En Haïti, la foi, rempart contre la peur et le désespoir !

Ces dernières semaines, la situation économique et sociale d’Haïti s’est considérablement dégradée. Grande insécurité et forte inflation y règnent, rendant la vie des haïtiens plus difficile que jamais. Au cœur de l’épreuve, la foi de Ménès et l’espérance de Guerda témoignent de la victoire du Christ ressuscité. Nous les avons rencontrés, avec Marie et Nicolas Vellard, envoyés par Emmanuel Education diriger l’Ecole Professionnelle St Joseph-Artisan (EPSJA) à Port-au-Prince.

« Avec les jeunes, nous avons créé un groupe WhatsApp, et toutes les nuits, à minuit, nous nous réveillons pour prier, ensemble, pour la délivrance de notre pays » me confie Ménès, qui travaille comme directeur-adjoint de l’Ecole Professionnelle St Joseph-Artisan, à Port-au-Prince.

Ménès est haïtien. Sans rien éluder des profondes difficultés que traverse le peuple haïtien, ni l’insécurité, ni la peur de mourir d’une balle perdue, ni la crainte d’être kidnappé, ni l’inflation, ni la faim, Ménès proclame, avec une force qui ne peut venir que de Dieu : « le Seigneur est mon rempart. »

Ce qui frappe, chez Guerda, lorsqu’on la voit pour la première fois, c’est la lumière de son sourire. Comment imaginer que de multiples peurs font partie de son quotidien ?  Comment imaginer qu’elle aurait pu quitter Haïti pour se mettre à l’abri aux Etats-Unis et qu’elle a choisi de rester ? Guerda témoigne, de sa petite voix fluette, que ce que les haïtiens endurent actuellement est une occasion d’expérimenter les trois vertus théologales de foi, d’espérance et de charité : « La foi c’est de savoir que le Seigneur est là, qu’il existe bel et bien, qu’il nous aime et que sa parole est vérité. Dans le psaume 26, aux versets 9 et 10, nous pouvons lire : « Ne me laisse pas, ne m’abandonne pas, Dieu, mon salut ! Mon père et ma mère m’abandonnent ; le Seigneur me reçoit. » Alors, nous croyons que le Seigneur ne nous abandonne pas. C’est là tout le fondement de notre espérance, ainsi que la charité que nous vivons entre nous. Notre foi serait vaine si nous n’espérions pas. »

« Haïti ne va pas mourir ! »

C’est cette même espérance qui conduit Ménès à déclarer : « Haïti ne va pas mourir ! ». Lui non plus n’a pas fui Haïti, alors qu’il en avait la possibilité : « Partir ? pour gagner de l’argent ? La vie, c’est plus qu’une affaire de salaire. Parmi ceux qui avaient les moyens de partir, moins de 10% sont restés. J’ai un visa, oui, j’aurais pu partir. Mais, j’aime mon pays, et je m’y sens utile. Mon travail à l’école, auprès des jeunes que j’aime, c’est plus qu’un métier, c’est une mission. »  

Une belle déclaration d’amour qui n’empêche pas d’être lucide sur la situation du pays : « Les jeunes n’ont plus d’espoir, ils ne rêvent que de partir. Sans la diaspora, combien d’haïtiens seraient morts ? C’est grâce à eux que bon nombre d’entre nous pouvons survivre. »

Survivre, car il s’agit de cela, tant la situation est éprouvante. Nicolas et Marie Vellard, dirigent l’EPSJA, depuis septembre 2021. Ces deux enseignants de toujours sont rentrés en France au début du mois d’octobre 2022 : « La situation devenait trop dangereuse : des gangs ont été armés et financés par différents courants politiques avides de pouvoir, ils se font la guerre entre eux et prennent en otage la population qui ne peut plus se déplacer en sécurité. Les risques de kidnapping sont grands et les rançons demandées, astronomiques. » explique Nicolas.

Marie embraye : « Les écoles n’ont pas ouvert en septembre. La date est chaque fois repoussée, et entre temps la situation a empiré. Il y a des problèmes d’eau, d’approvisionnement de nourriture : quand nous sommes partis en octobre, il n’y avait plus de riz. L’inflation est très forte. »

Ménès confirme : « Le prix du gaz a augmenté de 128% ! Le prix du carburant a plus que doublé. Bon nombre d’haïtiens, qui ont pourtant la chance d’avoir un travail, n’ont pas été payés depuis plusieurs mois. Nous devons cumuler plusieurs emplois pour nous en sortir. »

Pourtant Nicolas m’explique, qu’ici, les gens se contentent de peu : « Ils demandent simplement que le carburant soit moins cher et que les kidnappings s’arrêtent. » Avant d’ajouter : « L’insécurité leur pèse beaucoup. Dans certains quartiers les gens ne sont en sécurité nulle part : les balles traversent les maisons et les toits. La mère d’un élève a eu la main traversée par une balle perdue. Elle était couturière. Elle ne peut plus travailler. » Beaucoup de gens confient avoir peur, tout le temps.  

“Nous ne sommes pas des enfants de la peur, mais des enfants de Dieu.”

(Pape François en décembre 2018 – Visite de diocèses italiens)

Alors, à quelques jours du début de l’Avent, « l’antidote aux peurs », ces paroles du pape François, prononcées en décembre 2018, résonnent singulièrement : « Le Seigneur remet debout, par sa parole. Il le fait par « les deux verbes de l’anti-peur, les deux verbes typiques de l’Avent » : levez-vous et redressez la tête (Luc 21, 28). Si la peur fait rester à terre, le Seigneur vous invite à vous relever ; si les choses négatives poussent à regarder par terre, Jésus nous invite à tourner notre regard vers le ciel, d’où il viendra. Parce que nous ne sommes pas des enfants de la peur, mais des enfants de Dieu. L’Avent est un temps de consolation et d’espérance. »

Ménès, comme Guerda, s’appuient sur la parole de Dieu, en particulier le psaume 22 : « Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. (…) Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure. » Et il prie le Notre Père : « Penser au sens des mots, de chaque mot, m’aide à faire confiance au Seigneur. Je vais à l’Eglise tous les jours. Me nourrir spirituellement est indispensable pour rester en vie. » Indispensable, mais la farine manque. Plus personne ne peut fabriquer d’hosties. « Aujourd’hui, nous utilisons la réserve d’hosties de l’école. A la messe, nous coupons les hosties en deux. Quand il n’y en aura plus, on verra. »

« Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine. »

Matthieu 6,33-34

Vivre au jour le jour est très haïtien, même si la situation renforce cette attitude. Guerda raconte bien comment, pour combattre la peur, les actes de foi et de confiance envers le Seigneur sont à poser chaque jour, parfois même plusieurs fois par jour : « La peur peut nous envahir à n’importe quel endroit. Nous sommes en vie aujourd’hui, mais nous ne savons pas si nous serons là demain. C’est vrai pour tout homme, mais chez nous, cette réalité est plus présente. Alors, chaque jour, nous rendons grâce d’être encore en vie. »

Et lorsqu’un proche meurt, l’action de grâce encore et toujours : « Quand quelqu’un perd la vie, l’entourage souffre, l’amour en prend un sacré coup et souvent cela laisse la place à la rancune, au désir de vengeance, au désir de voir l’autre souffrir ou même mourir … mais ce n’est pas bon pour notre santé spirituelle. Donc, quand une personne meurt, on rend grâce aussi pour sa vie. Face à la tentation de vouloir la mort pour ceux qui nous font du mal, il nous faut chanter, proclamer et protéger la vie ! »  

« Ne nous laissons pas voler l’espérance ! »

(Pape François – 9 février 2017) 

Guerda me partage aussi combien cette exhortation du pape François les accompagne depuis un an : « Ne nous laissons pas voler l’espérance ! »

Et c’est bien d’espérance dont parlent Nicolas et Marie, lorsqu’ils racontent, au fil des anecdotes, la vie à l’EPSJA : « Les élèves ont une telle soif d’apprendre » s’émerveille Marie, pourtant professeur des écoles depuis quelques dizaines d’années. « L’EPSJA est une planche d’espérance pour ces élèves dont certains font parfois 4h de marche à pied pour venir. » se réjouit Nicolas. L’école, créée en 2010, après ce tremblement de terre si destructeur, devient peu à peu franco-haïtienne. « Les haïtiens se l’approprient. Au fil des années, l’exigence dont nous faisons preuve avec les élèves rend notre parole crédible. Les étudiants de l’EPSJA ont désormais la réputation d’être honnêtes et droits, au point que certaines entreprises nous demandent directement des CV. » s’enthousiasme Nicolas.   

Et lorsque Guerda me confie : « Nous sommes comme le peuple au désert, qui attend la Terre Promise… Nous ne voyons pas encore par où la lumière va apparaitre, mais nous savons qu’elle va venir. » je ne peux m’empêcher de penser qu’elle viendra peut-être par l’EPSJA…

INTENTION DE PRIERE :

Nous confions particulièrement à votre prière, Hervé, le directeur technique de l’EPSJA, tous les élèves de cette promotion ainsi que les membres de la Communauté de l’Emmanuel en Haïti.

Ecole Professionnelle St Joseph Artisan 

1€ finance 5 repas à la cantine de l’école

200 € financent une année de scolarité à l’EPSJA.

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Découvrir le blog de Nicolas et Marie Vellard

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