Quelle vision avons-nous de notre vie chrétienne dans un établissement scolaire ? Non pas de la vie des élèves, mais de notre vie à nous ! Non pas dans les autres établissements, mais dans celui où nous sommes ? Qu’il soit catholique sous contrat ou public, qu’il soit privé hors contrat, confessionnel ou non. Si nous partons de nous, en tant que baptisés, est-ce que nous nous autorisons seulement à un début de vision de notre rôle pastoral ? Quelle espérance portons-nous ?
La vision pastorale commence dans un acte de foi : la foi en l’action possible de Dieu dans les cœurs.
La foi dans notre baptême : ce jour-là, nous avons revêtu le Christ (Ga 3,27) et reçu l’Esprit-Saint par un bain qui purifie, sanctifie et justifie (CEC 1227). Parce qu’il est venu habiter en nous par le baptême, nous sommes appelés à le faire rayonner d’une manière ou d’une autre là où nous vivons. Comment y parvenir ? C’est tout l’objet de la conversion pastorale.
L’Esprit-Saint n’habite pas seulement le cœur des baptisés. Il y a, certes, une présence sacramentelle spécifique en ceux qui ont reçu le baptême, la confirmation, l’Eucharistie. Mais l’Esprit souffle où il veut et, de fait, nous le voyons souvent agir dans le cœur de personnes qui ne sont pas baptisées. Les béatitudes sont là pour nous apprendre à ouvrir les yeux sur cette action de Dieu dans les cœurs de pauvres, les cœurs purs, justes, doux et humbles, affligés, etc. Seule la dernière béatitude concerne spécifiquement les baptisés (bienheureux serez-vous si l’on vous persécute à cause de moi). La conversion pastorale, en s’appuyant sur un acte de foi, consiste d’abord à ouvrir les yeux sur l’action de Dieu dans les cœurs de ceux avec qui nous vivons.
Nous ne partons jamais de rien. Même si nous nous croyons dans un désert, il y a, çà et là, des petites plantes qui poussent, on ne sait comment. Apprenons à ouvrir les yeux de la foi pour les voir, pour louer Dieu, pour les cultiver, les encourager.
A partir de cette vision positive donnée par notre écoute de l’Esprit-Saint, nous découvrons que nous avons des frères et des sœurs, nous nous ouvrons à une fraternité insoupçonnée, informelle, celle que Dieu a préparée pour nous. Alors, quelque chose en nous peut se délier : ne devons-nous pas nous délier pour nous relier ?
Ensuite, concrètement, nous allons voir des portes s’ouvrir et, selon les situations, elles seront très différentes. Quelle que soit la situation, deux points d’attention sont absolument inséparables : l’annonce du salut en Jésus-Christ et l’écoute. Comment peut-on annoncer le Rédempteur si l’on n’a pas d’abord écouté ? Comment peut-on parler de salut si l’on ne sait pas de quoi l’interlocuteur a besoin d’être sauvé ? Certes, le Christ vient nous sauver de la mort et du péché, mais concrètement, il est perçu comme Sauveur par rapport à un mal précis concernant le boiteux, l’aveugle, le sourd, le muet, le paralytique, etc. Nous devons donc d’abord savoir de quel mal souffrent ceux vers qui le Christ nous envoie.
Les cœurs ne se livrent pas sans un dialogue patient dans une amitié gratuite. Et peut-être que, malgré la patience et l’amitié gratuite, certains cœurs ne se livreront pas. Ou pas à nous. Cela ne nous appartient pas. Il n’y a pas de conversion pastorale sans ce nécessaire dépouillement.
Cela nécessite-t-il des lieux pour parler ? Oui, mais les lieux, on finit toujours par les trouver. Il nous faut surtout donner notre temps. Souvent, au moment où nous ne l’avons pas choisi. Notre temps, ce que nous avons de plus cher ! Dans ma longue vie d’enseignant, j’ai toujours été admiratif de ceux qui savaient donner leur temps gratuitement, et j’en ai rencontré de toutes les professions. Je me souviens bien de certains éducateurs, de certains chefs d’établissement, de certains enseignants, de certains ouvriers travaillant sur place, de certains membres du personnel administratif. Le don mutuel de notre temps nous ouvrait la porte des dialogues essentiels.
Bernard de Castéra
