Né et élevé dans le protestantisme, David Hockley voit un jour des amis catholiques s’agenouiller devant un tabernacle. C’est pour lui le début d’un long cheminement.
Le passage de la foi évangélique vers l’Église catholique n’est pas une conversion, au sens propre du terme, et c’est d’autant plus vrai pour mon cheminement qui n’a pas été un rejet de mon héritage protestant mais bien au contraire un approfondissement, déclenché par la découverte de la présence de Jésus dans l’eucharistie.
J’ai grandi dans une famille protestante fervente : mes parents étaient missionnaires bénévoles (nous vivions de la Providence), venus évangéliser la France. Lors d’une campagne d’évangélisation, j’ai vu des amis irlandais catholiques faire une génuflexion devant un tabernacle. Je les ai interrogés sur leur geste et ils m’ont expliqué leur foi dans la présence réelle. Jusqu’alors, tous les chrétiens que j’avais rencontrés (y compris les catholiques !) interprétaient la phrase « Ceci est mon corps » de manière métaphorique. Et là, je découvrais des frères dans la foi, vivant une relation réelle avec Dieu, qui croyaient que le pain devient vraiment le Corps du Christ.
Parallèlement, j’avais le sentiment que Dieu me demandait : « Et si je te demandais de devenir catholique ? » Je pris la question comme étant théorique. Néanmoins, après avoir prié, je répondis : « Non pas ma volonté, mais la tienne… » La question de l’eucharistie s’est faite plus pressante et, en me plongeant dans les textes bibliques, j’ai pris conscience d’un fait étonnant : je me targuais, comme protestant, de favoriser le sens premier du texte, mais ici, ce sens premier correspondait… à la foi catholique. Ma foi protestante me poussait à suivre la Bible, où qu’elle me mène. Mais je savais aussi à quel point il était facile d’en tordre le sens, et j’avais vu, au sein des évangéliques, Dieu si puissamment à l’œuvre pendant tant d’années ! Je ne pouvais pas tout rejeter sur la base de ma seule interprétation des textes – même si les quatre récits de la cène et le chapitre 6 de l’évangéliste Jean, pour ne citer que ces textes-là, allaient tous dans le même sens et qu’aucun texte de l’Écriture n’indiquait un sens uniquement symbolique.
C’est pourquoi j’ai décidé de demander à Dieu de me montrer s’il était présent ou non dans le pain et le vin. Je suis allé à la messe, un dimanche matin de novembre, à l’église Saint-Gervais, à Paris. Je ne connaissais rien à la messe, je ne comprenais pas quand me lever ou quoi répondre. Mais les paroles de la liturgie, issues de la Bible, m’étaient familières. Je savais que je ne pouvais pas communier si je ne croyais pas à la présence de Jésus dans l’eucharistie. Et je ne croyais pas encore. Mais j’étais disposé à croire. Alors au moment de la communion je me suis avancé en priant : « Seigneur, montre-moi si tu es présent. » J’ai épié les gestes et paroles de ceux qui me précédaient dans la file, pour ne pas commettre de faux pas, et quand le prêtre m’a présenté l’hostie en disant « le Corps du Christ », j’ai acquiescé de la tête et j’ai communié. Mes jambes ont commencé à trembler et j’ai été pris d’une profonde conviction : Jésus était présent, sous l’apparence du pain et du vin. Sous l’impulsion de cette conviction, j’ai poussé plus loin mes investigations, et j’ai découvert quelque chose que j’ignorais alors complètement : les chrétiens n’avaient pas posé leurs plumes à la fin du Nouveau Testament, mais avaient continué à écrire. Certes, leurs écrits n’avaient pas l’autorité des Écritures, mais ils étaient tout de même un témoignage de ce que ces chrétiens croyaient. Et ils croyaient à la présence réelle ! On m’avait dit que les doctrines catholiques étaient des inventions, le fruit de compromission de l’Église avec les religions païennes. Mais ces premiers chrétiens étaient d’une part pour beaucoup morts martyrs, et d’autre part des disciples de première main des apôtres, qu’ils avaient vus et entendus et surtout dont ils avaient reçu l’enseignement. Je ne pouvais pas croire que ces hommes qui avaient donné leur vie par amour pour le Christ aient pu, tous, de manière unanime et sans que personne ne s’en émeuve, inventer une nouvelle doctrine sur l’eucharistie.
Dieu est vérité. Il ne souffre aucune distance entre ce qu’il dit et ce qui est. Sa Parole est créatrice, elle « ne revient pas sans résultat, […] sans avoir accompli sa mission. » (Is 55,11). Je ne pouvais faire autrement que d’accepter de croire Jésus sur parole quand il disait « Ceci est mon Corps » ou encore « Ma chair est une vraie nourriture, et mon sang est une vraie boisson » (Jn 6,55).
Je n’avais aucun désir de devenir catholique. Je peux même dire que j’ai avancé à reculons. Cette découverte de l’eucharistie était pour moi comme une pièce de puzzle qui prenait sa place, qui donnait une cohérence nouvelle à des passages bibliques que je considérais comme « difficiles », une réponse à des questions sourdes que je n’avais pas conscience de me poser. Mais c’était aussi l’occasion de m’en poser d’autres, et notamment : « Si les catholiques disent vrai concernant l’eucharistie, peut-être est-ce aussi le cas sur d’autres points ?… »
Mais ça, c’est une autre histoire… ¨