La fête de Pâques est-elle le début de vacances spirituelles après le Carême ? Le Père Jean-Baptiste Siboulet (vicaire à Sainte-Madeleine à Nantes) a encouragé ses paroissiens dans une homélie tonique à recevoir l’Esprit Saint pour partir en mission, comme le Christ nous le demande.
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Retranscription de l’homélie :
Lors d’un enseignement la semaine dernière, l’orateur nous faisait remarquer que le temps pascal durait plus longtemps que le carême. Parce que disait-il, c’est un temps qui est plus compliqué à vivre. Qu’il est plus difficile d’intégrer la grâce de ce temps pascal.
Alors moi, ça m’a réveillé parce que je crois que dans ma tête le temps Pascal, c’était un temps où je pouvais me la couler douce, sans scrupules. Pendant l’année, on peut parfois se la couler douce, mais on a des scrupules. Et là, enfin, on a cinquante jours, on peut avoir les doigts de pieds en éventail, pas de scrupules, on laisse couler. Mais en fait, c’est pas comme ça qu’il faut vivre le temps Pascal, je l’ai appris. Vous voyez, c’est un temps qui doit être actif. Le carême, c’est un temps où on engage sa volonté pour se convertir. Ici, l’enjeu c’est d’accueillir la grâce pour qu’elle transforme notre vie.
Mais on a quand même quelque chose à faire. Il faut l’accueillir, cette grâce. Il faut que notre vie soit transformée. Si la résurrection du Christ ne change rien à notre vie, à quoi ça sert d’être chrétien ?
Et c’est justement ce dont nous parle cet évangile.
Les apôtres ont reçu l’annonce par Marie Madeleine de la résurrection du Christ. Qu’est-ce que ça change pour eux ? Rien du tout !
Ils vont s’enfermer dans une salle par peur des juifs. Ils n’ont pas été à la hauteur dans la passion du Christ, ils ne sont toujours pas à la hauteur dans la résurrection du Christ. Vous voyez un peu le niveau des gars ! Bon, en fait, nous, on est pareils. Donc ne rigolez pas trop, On n’est pas à la hauteur non plus. Parce que nous, on sait que Jésus est ressuscité et ça ne se voit pas toujours. En fait, un des symptômes qui montre qu’on n’a pas pleinement accueilli la grâce de la résurrection, c’est comme les disciples : c’est la peur qui habite parfois nos cœurs.
Moi, je suis frappé, je trouve que dans le temps que nous vivons aujourd’hui, particulièrement en France, ça sent la peur chez les chrétiens. Et ça sent la peur chez moi d’abord. C’est vrai, l’avenir est sombre, l’avenir fait peur. On voit des idéologies mortifères qui viennent tout détruire. On voit que la place de l’Église est de plus en plus réduite, qu’il y a de moins en moins de chrétiens, il y a de moins en moins de de prêtres, que les valeurs morales et que les repères anthropologiques sont en train de s’effondrer. Et en fait, ça fait peur.
Et alors, face à cette peur, consciente ou non, on adopte un peu des logiques de défense, des bastions, on se retrouve entre nous. On dresse des barricades, on essaye de se protéger, et on pense que c’est une manière pour nous de de continuer d’exister. Sauf qu’en fait, ça, c’est une des conséquences de notre peur, voyez. On est comme les apôtres, on s’enferme, on se coupe du monde. Parce qu’on a peur du monde.
Une autre manifestation de cette peur est un peu plus subtile. C’est celle que manifeste Thomas. Thomas. en fait, il n’a pas peur comme les autres. La preuve, il n’est pas enfermé. Lui, il n’a pas peur. Pas des juifs, en tout cas. Il a une autre peur, plus subtile. Il a peur que ce temps de crise que traverse cette petite communauté les fasse complètement dérailler, qu’ils deviennent déraisonnables.
Et quand ils arrivent en disant que Jésus est ressuscité, il se dit « hou la, on se détend, on se calme. Moi, j’ai besoin de vérifier quand même ». Vous voyez, il a peur de ne plus être raisonnable. Et parfois, eh bien, ça peut être aussi une tentation. Une espèce de défiance vis-à-vis de l’Eglise, vis-à-vis du pape, vis-à-vis des évêques en disant « Ils déraillent complet là ! Ils ont tellement peur qu’ils font n’importe quoi. Moi, je vais prendre mes distances ! » Parfois, je me rends compte que le climat de défiance à l’égard du pape et des évêques grandit. Et ce n’est pas bon signe. On a le droit de ne pas être toujours d’accord avec eux. Mais parfois, on refuse de se laisser interpeller sur la radicalité de l’Évangile, et parfois ça nous amène à prendre nos distances avec l’Église. Voyez Thomas, il n’est pas avec les disciples. Du coup, il ne fait pas l’expérience, il ne fait pas la rencontre de Jésus ressuscité, parce ce qu’il n’est pas avec eux. Grâce à Dieu, Il va revenir. Le Christ va venir alors que Thomas est avec les disciples.
Et c’est ça la bonne nouvelle. L’idée de cette homélie, ce n’est pas de culpabiliser tout le monde, ça ne servirait à rien, parce que ce n’est surtout pas le but de l’Évangile. Jésus nous montre qu’Il est capable de venir nous rejoindre, nous rencontrer, jusque dans nos peurs les plus profondes, jusque dans nos enfermements. C’est ça la bonne nouvelle. La miséricorde du Christ va jusque-là, alors même que nous ne sommes pas à la hauteur, eh bien, il vient patiemment nous aider à intégrer cette grâce de la résurrection, cet événement bouleversant de la résurrection.
Et Il est patient. Il revient pour Thomas et Il rentre dans les exigences de Thomas, lui montre les plaies de ses mains, de son côté. Ça, c’est la miséricorde du Christ qui vient nous rejoindre jusque dans nos peurs. Et il y a un mot que le Christ dit trois fois. C’est « paix à vous ». La grâce de la résurrection c’est la paix. Jésus veut chasser les peurs de nos cœurs. Et tant qu’il y a des peurs dans nos cœurs, c’est que nous n’avons pas encore accueilli pleinement cette grâce de la résurrection, cette conviction que la vie est plus forte que la mort, que le Christ a vaincu le mal et que le mal n’aura pas le dernier mot.
Alors, nous sommes invités à présenter ces peurs au Seigneur pour qu’il vienne y mettre la paix. L’Évangile dit qu’il souffla sur eux et leur donna son esprit. C’est le même terme grec qu’au moment de la Genèse, quand Dieu insuffle son haleine de vie, en Adam et en Eve. C’est une re-création. Le Christ nous recrée pour que nous soyons débarrassés de toute crainte et que nous puissions aller dans le monde pour y porter la paix. Il leur confie une mission. Il leur dit « ceux à qui vous remettrez leurs péchés, ils seront remis. Ceux à qui vous les maintiendrez, ils seront maintenus. » Notre mission est d’aller vers ceux qui ne connaissent pas Jésus, qui ne connaissent pas cette paix surnaturelle, pour leur annoncer cette paix, pour leur annoncer l’amour de Dieu, pour leur annoncer le pardon qu’il donne pour tous les péchés. Mais pour ça, Jésus a besoin de nous dehors. Oui, pas seulement en grumeaux, les uns à côté des autres !
Alors il y a une phrase Jésus dans la Bible que je trouve marquante quand il dit « N’ayez pas peur du monde, j’ai vaincu le monde. », il ne s’agit pas d’être naïf sur le monde. Alors déjà, le monde n’est pas qu’une menace. Lorsque les disciples vont aller évangéliser le bassin méditerranéen, ils vont rencontrer la culture grecque et en discutant avec la culture grecque, la philosophie grecque, ça va leur permettre d’approfondir leur propre foi, leur propre compréhension de la Trinité, du mystère du Christ.
Donc le monde n’est pas seulement une menace, mais bien sûr, le monde est blessé. Il y a des forces de mort qui agitent le monde. Nous le savons. Il ne faut pas faire semblant. Les saints et les martyrs qui ont donné leur vie, ils n’ont pas donné leur vie par naïveté en pensant que ça se passerait bien, ils savaient très bien ce qu’ils allaient affronter. Mais ils étaient persuadés que le Christ avait vaincu le mal et que la victoire était du côté du Christ. Ils étaient prêts à donner leur vie en allant dans le monde, sûrs en fait d’être du bon côté. Donc, n’ayons pas peur du monde. N’ayons pas peur d’aller à la rencontre de ceux qui ne connaissent pas le Christ. Peut-être que nous n’en sortirons pas indemnes. Bien sûr que le combat est rugueux ! Mais la victoire est du côté du Christ et l’esprit souffle dans le monde, auprès de ceux qui ne connaissent pas encore le Christ. Je sais que parmi vous, il y a pas mal de voileux qui font de la voile, de l’optimiste, de la planche à voile,… Qu’est ce qui vous fait le plus rêver entre le lac de Grand Lieu et l’océan ? Le lac de Grand lieu, c’est pas très loin, c’est vrai. C’est fermé et sécurisé. Mais ce n’est pas très excitant. Voyez-vous, un vrai voileux, il veut aller au grand large, là où il y a du vent, où il y a du souffle. C’est pareil pour nous, chrétiens. Si on reste entre nous, on va vite s’ennuyer. On a besoin d’aller au large, de laisser l’Esprit s’engouffrer dans nos voiles et d’aller annoncer la paix de Dieu à ce monde qui en a tant besoin.
Je suis très marqué quand je rencontre des chrétiens qui vont servir au Rocher, à Lazare, auprès des pauvres, Ils vont dans les zones de fractures de la société, c’est dur. La mission est dure. Ils y laissent des plumes, mais ils découvrent une joie surnaturelle. Ils ne regrettent jamais ce service. D’être là, auprès des pauvres, auprès de ceux qui souffrent. Parce que c’est là que l’Esprit souffle et donc du coup, souvent leur vie spirituelle s’intensifie.
Alors mes amis, n’ayons pas peur du monde, n’ayons pas peur d’aller à la rencontre de ceux qui ne connaissent pas le Christ. Ils nous attendent ! Et le Christ nous y envoie et nous fait la promesse de son Esprit Saint et nous fait la promesse de sa paix, si nous acceptons de nous laisser envoyer par lui. Amen.