Père Jean-Baptiste Nadler : de Solesmes à l’Emmanuel

Itinéraire spirituel d’un prêtre

De Solesmes à l’Emmanuel, Jean-Baptiste Nadler, prêtre de l’Emmanuel, revient sur son itinéraire personnel depuis sa conversion et son appel au sacerdoce jusqu’à l’écriture du livre « L’esprit de la messe de Paul VI » paru aux éditions Artège. Un livre dans lequel celui qui ne se prétend pas spécialiste de la liturgie explore différentes pistes pour essayer d’approfondir les trésors liturgiques du Concile Vatican II. Témoignage.

jeanbaptistenadlerIssu d’une famille pratiquante, c’est à 14 ans que le jeune Jean-Baptiste rencontre le Seigneur : « Une effusion de l’Esprit-Saint très forte au cours de laquelle je reçois à la fois l’amour et la confiance dans l’Eglise à travers une relation vivante avec Jésus, et l’appel au sacerdoce, que j’envisage immédiatement dans une communauté. A partir de ce moment-là, je n’allais plus à la messe à la demande de mes parents mais pour Jésus, car la liturgie était devenue une nourriture. »

Il connait le Renouveau Charismatique mais pas encore la Communauté de l’Emmanuel. Un de ses oncles, à qui il va régulièrement rendre visite en famille, est moine à l’Abbaye de Solesmes*. « J’ai réalisé que mon oncle vivait dans un monastère et donc en communauté. Je me suis alors intéressé de près à la vie monastique. Ce qui m’a attiré le plus à Solesmes, ce n’était pas le latin ni même le grégorien, mais la radicalité de l’amour de Jésus et de l’union avec Jésus dans la vie monastique. »

A 19 ans, après un an d’études à Paris, il entre à l’Abbaye de Solesmes. Il y restera un peu moins de 2 ans : « Cela a été ma formation, mon école spirituelle, notamment sur le plan liturgique puisque Solesmes est un haut-lieu de la vie liturgique qui bénéficie de l’héritage de Don Guéranger, refondateur de l’Abbaye et restaurateur de l’ordre des bénédictins en France dans les années 1830. Il est l’un des initiateurs du Mouvement Liturgique dont le Concile Vatican II est l’aboutissement. »

Au cours de ces deux années, il fait son service militaire au sein de l’aumônerie d’un hôpital militaire parisien : « En militaire la journée, en moine le soir ! » dit-il en souriant. « Cette expérience – visiter les malades, leur apporter la communion, accompagner les mourants, assister à la levée des corps et la fermeture des cercueils, rencontrer les familles – m’a fait goûter aux joies de la vie pastorale, qui ne fait pas partie de la vie monastique. »  

Quelques mois plus tard, le futur prêtre comprend que si le Seigneur l’appelle toujours au sacerdoce, en communauté, cet appel est à vivre au cœur du monde. Il sort alors du monastère. Mais alors, où aller ? « J’ai eu deux signes assez forts pour la Communauté de l’Emmanuel que je ne connaissais pas. D’abord les retrouvailles avec un ami d’enfance, alors en propédeutique dans la Communauté de l’Emmanuel, puis lors d’un échange avec un moine de Solesmes qui m’a parlé des prêtres de l’Emmanuel. J’ai vu vraiment un signe de l’Esprit-Saint de savoir que la Communauté de l’Emmanuel était très appréciée à Solesmes. »

Le jeune homme découvre que Solesmes, qui rassemble des hommes choisissant une vie contemplative, et l’Emmanuel, qui rassemble des hommes et des femmes de tous les états de vie choisissant une vie au cœur du monde, partagent un même amour de l’Eglise et un même amour du Seigneur : « Ce sont des communautés sœurs : même confiance dans l’Eglise et même obéissance, profonde, au magistère de l’Eglise, quel que soit le sujet. Pour moi, cela constitue un fil rouge dans mon itinéraire. »

Après un passage au séminaire de Rennes, Jean-Baptiste Nadler entre dans la Communauté de l’Emmanuel et sera ordonné prêtre en 2005, 8 ans après avoir quitté Solesmes où il avait découvert le grégorien : « A Solesmes, au bout d’un an, j’ai eu un déclic pour le grégorien. C’est une culture musicale très ancienne datant du VIIIème et du IXème siècle. C’est une véritable prière dans laquelle la mélodie porte le texte et dont le but est de permettre une méditation de la Parole de Dieu, comme une lectio divina. A Solesmes, le grégorien c’est 7h par jour, tous les jours… Quand j’ai découvert l’Emmanuel, j’ai été très sensible au fait que les chants de la Communauté mettent en musique la Parole de Dieu de manière directe, grâce à une lecture amoureuse de la Bible des frères et sœurs compositeurs. Je vois clairement une continuité avec le grégorien, pas sur la forme, bien sûr, mais sur le fond. »  

De cet attachement à la liturgie est né un livre, paru il y a quelques semaines aux éditions Artège, L’esprit de la messe de Paul VI. Il repose sur deux fondamentaux : la nécessité de se former pour ne pas en rester à des opinions personnelles, comme le demande d’ailleurs le Pape dans sa dernière lettre apostolique Desiderio desideravi, et l’obéissance aux normes liturgiques dans la grâce de l’effusion de l’Esprit-Saint. Autrement dit, il ne s’agit pas seulement d’appliquer les règles mais de prier en les appliquant. « J’ai une conviction profonde, c’est que le Concile Vatican II vient de l’Esprit-Saint et qu’il nous faut obéir à l’Esprit-Saint pour le bien de l’Eglise, certains que cela portera du fruit. »

Ainsi, dans son livre, le père Jean-Baptiste Nadler explore différentes pistes et fait des propositions, qu’il n’a d’ailleurs pas toutes essayées dans sa paroisse, pour mieux célébrer la messe, encourager la formation de tous et ainsi favoriser la « participation pleine, consciente et active des fidèles » clé fondamentale de compréhension du Concile : « Le but du Concile c’est la croissance spirituelle de tout le peuple chrétien. Puisque la liturgie est la source et le sommet de toute vie chrétienne, le but de la restauration liturgique c’est la participation pleine – chacun fait tout ce qu’il a à faire – consciente – le fidèle se forme intellectuellement mais aussi avec le cœur pour faire de la liturgie une nourriture spirituelle – et active – il s’agit que tout notre être soit uni à Jésus dans le mystère pascal. »

Alors, lorsque le Concile affirme explicitement que le chant grégorien est le chant propre de l’Eglise latine (Sacrosanctum Concilium n°116), le père Jean-Baptiste se demande comment honorer cette exigence : « Il ne s’agit pas d’enlever les chants de l’Emmanuel, dont les fruits pour l’Eglise ne sont plus à démontrer, mais d’ajouter du grégorien à certains moments précis de la messe : l’encensement de l’autel après la procession d’entrée pour favoriser l’entrée en prière de tous, l’offertoire ou après la communion, en introduction à l’action de grâce silencieuse, car « après la communion, le silence permet la louange et la prière intérieure ». Pour contrer la difficulté du grégorien, ces chants peuvent être chantés par un petit chœur sans que cela n’enlève rien à l’Assemblée qui chante déjà. Quant au latin, plus guère enseigné, le père Jean-Baptiste suggère une traduction à la manière des chants de Taizé.

D’autres propositions sur la proclamation de la Parole de Dieu, l’homélie ou encore la célébration vers l’Orient et la position du prêtre à l’autel émaillent ce livre : « Il s’agit d’aborder toutes ces questions liturgiques, même sur des formes qui paraissent anciennes, avec un esprit nouveau et détendu qui respecte l’esprit communautaire de la liturgie, lieu où tout individualisme est à bannir. » car rappelle-t-il « il faut toujours se demander si cela aide les gens à prier. »

Photo couverture Lesprit de la messe de Paul VI
L’esprit de la messe de Paul VI 

Père Jean-Baptiste Nadler 

Editions Artège 

*L’abbaye de Solesmes rassemble des moines bénédictins qui célèbrent la messe Paul VI en latin et chantent en grégorien, à la demande explicite du pape Paul VI.

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