôtre de la miséricorde.”

Si Raymond Peyret ne sera probablement jamais un saint officiellement reconnu par l’Église, il aura montré humblement et au quotidien, à ceux qui l’auront connu, l’humble sainteté du chrétien et du prêtre dans ce monde. Sur son visage souriant et bienveillant s’est toujours plus reflétée, à son insu, la sainteté de Celui qui vivait en lui. “Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi”. En rappelant maintenant les mérites de sa créature, transparente à la grâce, nous voulons aujourd’hui remercier Dieu, son Créateur.

Père Peyret ou Père Raymond pour les uns, Raymond pour d’autres, le Père “à la perruque” s’est donné toute sa vie à tous, par toutes sortes de liens: frère ou un cousin, confrère dans le sacerdoce, ancien curé de paroisse, accompagnateur spirituel, mais aussi frère dans la  communauté de l’Emmanuel dont il était membre… Relisons ensemble sa vie pour y voir Dieu à l’œuvre.  

Raymond, enfant de Dieu, et ses familles:

Né à Valence en 1931, Raymond Peyret n’a eu qu’un frère Dominique, ici présent, beaucoup plus jeune que lui. C’est donc presque comme un enfant unique que cet aîné vécut sa jeunesse, déterminante pour l’accueil de sa vocation. La proche famille de Raymond inclut aussi cinq cousines, aussi présentes aujourd’hui.

Mais Dieu lui donna une bien plus large famille: Si Raymond n’eut pas de sœur de sang, le Seigneur lui en donnera de nombreuses qui l’accompagnèrent soutinrent toute sa vie ce chaste célibataire: Solange, Patricia, Jeanine, Christine, Véronique et tant d’autres dont j’ignore les noms. C’est l’une d’elles encore, Véronique, qui lui tenait la main lors de son dernier soupir. Dieu lui donna aussi de nombreux frères par toutes les amitiés de sa vie sacerdotale, mais aussi par la Communauté de l’Emmanuel qu’il avait rejointe. Elle fut sa famille proche ces dernières années et jusqu’à ses derniers jours.

D’une profonde piété filiale, Raymond, largement septuagénaire, rendait fidèlement visite, au moins chaque dimanche après-midi, à sa mère centenaire retirée dans une maison pour personnes âgées.

C’est très jeune que Raymond entendit pour la première fois un appel au sacerdoce qui le conduisit à entrer au petit séminaire Saint Apollinaire. Dans son bureau à Fresneau, une photo de classe des années 1940 le montrait, à l’âge 10-12 ans, au milieu d’une trentaine d’autres jeunes garçons. Octogénaire, il s’amusait à demander à ses visiteurs intrigués de l’identifier parmi tous. Il commentait ensuite simplement: “De toute cette promotion je suis le seul à être allé jusqu’au sacerdoce, par la grâce de Dieu.”

Raymond, prêtre:

Raymond a vécu le sacerdoce comme la grande grâce de sa vie. Il aimait Dieu, il vivait de l’amour de Dieu, il vivait pour faire connaître Dieu et Le faire aimer. D’une grande sensibilité, il avait reçu un don des larmes qui se manifestait souvent, davantage avec les années, lorsqu’il parlait de Dieu ou lorsqu’il compatissait à la souffrance des uns et des autres. C’était un homme de prière et d’adoration eucharistique, la base de tout apostolat. De ses cœur-à-Cœur avec le Seigneur venaient sa joie intérieure, sa capacité d’écoute bienveillante, de discernement et de conseil, de motivation et d’envoi en mission.

Profond, érudit et subtil, il savait aussi s’amuser, organiser de joyeux pèlerinages, emmener des groupes de retraitants dans les moments inattendus de chants, farandole, danse et joie avec une simplicité enfantine, en particulier des groupes de femmes de l’ACJF, comme le rappelaient certaines d’entre elles.

C’était un prêtre heureux, qui donnait envie de l’imiter. Ont ainsi été cités hier soir trois prêtres du diocèse qui avaient d’abord été ses servants de messe: les Pères Paponaud, Pouzin et de Tarlé..   

Raymond avait une grande piété pour la Vierge Marie. Il l’invoquait très souvent et racontait volontiers son intervention un jour pour le sauver. Alors qu’il rentrait  un soir tard du siège de Peuple Libre, de nuit par une rue déserte, il fut agressé par deux hommes qui voulaient lui arracher sa mallette et le dépouiller. Il a alors crié “Marie, Marie !” et trois secondes plus tard surgit une voiture conduite par un ami, dont l’arrivée providentielle mit aussitôt les agresseurs en fuite. Raymond disait toujours y avoir vu la réponse instantanée à son cri de sa “Maman du ciel”.

Raymond, curé de paroisse:

Raymond Peyret s’est beaucoup épanoui dans son rôle de curé de paroisse. Au gré de ses multiples affectations, il s’est chaque fois très vite intégré, conquérant rapidement les cœurs de ses paroissiens. Que de familles gardent le souvenir de son apostolat que ce soit dans le Diois ou ici à Saint-Jean, à Montélimar ou la Roche-de-Glun, à Fauconnière ou Notre-Dame de Fresneau. Accueillant et célébrant, catéchisant et confessant, écoutant et conseillant, priant et adorant, ce pasteur dans l’âme a conquis les cœurs des enfants, des jeunes, des parents, des grands aînés, des plus aisés comme des plus pauvres.

Beaucoup se souviennent de sa bonté envers ceux qui mendiaient en sortie de messe, avec qui il parlait, à qui il donnait une aumône et qu’il invitait de temps à autres pour un repas. Il était aussi très attentif aux malades à qui il rendait visite. Il alla même en hiver jusqu’à Mende en voiture simplement  pour encourager une jeune femme alors hospitalisée, qui en avait grand besoin. Homme des sacrements, beaucoup se rappellent avec reconnaissance un baptême, un mariage, une confession. Tel un curé d’Ars, il montrait à tous le chemin du Ciel, dans l’Eglise, vers le Père, par Jésus, avec Marie, sous l’Esprit-Saint…

Curé de paroisse heureux, Raymond avait d’autres talents que le Seigneur lui fit aussi mettre en œuvre… 

Raymond, journaliste:

Alors que rien ne l’y préparait, le père Raymond Peyret  a consacré une large part de sa vie à la presse et à l’édition. Après avoir été aumônier diocésain des moyens de communications sociales, il a pris, à la demande de son évêque, la direction du Journal diocésain « Peuple libre » qu’il gardera plus d’une décennie. Il a ensuite été délégué épiscopal de l’information et des relations publiques et directeur du périodique du diocèse « Eglise de Valence ».

Ce métier du journalisme est stressant, avec un compte-à-rebours inexorable jusqu’au bon-à-tirer. Homme de Dieu, il le vivait dans un grand calme intérieur fondé sur la prière et l’adoration, se hâtant lentement pour tenir les délais sans perdre la paix. Témoin privilégié de la vie ecclésiale locale, il s’efforçait dans ses articles de discerner avec bienveillance, au-delà de l’écume des jours et des événements, l’œuvre de l’Esprit-Saint se déployant dans son diocèse et dans l’Eglise.

 

Raymond, écrivain:

Raymond Peyret s’est toujours intéressé à la sainteté locale, drômoise. Il a ainsi écrit plusieurs biographies qui ont fait référence, en tout neuf livres:

• Quatre, plusieurs fois rééditées, ont contribué à faire connaître la vie Marthe Robin, proclamée vénérable en 2014. Best-seller traduit dans de nombreuses langues, “Marthe Robin, la joie et la croix”, fut rédigé très vite après sa mort, à la demande de l’évêque du moment, en collectant les témoignages du père Finet et de membres des Foyers. “Petite vie de Marthe Robin, Le secret de Marthe ”, et “Marthe Robin, L’offrande d’une vie” l’ont complété.

 • Raymond a aussi écrit: “Sainte Philippine Duchesne (1769-1852). Une Française pionnière au Missouri” pour faire connaître au grand public cette autre drômoise religieuse du Sacré-Cœur ayant vécu quelques temps à Granes sous la Révolution, et qui à l’âge de 50 ans, est partie en 1818 fonder des écoles et des orphelinats sur les bords du Mississippi, s’efforçant d’évangéliser les indiens Potawatomi. Elle fut canonisée en 1988.

• Les “Psaumes du bonheur” (2016) sont une lecture des psaumes, médités et commentés avec douceur et tendresse, où s’y révèle l’âme contemplative et optimiste de Raymond, homme d’espérance.

• Recteur de Notre-Dame de Fresneau, Raymond a aussi écrit en 2020 une petite histoire du sanctuaire, s’émerveillant de la richesse spirituelle de cet humble pèlerinage drômois. Abordant parfois les nombreux passants qui venaient remplir des bidons d’eau à la fontaine, il leur disait avec son petit sourire: “Savez-vous, ce n’est pas l’eau qui guérit, mais la Sainte Vierge !”

• Son dernier livre paru en 2022 fut “Louise-Marguerite Claret de la Touche (1868-1915), de la mondanité à la sainteté” Il y présente une jeune fille drômoise, ayant grandi à Valence, puis entrée à la Visitation de Romans, déclarée vénérable par le pape Benoît XVI en 2006. Expulsée avec sa communauté en 1905, elle vécut en Italie jusqu’à sa mort en 1915. Bien plus connue en là-bas qu’en France, cette mystique avait des entretiens avec Jésus et en a tiré un livre-message pour les prêtres: “Le livre de l’amour infini”. Ce petit traité toucha tant Raymond, qu’âgé alors de 89 ans, il disait que sa lecture avait complètement transformé et renouvelé sa  vie sacerdotale.

 • Enfin, à plus de 90 ans, en EHPAD à l’Olivier, Raymond s’est encore attelé à écrire la biographie de Marie de Valence, une autre mystique valentinoise méconnue du XVII° siècle. Son manuscrit est resté inachevé.

Raymond, prêtre de l’Emmanuel:

Raymond Peyret a rencontré la Communauté de l’Emmanuel à Valence dans les années 1990. Il cherchait alors une famille spirituelle avec qui développer des liens plus étroits entre prêtres et laïcs et avait même écrit comment il la concevait. Alors curé de St Jean, il rencontra des membres de la communauté à Valence, il encouragea et facilita aussitôt leurs initiatives: groupes de prière, temps d’adoration, évangélisations de rue… Il les associa aussi à ses cellules d’évangélisation qui portèrent beaucoup de fruits. Lorsqu’il lut les statuts de la communauté, ce fut pour Raymond une révélation:  “J’y ai trouvé tout ce que je cherchais”, disait-il. Et l’Emmanuel devint ainsi sa deuxième famille…

Prêtre diocésain soutenu par une communauté de frères et soeurs laïcs, Raymond s’abandonna joyeusement aux motions de l’Esprit Saint pour vivre de façon renouvelée les grâces communautaires d’adoration, de compassion et d’évangélisation, déjà inhérentes à sa vie de prêtre. Fidèle à toutes les rencontres communautaires, il trouvait dans la louange et la prière commune, les initiatives missionnaires et caritatives, la complicité fraternelle, un soutien et un enrichissement de son sacerdoce. Les rencontres hebdomadaires en “maisonnée”, les rencontres mensuelles en secteur ou province, les sessions d’été à Paray-le-Monial ont alors rythmé sa vie, tandis qu’il rencontrait dans la communauté des dizaines d’autres prêtres diocésains ou soeurs consacrées vivant selon le même état de vie.

Monseigneur Pierre-Yves Michel lui fit ”le plus beau cadeau de sa vie” en le nommant recteur du sanctuaire de Notre-Dame de Fresneau, et c’est un ménage de communautaires, Régis et Véronique Breysse, qui vint alors s’installer sur place pour l’assister pendant plus de quatre ans dans sa mission. Et c’est un autre ménage, Pierre et Christine Costaz, qu’il choisit comme référent et qui se mit à son service pendant ses dernières années à l’Olivier. Ainsi Dieu lui avait donné la communauté pour famille: il fut entouré de frères et sœurs attentionnés jusqu’à sa dernière heure.  

Raymond, configuré au Christ:

Son séjour à Fresneau fut pour Raymond une retraite dans l’antichambre du Ciel. Il priait, adorait, confessait, célébrait. Son rêve était d’y mourir pendant la messe un jour de fête mariale, et il voyait approcher chaque solennité mariale avec gourmandise. Serait-ce cette fois-ci ? Quand son état de santé contraignit Monseigneur Michel à le prier de se retirer à l’Olivier, Raymond eut beaucoup de peine à s’y habituer. Il lui proposait régulièrement de reprendre du service en un lieu ou l’autre, se désolant de ne pouvoir mieux servir l’Eglise. Ces trois années en Ehpad furent celles du dépouillement. Privé de visite pendant le covid, ayant l’impression d’être un peu abandonné ensuite, bien qu’étant le résident le plus visité de l’Ehpad, il vécut avec abnégation mais douloureusement le déclin progressif de ses forces puis la trahison de son corps. Saint homme de Dieu toute sa vie, il était assailli de scrupules à l’approche de la mort et se lamentait régulièrement: “Mais mon péché, mais mon péché…” disait-il. La paix ne lui fut rendue qu’après avoir reçu le sacrement des malades. Devenu totalement dépendant, ayant perdu tous ses repères, sensible seulement à la main qui le serrait, il finit par s’abandonner au Seigneur.

Merci Seigneur pour Raymond, le Père Raymond Peyret, qui toute sa vie s’était efforcé d’être pour nous un peu Ton visage. Il nous a exhortés,  par la parole et par exemple, à Te connaître et à T’aimer, à Te prier et Te louer, à Te reconnaître et Te servir dans nos frères et sœurs. Il nous a montré le chemin du Ciel et, en bon guide, est passé le premier. Donne-nous à tous d’être réunis un jour avec lui dans Ton paradis où nous pourrons te rendre grâce éternellement pour tout ce que tu auras fait pour nous au long de notre vie, y compris en nous donnant ton serviteur Raymond Peyret.

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