« Le Sacré Cœur, c’est l’intime de Jésus qui se donne »

Le sanctuaire de Paray célèbre les 350 ans des apparitions du Sacré-Cœur. Comment ce jubilé va-t-il se vivre et quelle est l’actualité de son message ? Rencontre avec Etienne Kern, recteur du sanctuaire.

Cet article est paru dans la revue Il est vivant! n°361

Étienne Kern est membre de la communauté de l’Emmanuel depuis 1995. Il a été ordonné prêtre en 2005. D’abord envoyé en mission à Bois-Colombes jusqu’en 2011, il a rejoint ensuite Salvador de Bahia de 2011 à 2017, où il était curé dans un bidonville, les Alagados. Après un semestre sabbatique à Nazareth, il est devenu curé à Aix-en-Provence pendant 4 ans. Il est recteur à Paray-le-Monial depuis 2022.

En arrivant à Paray-le-Monial, il y a un an, quel était votre état d’esprit ?

Pour la première fois, j’étais envoyé dans un lieu de mission que je connaissais très bien. Je suis en effet venu à Paray-le-Monial dès mes 13 ans, en famille. Et 3 ans après, c’est ici que j’ai rencontré le Seigneur. Et je suis revenu ensuite des dizaines de fois. Venir à Paray, c’était donc en quelque sorte un retour aux sources. En même temps, j’ai rapidement fait l’expérience que je connaissais assez mal le message de Paray, même si j’en étais imprégné par ma vie au sein de l’Emmanuel depuis 1995. J’ai redécouvert aussi combien Pierre Goursat, le fondateur de cette Communauté, en venant ici en 1975, a fait preuve d’un grand sens spirituel. Balayant tous les écueils liés notamment aux récupérations politiques et aux représentations erronées du Sacré Cœur, il a su revenir à l’essentiel du message : le Sacré Cœur, c’est le Cœur de Jésus, brûlant du feu d’amour de l’Esprit Saint.

En quoi ce message peut encore nous parler aujourd’hui ?

Nous sommes dans le temps de la compassion. Les gens ont besoin d’être consolés, guéris, aimés et de découvrir l’amour de Dieu et sa miséricorde. L’amour du Cœur de Jésus nous transforme et nous remplit de compassion missionnaire pour nos frères en humanité.

Celui qui boit à la source devient à son tour lui-même une source. Jésus n’a pas dit : « Venez à Paray-le-Monial » mais « Venez à mon cœur », à l’Eucharistie. Car l’expérience du Sacré Cœur de Jésus, on peut la vivre dans l’Eucharistie, n’importe où dans le monde. Les apparitions principales de Jésus à Marguerite-Marie ont d’ailleurs lieu à la chapelle, en présence du Saint Sacrement, exposé ou non. Jésus se plaint de ne pas être aimé dans l’Eucharistie et demande comme lieu de consolation et de réparation la communion fréquente, le premier vendredi du mois et l’institution de la fête du Sacré-Cœur. Jésus a soif qu’on le reçoive avec amour dans le Saint Sacrement.

Comment expliquer ce lien entre Sacré Cœur et Eucharistie ?

Le Sacré Cœur, c’est l’intime de Jésus qui se donne. Et ça, c’est l’Eucharistie : Jésus s’offre au Père en sacrifice. Saint Jean Chrysostome disait : « Lorsque tu t’approches de la coupe du sang, c’est comme si tu venais boire à la source du Cœur de Jésus. » Et Mère Teresa : « Quand on contemple le Cœur de Jésus, on voit combien il nous a aimés dans sa passion ; lorsque l’on contemple l’Eucharistie, on voit combien il nous aime aujourd’hui. » Le cœur est le symbole de l’intime de la personne. Dans la théologie chrétienne, recourir au registre du symbole n’est pas une manière atténuée de parler mais, au contraire, dire et atteindre le réel avec puissance.

Quand Jésus prend le cœur de Marguerite-Marie, c’est symbolique et en même temps physique.

Mais il ne s’agit pas pour nous de nous émerveiller devant l’extraordinaire ou tenter de nous représenter comment les choses se sont passées au niveau physiologique, mais bien d’entrer dans ce qui est signifié en profondeur.

Peut-on dire que le Cœur de Jésus nous révèle Dieu ?

Le Sacré Cœur, c’est le cœur de Dieu qui s’est fait homme. La dimension de l’incarnation est essentielle. Ce n’est pas seulement le cœur de Dieu au sens métaphorique. Dieu est venu nous aimer avec un cœur d’homme, comme l’affirmera le concile Vatican II.

Pourquoi avoir choisi comme thème du jubilé du 350e anniversaire des apparitions de Jésus à Marguerite-Marie : « Rendre amour pour amour » ?

Ce jubilé est une magnifique occasion de se réapproprier le message de Paray, de le désenclaver de là où il a pu parfois s’enliser, et d’en redécouvrir la profondeur et la pertinence pour les temps que nous vivons. Or dans ce message, la dimension de la réparation est très forte. À partir de la deuxième partie du XXe siècle, la théologie catholique s’est sentie un temps mal à l’aise avec cette notion. Aujourd’hui, on redécouvre toute sa force et son actualité. D’une part, le besoin de réparer du cœur de l’homme qui a commis le mal, même s’il est pardonné, est indéniable.

D’autre part, à Paray, Jésus se plaint à Marguerite-Marie des offenses commises par des prêtres envers l’eucharistie. Cette plainte douloureuse trouve un écho tout particulier dans le contexte des abus commis par des prêtres sur des enfants et d’autres personnes, qu’il s’agisse d’abus sexuels, de pouvoir ou de conscience. Je suis profondément convaincu que le message de Paray a quelque chose à nous dire au cœur de cette actualité de l’Église. Paray peut devenir un lieu de guérison, de consolation et de pacification pour les victimes. L’Église pourrait y faire des démarches pour reconnaître le mal commis, et aller de l’avant. Dans la grâce du Cœur de Jésus, il y a cet appel à « réparer », c’est-à-dire à rendre amour pour amour. Or, c’est Jésus seul qui répare par sa Passion et par sa mort en Croix. Nous, nous sommes invités à offrir les mérites de Jésus pour nos péchés et les péchés du monde entier, et à rendre amour pour amour. Voyant combien nous avons été aimés, nous répondons à cet amour non pas sous la pression d’une quelconque injonction morale mais parce que notre cœur est touché : après avoir tellement reçu, je veux rendre à mon tour. Comme dans un débordement du cœur.

Ce jubilé a une dimension internationale assez forte !

En effectuant des recherches, nous avons dénombré plus de 250 congrégations masculines et féminines dans le monde (dont 60 à 70 d’origine française) qui vivent de cette spiritualité du Sacré Cœur.

Sans parler des paroisses et des institutions scolaires qui portent ce nom en France ; et dans le monde, nombreux sont les sanctuaires et basiliques du Sacré-Cœur. Nous avons pris contact avec toutes ces réalités. Bien sûr, au premier chef, avec le Sacré-Cœur de Montmartre, connu dans le monde entier. L’une des perspectives de ce jubilé est de favoriser une réarticulation de tous ces « mondes du Sacré Cœur » avec ce lieu source qu’est Paray. Car cette ville a vocation à inspirer et à nourrir la dévotion au Sacré Cœur dans le monde entier. C’est un peu comme les mouvements du cœur : diastole et systole. Venir à Paray-le-Monial, boire à la source, et devenir moi-même source là où je vis, en rayonnant du Cœur de Jésus.

Quels sont les grands événements de ce jubilé ?

Même si notre volonté n’est pas d’organiser de grands événements, il y a bien sûr quelques grandes dates : l’ouverture du Jubilé par le nonce apostolique en France, le 27 décembre 2023 ; sa fermeture, le 25 juin 2025.

En 2024, quelques rassemblements sont proposés autour des premiers vendredis du mois : début février 2024, une rencontre destinée à honorer la vie consacrée ; du 1er au 5 mai 2024, un colloque sur le thème de la réparation organisé à Rome ; du 7 au 9 juin 2024, les fêtes du Sacré-Cœur, avec cette année, un déploiement particulier et un invité de marque, le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, première ville à être consacrée au Sacré Cœur. Un concours artistique (sculpture, peinture et musique) est aussi organisé.

Nous invitons également les personnes à vivre, là où elles sont, un moment solennisé autour du Cœur de Jésus, quitte à nous inviter, afin de les aider dans cette démarche.

Et quand c’est possible, tout le monde est invité à venir à Paray en pèlerinage. Des démarches seront proposées : par exemple passer la Porte sainte à la chapelle de la Visitation. Tout le monde est bienvenu !

Trois fêtes, issues de révélations privées, sont intimement liées : Julienne du Mont-Cornillon aux XIIe siècle, et la fête du Saint-Sacrement ; Marguerite-Marie au XVIIe siècle, et la fête du Sacré-Cœur ; Faustine, au XXe siècle, et la fête de la Miséricorde Divine.

Le sanctuaire de Paray-le-Monial vit toute l’année.

Des réalités d’Églises très diverses y viennent en pèlerinage, de France et d’ailleurs.

– Pour suivre l’actualité des sanctuaires : sacrecoeur-paray.org

– Pour organiser un pèlerinage à Paray (groupe ou individuel) : 03 58 42 20 42 / sanctuaire@paray.org

– Pour suivre l’actualité du jubilé : sacrecoeur-paray.org/grand-jubile-350-ans

Cet article fait partie du dossier thématique :Sacré Cœur de Jésus – Lui rendre amour pour amour →

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