Pierre Goursat et Charles de Foucauld

Quel lien peut-on faire entre Charles de Foucauld et Pierre Goursat, fondateur de l’Emmanuel ? L’importance qu’ils accordaient à la dimension fraternelle de la foi. Explications du Père Martin Pradère.

Dans son encyclique Fratelli Tutti, le pape François a proposé Charles de Foucauld comme modèle de la fraternité universelle.

« Il a orienté le désir du don total de sa personne à Dieu vers l’identification avec les derniers, les abandonnés, au fond du désert africain. Il exprimait dans ce contexte son aspiration de sentir tout être humain comme un frère ou une sœur, et il demandait à un ami : « Priez Dieu pour que je sois vraiment le frère de toutes les âmes ». Il voulait en définitive être « le frère universel ». Mais c’est seulement en s’identifiant avec les derniers qu’il est parvenu à devenir le frère de tous. Que Dieu inspire ce rêve à chacun d’entre nous. Amen ! »[1]

Pendant les trente ans de sa vie de converti, Charles n’a eu de fait d’autre résolution que celle de suivre Jésus, qu’il appelait son “Bien-Aimé Frère”. Il voulait L’imiter dans Sa vie cachée, Sa recherche de “la dernière place” », de la Crèche à la Croix, et surtout cet Amour brûlant pour les hommes, ses frères (Mt 25, 40) qui L’a conduit au don total de Sa vie pour le salut de tous. Le frère Charles a ainsi de manière frappante relié la spiritualité du Sacré Cœur avec celle de fraternité, au sens de communauté fraternelle[2].

Environ 70 ans plus tard, Pierre Goursat, fondateur de la Communauté de l’Emmanuel allait souligner lui aussi fortement cette dimension fraternelle du Cœur de Jésus, donnant Charles de Foucauld en exemple :

« Alors on peut vraiment se réclamer [du P. de Foucauld] aussi[3] ! Pas uniquement, mais c’est dans une ligne…»[4].

Il connaissait bien l’ermite du Sahara avec qui il avait d’ailleurs beaucoup de points communs : il avait en effet comme lui longtemps évangélisé « en demeurant seul, simple et pauvre adorateur du Christ caché tant dans l’eucharistie que dans le quotidien des hommes simples et pauvres, eux-mêmes cachés (sans le savoir) dans le Sacré Cœur de Jésus, seul Frère universel s’offrant au Père pour le salut de tous les hommes… »[5].

Dans cette notion de fraternité de Jésus, il voyait d’abord la dimension missionnaire, donnant en exemple les « Petits frères de Jésus » du Père Voillaume (+2003), partis dans le monde entier très vite après leur fondation :

« Et j’ai vraiment compris, quand on parle de frère universel que c’était vraiment sur la terre entière ! »[6]

Il admirait chez ceux-ci la pauvreté :

« [Ils] ont vraiment témoigné dans la pauvreté […]  [Les autres] faisaient des choses extraordinaires, (ce qui était vraiment une insulte, pour ces gens pauvres !) [Eux], ils entraient dans la pauvreté de l’intérieur. Ils étaient pauvres avec les pauvres. Alors là, ils pouvaient commencer à en parler ! […] Ça, c’est vraiment un frère universel ! »[7]

Mais il donnait aussi particulièrement en exemple l’humilité de Charles de Foucauld :

« Et c’est une ligne d’humilité Alors lui [Charles], c’était un homme vraiment intelligent, un homme qui avait eu une sacrée volonté, parce que son voyage, vous savez, au Maroc, il fallait vraiment être assez calé et avoir un courage, et tenir le coup dans le désert, la soif, les souffrances… Enfin, vraiment, c’était un homme complet. C’était un joyeux luron aussi. Passons !… Mais c’était vraiment un homme complet… puis il a vraiment trouvé le Seigneur et il s’est abaissé… »[8]

Dans la mouvance de la nouvelle Pentecôte, il souhaitait cependant une évangélisation explicite, où la prière et le témoignage de vie soient accompagnés par la parole :

« Et ça, je sens vraiment qu’on est là [dans la fraternité de Jésus] pour s’enfoncer dans la prière, dans l’adoration, mais aussi, vraiment, pour pouvoir témoigner, annoncer le Seigneur ! Et le Seigneur aux plus pauvres !… »[9]

En cette année où nous fêtons les 50 ans de l’effusion de l’Esprit de Pierre Goursat et de Martine Lafitte Catta[10], demandons à Dieu de nous embraser de ce feu d’un amour fraternel qui devienne universel !

Notes

[1] Pape FRANÇOIS, Fratelli Tutti, 286-287
[2] En 1902, Charles écrit à sa cousine Mme de Bondy: « Je me vois autorisé à fonder une famille religieuse nouvelle sous la règle de saint Augustin sous le nom de ‘Petits frères du Sacré Cœur de Jésus’, destinée à adorer nuit et jour la sainte Eucharistie perpétuellement exposée, dans la solitude et la clôture, dans les pays de mission, dans la pauvreté et le travail » ; cf CHARLES DE FOUCAULD, Lettres et Carnets, p. 160
[3] Avec la petite Thérèse : « Vous avouerez qu’on peut être fiers d’être français quand on a quand même deux saints comme ça ! » dira-t-il dans ce même enseignement aux premiers consacrés de la Fraternité de Jésus ; E027, Retraite de la Fraternité de Jésus, 30-31 décembre 1977.
[4] Idem. Il le redira en 1978 : « Et ce qu’on a senti vraiment c’est qu’on est dans l’esprit, dans la mouvance de Charles de Foucauld », E031, Retraite de la Fraternité de Jésus, août 1978
[5]Cette belle évocation de Charles de Foucauld est empruntée à Marie Claire Vinet, une des premières consacrées de la Fraternité de Jésus, qui a connu Pierre Goursat dans les débuts de la communauté de l’Emmanuel. Elle pourrait s’appliquer aussi à la vie de ce dernier depuis la mort de sa mère en 1941 jusqu’à l’effusion de l’Esprit vécue avec Martine Laffite/Catta en 1972.
[6]E027, Retraite de la Fraternité de Jésus, 30-31 décembre 1977.
[7] Idem
[8] Idem
[9] 10 août 1978, Intervention sur la vocation internationale de la Fraternité, E031D
[10] 3 « On est devenu frère et sœur, dira beaucoup plus tard Martine dans son témoignage » ; cf https://emmanuel.info/debuts-communaute-emmanuel-martine-catta-temoignage/

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IEV n°355 - Charles de Foucauld et Pauline Jaricot - L'Évangile en actes Se procurer le numéro →

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