Comment prendre soin de sa vie intérieure ?

(et de celle de nos enfants ou des jeunes qui nous sont confiés)

Qu’est-ce que la vie intérieure ? Pourquoi faut-il la développer ? Comment s’ouvrir à sa propre vie intérieure ? Pour répondre à ces questions, Emmanuel Education propose à tous de suivre un parcours de 4 soirées (en visio) les 19 octobre, 25 janvier, 15 mars et 10 mai prochains, avec le psychanalyste et essayiste Jean-Guilhem Xerri. Un parcours qui suit la pédagogie des fondamentaux de la vie spirituelle selon les pères du Ier siècle du christianisme. Interview.

Par quoi allez-vous commencer ce parcours ?

La première soirée sera consacrée à la vision chrétienne de l’homme. J’aime bien dire que l’homme est en 3D : corps, esprit et psychisme. Qu’est-ce qui distingue ces trois dimensions ? Qu’est-ce qui fait unité ? Comment s’articulent-elles les unes aux autres ? L’enjeu de la vie chrétienne c’est bien de vivre en 3D et pas seulement en 2 dimensions.

JG Xerri ok

Quelle est la dimension que l’on met de côté lorsqu’on vit en 2D ?

Les deux dimensions qu’on ne peut pas évincer de notre vie ce sont la dimension corporelle et la dimension psychique. En revanche, la vie spirituelle est optionnelle, elle sollicite notre liberté. Par défaut, on fonctionne en 2D.

Que va-t-il se passer au cours des 3 soirées suivantes ?

Le cadre étant posé, nous allons ensuite consacrer les soirées suivantes aux trois piliers de la vie chrétienne : la sobriété, l’ouverture aux autres, la méditation. En jargon catholique, on parlerait plus d’ascèse ou de jeûne, de charité et de partage et enfin de prière et d’oraison.

Pour les pères de l’église, fondateurs de la tradition chrétienne, il n’y pas de vie spirituelle si on n’investit pas ces 3 piliers. Il faut les voir comme un tabouret à trois pieds : s’il manque un pied, le tabouret ne tient pas debout.

On parle beaucoup de méditation aujourd’hui, ce qui est bien. Le problème c’est que c’est le seul chemin proposé, il manque les deux autres. Il manque un pied au tabouret. Si je n’investis que le champ de la méditation, je risque de m’isoler dans ma grotte, de me centrer sur moi-même et de développer une forme de narcissisme. Si je ne suis qu’à l’extérieur de moi-même, je risque de m’épuiser et d’aller dans le burn-out. Si je ne suis que dans l’ascèse, la sobriété et la recherche d’une hygiène de vie parfaite, je vais me transformer en performeur de l’ascèse.

Or, la vie chrétienne est un équilibre. Il faut équilibrer ces trois dimensions et s’interroger sur les dimensions auxquelles je dois porter attention : est-ce de dormir ? de moins travailler ? de me déconnecter de mes écrans ? etc…

Couv La vie profondeVous avez écrit différents ouvrages. Dans La vie profonde, vous consacrez un chapitre entier au sommeil, par exemple.

Notons que La vie profonde se veut être un guide de vie spirituelle. Respecter nos rythmes, notre nature c’est déjà investir le champ de sa vie spirituelle. Le risque de toute vie spirituelle c’est de penser qu’elle n’est que spirituelle. Or, tout peut être une occasion de vivre une expérience spirituelle : 

Manger pour rendre grâce, vivre un moment de partage, de charité, d’hospitalité

S’endormir est une expérience spirituelle de détachement et d’abandon. Symboliquement, dormir, revient à s’abandonner à la mort et à Dieu. Il n’y a pas plus spirituel que de s’endormir, or, la plupart du temps, nous n’y prêtons pas attention.

S’éveiller, c’est revenir à la vie. C’est une anticipation de la résurrection.

Selon les pères du désert, notre vie spirituelle s’appuie entièrement sur notre nature humaine, preuve que nous sommes faits pour développer une vie spirituelle incarnée. On peut dire, bien sûr, que la vie spirituelle est complètement désincarnée mais ce n’est pas chrétien. C’est une autre manière de penser la vie spirituelle.

Est-ce que la vie spirituelle est aujourd’hui la grande oubliée de nos sociétés contemporaines et comment l’expliquez-vous ?

Oui, la vie spirituelle est la grande oubliée et, en même temps, depuis une trentaine d’années, on assiste à un retour de la vie intérieure, pas forcément spirituelle. Pourquoi ? Parce que nous avons un mode de vie qui nous maltraite intérieurement comme rarement dans l’histoire de l’humanité : on peut citer ici l’hyper matérialisme, l’accès au numérique qui nous apporte une forte distraction au sens cognitif du terme, l’éloignement, voire même la coupure de la nature… Plus on s’éloigne de la nature, de ses rythmes, de ses saisons, de son alternance entre le jour et la nuit, de ses cycles de reproduction… plus on s’éloigne de nous-mêmes et, en cascade, plus on s’éloigne de la vie intérieure.

Le retour à la vie intérieure que l’on observe aujourd’hui est-il vécu de manière excessive ?

Non, je ne dirai pas ça. Cela renvoie à la différence entre vie spirituelle et vie intérieure. Dans la vie intérieure, je distingue, d’une part, le volet psychologique (ou le psychisme), d’autre part la vie spirituelle non chrétienne et enfin, la vie spirituelle chrétienne. Il n’y a pas de jugement de valeurs, simplement, on ne vit pas la même expérience à chacun de ces niveaux.

Au niveau psychologique, l’expérience vécue rejoint la réalité émotionnelle et la réalité intellectuelle (par exemple, se reconnecter avec la nature, la gestion des émotions, la respiration ventrale…)

L’expérience spirituelle non chrétienne renvoie à l’expérience qu’il y a quelque chose de plus grand que moi. La plupart de nos contemporains font cette expérience, par exemple, devant la beauté d’un paysage. Quand on dit : « je me sens tout petit » cela signifie, qu’en fait, il y a plus grand que moi. Souvent les parents vivent cela au moment de la naissance de leurs enfants. Ils disent que cela les dépasse. Le propre du spirituel c’est de tâtonner, de chercher, de s’écouter, de se demander comment dire le beau, la vie, l’amour ? Nous n’avons pas les mots, ou nous ne les avons pas suffisamment. Cela reste incomplet. C’est pour cette raison que, toutes les traditions spirituelles non chrétiennes ont inventé les rites, les symboles, les livres sacrés, les paraboles etc.. : pour dire avec l’intelligence rationnelle, à travers d’autres canaux que la parole, ce que nous n’arrivons pas à dire avec les mots.

On pense souvent que la vie spirituelle est irrationnelle. Vous n’êtes pas d’accord avec cela, vous préférez dire qu’elle est supra rationnelle. C’est-à-dire ?

La nuance est de taille. Irrationnel dans notre monde, c’est très péjoratif. Supra rationnel cela veut dire au-dessus de la raison, au-delà de ce que je peux comprendre. Il y a en moi quelque chose d’un autre registre qui n’est pas de même nature que le registre psychique.

Et enfin, le troisième volet de la vie intérieure : l’expérience spirituelle chrétienne ?

Dans la vie spirituelle chrétienne, on va considérer que la dimension spirituelle de notre être c’est ce qui nous permet d’être en relation avec le Seigneur, l’Esprit-Saint. Par exemple, quand je m’émerveille devant la vie de mon enfant qui nait, je fais le lien entre cette vie que je donne, qui me dépasse, et la vie que Dieu me donne. C’est le pas d’après : je nomme ce qui est à l’origine. Je confesse Jésus Christ ressuscité.

Lors des soirées Emmanuel Education, vous allez vous adresser principalement à des enseignants, des éducateurs, des personnes qui sont en lien avec les jeunes (même si les soirées sont ouvertes à tous) : que faut-il faire ou comment faut-il être pour amener les jeunes à développer leur vie intérieure, notamment dans sa dimension spirituelle ?

Pour ma part, dans ce parcours, je vais accompagner des adultes. Ce sera à eux, ensuite, à partir de ce qu’ils savent des jeunes, de voir comment éveiller, ouvrir, attirer l’attention des jeunes sur leur vie intérieure.

Un premier pas consiste à leur faire prendre conscience des différentes dimensions de leur personne et les inviter à ne pas développer qu’une partie d’eux-mêmes, mais à se déployer complètement et pleinement, au maximum de leurs capacités, tant sur le plan corporel que psychique et évidemment spirituel.

Un deuxième pas consiste à dire que prendre soin de sa vie spirituelle c’est faire attention à ce qui pourrait la polluer : l’excès ou la démesure (en opposition à la sobriété) ; se regarder le nombril (en opposition à l’ouverture à l’autre, jusque dans une expérience de gratuité) ; vivre dans la bruit et l’agitation permanente (en opposition au besoin d’un lieu d’ancrage).

Ces trois fondamentaux sont vrais à tous âges mais leurs modalités varient et c’est là où le regard de l’éducateur va être intéressant : quelles sont les bonnes modalités d’ancrage, adaptées aux jeunes d’aujourd’hui ?

Pour accompagner les jeunes vers cela, il faut soi-même savoir de quoi on parle ?

Oui, l’intérêt de ces soirées c’est d’attirer l’attention des adultes sur leur propre vie intérieure et spirituelle. Si je ne suis pas moi-même ancré, si j’en suis à me regarder le nombril, si je suis pris dans la démesure, quelle qu’elle soit, je ne pourrai pas toucher les jeunes. C’est tout l’enjeu du témoignage : il faut témoigner et en parler !

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Emmanuel Education

S’inscrire aux 4 soirées en visio les 19 octobre 2022, 25 janvier, 15 mars et 10 mai 2023 : 


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Pour aller plus loin :

  • La vie profonde, la santé spirituelle au quotidien, Jean-Guilhem Xerri, Editions du Cerf, 2021.
  • (Re)vivez de l’intérieur, Jean-Guilhem Xerri, Editions du Cerf, 2019.
  • Prenez soin de votre âme, petit traité d’écologie intérieure, Jean-Guilhem Xerri, Editions du Cerf, 2018.

Et aussi…

Tract we enseignants et educateurs 2022 1

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