« Je suis passée par plusieurs étapes » Sr. Michaela Borrmann

Allemande, luthérienne, consacrée dans la Communauté du Chemin Neuf, Sr. Michaela est responsable de la Communauté du Chemin Neuf en France-Sud. Elle témoigne de son appel dans cette communauté catholique à vocation œcuménique.

Propos recueillis par LAURENCE DE LOUVENCOURT

Sr Borrmann IEV356Ma rencontre personnelle avec Jésus s’est produite quand j’avais 13 ans dans une église baptiste où j’avais été invitée par des amies de l’école. Je lui ai alors donné ma vie. Ma rencontre personnelle avec Jésus a donc eu lieu dans une autre église que la mienne ! C’est fondateur dans ma vie de foi. Dès ma conversion, je me suis retrouvée dans ces deux mondes : luthérien d’un côté, évangélique de l’autre. Quand je préparais mon bac, j’ai fait aussi la connaissance d’Églises pentecôtistes, et charismatiques libres. Puis, lors de mes études de théologie protestante, j’ai découvert le Renouveau charismatique luthérien. Le baptême dans l’Esprit m’a ouvert de nouveaux horizons. C’était aussi l’époque en Allemagne des grandes « Marches pour Jésus », avec une participation de chrétiens de toutes les Églises. Mais jusqu’à mes 29 ans, je n’avais quasiment jamais rencontré de catholiques. Un jour, j’ai souhaité connaître les exercices de saint Ignace. J’ai rencontré à ce moment-là la responsable de la Communauté du Chemin Neuf en Allemagne qui était une sœur luthérienne. Elle m’a envoyé à l’abbaye de Hautecombe, en France. Et là, j’ai reçu un appel très clair à entrer dans cette Communauté. C’est là que ma rencontre avec l’Église catholique a commencé.

Je suis passée par plusieurs étapes :

• D’abord ce fut le choc : je baignais au quotidien dans un univers autre que le mien. Mon premier choc a été de constater que dans l’Église catholique, seuls les prêtres peuvent confesser. Dans mon Église, la confession et l’absolution ne sont pas liées au ministère mais au baptême. Ainsi, dans le Renouveau catholique luthérien, lors de soirées de réconciliation, on peut aller se confesser auprès de baptisés.

• Est venu ensuite le temps de la découverte et de la curiosité. Pendant une année entière, par exemple, j’ai participé à tous les offices pour connaître la liturgie catholique. Lors d’une retraite des 30 jours en 2005, nous avons appris le premier soir le décès de Jean Paul II. En priant avec mes frères et sœurs, j’ai compris ce que le pape représentait pour un catholique : un père. Quelques jours plus tard, la grande journée de réconciliation de la retraite a correspondu avec l’enterrement de Jean Paul II. Puis la période d’élection de ces 30 jours s’est déroulée pendant le conclave. Et lorsque nous sommes arrivés à l’étape de la résurrection, ce fut l’élection de Benoît XVI ! De plus, depuis longtemps, j’avais des billets pour Rome où je devais témoigner. Or, cela a coïncidé avec l’installation de Benoît XVI. J’ai donc été envoyée à Rome pour représenter ma communauté ! Je rends grâce car cette expérience étonnante m’a permis de découvrir une autre Église de l’intérieur.

• La troisième étape fut celle de l’appropriation. Enrichir sa vie spirituelle du meilleur reçu de l’autre Église : pour moi, ce fut à travers la liturgie, les récits de la vie des saints.

• La dernière étape est celle de la recherche de sa propre identité. Vivre à long terme dans le contexte d’une autre Église, pousse à revenir à ce que l’on est soi-même. Par exemple, le dimanche, je vais au culte de l’Église réformée. En semaine, je prie avec mes frères et sœurs catholiques à la messe. Mais il est important que je puisse aussi me nourrir de ma propre tradition spirituelle, à travers des recherches théologiques aussi. Au Chemin Neuf, nous prions ensemble tous les jours pour l’unité. Avançant ensemble vers le Seigneur, nous cherchons à l’écouter, comprendre ce qu’il nous demande, plutôt que de vouloir savoir qui aurait raison. Il peut y avoir parfois des impasses, mais l’essentiel est de chercher des chemins ensemble dans la prière et de discerner ce qui est le plus ajusté.

La confiance est également un élément essentiel de notre vie fraternelle. Au début, il n’était pas facile pour moi, lors des grandes célébrations catholiques, de voir cette longue procession de prêtres entrer dans l’église. Je me sentais étrangère : c’était comme si le pape et tout le Vatican rentraient ! Pourtant, après quelques années, j’ai remarqué que je ne ressentais plus la même chose. Entretemps, j’avais appris à connaître ces prêtres, personnellement. Ce n’était plus des étrangers, mais mes frères ! Et je sais qu’ils sont heureux que je sois là (chez nous, les prêtres qui sont des religieux font un quatrième vœu pour consacrer leur ministère pour l’unité des chrétiens). Cette confiance fraternelle change tout !

Sur les points plus difficiles, comme l’Eucharistie par exemple, nous expérimentons tous la souffrance de cette séparation (lire pages 24-25). Mais cela renforce notre communion fraternelle car nous portons cette souffrance ensemble devant le Seigneur. Sans l’appel de Dieu, une telle situation serait difficile à vivre au quotidien, sur un plan humain. Et cette vie partagée entre frères et sœurs de différentes Églises au sein d’une même communauté catholique à vocation œcuménique s’appuie sur un socle commun : le baptême dans l’Esprit, cette expérience de l’actualisation des grâces de notre baptême que nous avons tous vécue dans le don de notre vie à Jésus Christ qui nous appelle à le suivre ensemble.

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IEV n°356 - Unité des chrétiens : marcher, prier, travailler ensemble Se procurer le numéro →

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