Par Maurice Zundel
L’Evangile intérieur, Editions Saint Augustin, 1997 p.81.
Une des questions qui vous touche le plus profondément, c’est sans aucun doute l’avenir de vos enfants. Comment gagneront-ils leur vie, si la situation économique du monde ne subit pas de modification décisive ?
C’est là un aspect du problème qu’il n’est pas entièrement en votre pouvoir de résoudre.
Mais il y en a un autre plus essentiel. Quel sera leur caractère et leur responsabilité, leur influence sur leurs contemporains et leur valeur d’humanité ?
Vous êtes naturellement portés à leur attribuer la plus grande importance, et vous aimez à penser qu’ils réaliseront peut-être ce qu’il ne vous a pas été possible d’accomplir. Vous êtes prêts, en tous cas, à leur donner tout ce qui dépend de vous, pour faire d’eux des hommes qui fassent honneur à leur nom.
Mais par où commencer et sur quels principes édifier cette œuvre d’éducation dont va dépendre l’orientation de toute leur vie ?
J’en nomme un seul, qui me paraît être le plus essentiel : le silence.
C’est en faisant ce qu’il ne faudrait pas faire, en effet, plus qu’en ne faisant pas ce qu’il faudrait faire, c’est par une ingérence maladroite, en d’autres termes, qu’on risque surtout de se tromper ici.
Rien ne serait plus dangereux, à ce point de vue, que de se prendre soi-même pour le modèle que l’enfant doit reproduire, en lui inculquant simplement ses propres manières d’être. Il peut réaliser quelque chose de très différent, sans faire le moins du monde injure à ses parents. On doit même admettre a priori qu’il représente quelque chose d’unique qu’il convient de respecter plus encore que de découvrir.
Il importe, avant tout, de garder à l’enfant toute sa nouveauté, pour que l’expérience de la vie retrouve en lui toute sa fraîcheur.
Il faut l’aider à se trouver, lui apprendre à écouter et à se livrer au Maître intérieur qui le peut seul former en établissant en lui ce que l’Ecriture appelle l’ordre de l’amour.
Le mystère de Jésus vivant en l’Eglise, toutes les richesses de la révélation et de la liturgie, toutes les grâces sacramentelles doivent être assurément, pour un chrétien, au cœur de cette initiation.
Mais il faut que ces dons merveilleux soient toujours proposés à l’enfant avec le souci de ne point blesser le secret virginal de cette rencontre toute personnelle avec l’Hôte bien aimé de l’âme.
L’éducateur ne peut faire plus que de préparer l’enfant à cette mystérieuse confrontation, en lui apportant le rayonnement de sa vie intérieure, en abordant son âme comme un sanctuaire, avec cette réserve divine qui révèle la Présence devant laquelle on s’efface et qui la communique silencieusement. Il faut éviter le bruit, la violence, les cris : tout ce qui excite et tout ce qui extériorise.
L’éducation va de l’âme à l’âme par le truchement du silence.