La Sobriété, une saine et sainte révolution à mener

« On dit de moi que je suis une superwoman. Moi, j’ai surtout l’impression d’être partout et nulle part à la fois et de survoler ma vie ». C’est comme ça que s’est présentée en consultation une femme qui menait de front vie familiale, vie professionnelle et engagements sociaux.

Ce que ça me dit, c’est qu’aussi essentielle soit-elle, notre vie intérieure est bien fragile. Et que si je ne fais rien, elle risque de disparaître progressivement et moi d’exploser en vol.

C’est pourquoi les Pères du désert, ces pionniers de la vie monastique chrétienne, recommandent de mettre en place une stratégie de « protection de notre intériorité ». Elle a deux objectifs :

  1. Identifier ce qui peut polluer mon intériorité.
  2. Mettre en place une moindre exposition à ces polluants.

Oui protection car danger, les perturbateurs de l’intériorité sont parmi nous !

Comme il existe des perturbateurs endocriniens qui modifient notre équilibre biologique, il existe aussi des « perturbateurs de l’intériorité ». Je les appelle les « pdi ».

Au xxie siècle, les pdi sont le bruit, les écrans, la pub, le gavage d’infos, l’hyperactivité, les appels téléphoniques et les SMS incessants, la pression de l’urgence, l’invasion digitale.

Tout ceci constitue ces pdi qui nous polluent intérieurement. Et comme tous polluants, ils nous rendent malades : ils diminuent nos capacités intellectuelles, affectives, physiques, émotionnelles et spirituelles. Ils nous tournent vers du futile, du superficiel et de l’inutile. Ils nous empêchent d’être dans la non-action ou de rester en place. Ils nous privent de calme, de silence, de stabilité et le plus grave, et c’est là où nos vies intérieures sont concernées, ils abiment notre qualité de présence à soi et aux autres. Oui, la vie intérieure, c’est d’abord une affaire de présence. Ces pdi, en s’accumulant dans nos âmes, accomplissent en vous, lentement mais sûrement, leur œuvre de dispersion mentale et de désagrégation spirituelle.

 

Le quotidien des Pères du désert visait à favoriser leur vie intérieure. Comment ils s’y prenaient ? La première étape est de chercher le nécessaire, la juste mesure, en s’allégeant du superflu, de l’accessoire.

L’objectif pour eux est, je cite, de « ne pas risquer d’être contaminés par l’agitation et le trouble du monde ». Vous vous rendez compte ! Déjà ils parlaient bien de contamination ! Je vous donne un exemple, un de ces Pères du désert qui s’appelait Hésychius, avait l’habitude de dire à ses disciples : « Il est bon que vous sachiez que nous avons des ennemis incorporels, invisibles, malveillants. Et nous, nous ne pouvons pas les vaincre, si ce n’est par la sobriété. » Incroyable non ? Sobriété, oui. Je préfère un synonyme, encore plus clair, la dépollution, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Nous vivons entourés de polluants qui constituent les facteurs de risque pour notre vie intérieure, comme le sont la sédentarité et le tabagisme pour les maladies cardiovasculaires.

Et la dépollution a pour fonction de réduire l’exposition à ces facteurs de risque.

Mais elle fait parfois peur, parce qu’on la comprend comme une privation. Pas du tout ! Le véritable but de la sobriété, c’est de vivifier la vie en vous.

 

Si je résume : il existe des pdi qui polluent notre vie intérieure. Et ils dégradent notre qualité de présence à soi, aux autres et à Dieu. La sobriété / dépollution est la seule vraie révolution à mener aujourd’hui, pour s’en sortir. Elle aura des effets positifs sur notre âme, et aussi sur l’environnement.

 

Une petite invitation que je vous fais : Essayer de trouver par vous-même dans les jours qui viennent quels sont vos pdi à vous, ce qui vous empêche d’être davantage présent ? je vous donne quelques pistes : Plutôt du côté de trop de consommation notamment numérique, d’un excès d’activités ou bien encore de tous ces films intérieurs que vous vous faites ? Je me demande bien ce que vous allez mettre en place pour réduire votre exposition à ces pdi !

 

Notice : Psychanalyste, coach et essayiste, Jean-Guilhem Xerri est ancien interne des Hôpitaux de Paris, diplômé de l’Institut Pasteur et de l’Ecole Supérieure de Commerce de Paris. Il exerce des responsabilités dans l’environnement hospitalier et associatif. Il a été Président de l’association « Aux captifs la libération. » Il est l’auteur de plusieurs livres dont « A quoi sert un chrétien ? » (Cerf, Prix de l’humanisme chrétien 2015), « Prenez soin de votre âme » (Cerf, Prix de la littérature religieuse 2019), « (Re)vivez de l’intérieur » (Cerf) et « La vie profonde ». Sa réflexion porte sur le soin et la vie intérieure. 

 

Jean-Guilhem Xerri

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