Pour un prêtre, le cœur de Jésus est un modèle et une source ou puiser sans cesse. Il est invité à apprendre à laisser façonner son propre cœur à l’image de celui du Christ : un cœur doux et humble.
Par ÉTIENNE KERN
Cet article est paru dans la revue Il est vivant! n°363
Pour faire un homme, mon Dieu que c’est long, dit la chanson. Alors, c ’est peu dire que “faire un prêtre”, c’est l’histoire de toute une vie !Recevoir le sacrement de l’ordre ne suffit pas pour transformer de l’intérieur tous les aspects de la vie de celui qui le reçoit. Il s’agit de se laisser former un cœur de pasteur, d’entrer dans la douceur, l’humilité et la compassion du cœur de Jésus. Ainsi s’accomplira la promesse du Seigneur : « Je vous donnerai des pasteurs selon mon cœur, ils vous conduiront avec savoir et intelligence » (Jr 3, 15).Ce n’est pas un hasard si le pape Jean Paul II choisit justement cette parole comme titre de son exhortation apostolique Pastores dabo Vobis sur la formation et la vie des prêtres (1992).
Combien de fois en ai-je fait l’expérience : le prêtre se sanctifie en sanctifiant. En posant humblement les actes ordinaires du ministère – la confession, la célébration de l’Eucharistie, les échanges pastoraux – que le prêtre voit Jésus le modeler et rendre son cœur semblable au sien. C’est la raison pour laquelle saint Jean Paul II institua la journée de prière pour la sanctification des prêtres le jour de la solennité du Sacré-Cœur.
Consoler et stimuler
Le prêtre est appelé à entrer dans les sentiments du cœur de Jésus (voir Ph 2, 5). Pour reprendre les mots du pape François, le prêtre est appelé à « imiter le style de Dieu qui est tendresse, proximité et compassion ». Un prêtre doux et tendre l’est d’abord envers lui-même : « Celui qui est dur pour lui-même, pour qui sera-t-il bon ? » (Si 14, 5).
La charité pastorale de Jésus s’exerce envers les pécheurs endurcis, les enfants agités, les disciples qui ne comprennent pas grand-chose, les pauvres que personne ne voit, les malades… En le contemplant, le prêtre apprend peu à peu du cœur de Jésus à ne pas agir avec rudesse, à cultiver l’amabilité qui présente les exigences de l’amour sans écraser ou faire inutilement souffrir les autres, à trouver les mots d’encouragement qui réconfortent, fortifient, consolent et stimulent. « Il y a toujours une façon de faire moins mal aux gens, même quand on doit leur faire mal », disait Madeleine Delbrêl.
L’exemple de Claude La Colombière
Saisi par le cœur de Jésus, le prêtre pénètre peu à peu dans son humilité. Comment ne pas évoquer l’importance de l’adoration du Saint Sacrement par laquelle le Seigneur nous modèle et nous façonne un cœur de pasteur semblable au sien, doux et humble ? Le cheminement de saint Claude La Colombière est exemplaire à cet égard. Lorsqu’il arrive à Paray en 1675, Claude traverse une douloureuse crise spirituelle, ayant pris conscience de la gravité de son orgueil. Doté de nombreux talents, il ne peut résister à la vanité. En méditant sur la chute de saint Pierre, il découvre qu’il porte en lui « les sources et les semences de tous les vices » et comprend qu’il « n’y a entre [lui] et tous les désordres que la grâce de Dieu qui m’empêche de tomber ».
Venu à Paray-le-Monial pour aider sainte Marguerite-Marie à discerner l’authenticité des apparitions du Sacré-Cœur, il bénéficie en retour des conseils spirituels de la religieuse qui l’invite à « ne jamais retirer le bien de sa source ». Toutes ses qualités doivent être rapportées au Seigneur, source de ses dons
et de sa fécondité. Claude qui a bien conscience de sa pauvreté, entre dans le « parfait oubli de lui-même », seule voie pour entrer dans le cœur de Jésus.
Comme le psalmiste, il peut prier « Non pas à nous, Seigneur, non pas à nous, mais à ton nom, donne la gloire, pour ton amour et ta vérité. » (Psaume 113B, 1).
C’est le temps de la compassion
Finalement, il s’agit d’entrer dans la compassion du cœur de Jésus. Face à un monde marqué par tant d’ingratitudes et d’indifférences envers Dieu, dans une société qui choisit des chemins de malheurs et de mort, il est si facile d’endurcir son cœur, de devenir amer, méprisant ou désespéré. Ce n’est pas le regard que Jésus portait sur les foules : « Jésus vit une grande foule. Il fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger. » (Mc 6, 34).
René Voillaume, fondateur des Petits Frères de Jésus, à l’école de saint Charles de Foucauld avertissait que nous allions entrer « dans une époque de l’histoire du genre humain qui sera le temps de la compassion, dans l’impuissance de trouver les solutions aux problèmes posés.
Il nous faudra plus que jamais nous offrir en intercession, en communion au sacrifice du Seigneur, en nous plongeant en son Eucharistie pour supplier la miséricorde de notre Sauveur de se répandre sur tous les hommes. »
N’y a-t-il pas là comme une feuille de route pour les prêtres, apôtres du cœur de Jésus, face aux si formidables défis qu’ils doivent affronter avec leurs frères et sœurs laïcs ? ¨