« Je pratique le commandement de l’amour »

Yvette Irakoze, en mission à Simon de Cyrène, témoigne de la présence continue de Jésus à ses côtés

Arrivée en France en septembre dernier, pour une durée d’un an, Yvette Irakoze a été envoyée en mission par Fidesco au sein de l’association Simon de Cyrène, dans le cadre du volontariat de réciprocité*. Au-delà des difficultés de langue et de culture, la jeune femme burundaise a découvert la joie de vivre au service des plus fragiles. Au point d’envisager un changement de vie professionnelle à son retour au Burundi. Témoignage.

Photo Yvette Simon de Cyrene okC’est avec beaucoup de simplicité qu’Yvette partage son expérience : « Au Burundi, j’habitais déjà en colocation avec 4 jeunes filles handicapées. J’étais très proche d’elles. Ma mission à Simon de Cyrène est comme une continuation de ce que je vivais dans mon pays et j’ai été très heureuse que Fidesco m’envoie ici.

A Simon de Cyrène, nous vivons ensemble avec les personnes en situation de handicap. Ma mission c’est de les aider au quotidien, dès le lever et jusqu’au coucher. Pour moi, ce n’est pas difficile, car j’aime être avec les personnes handicapées. »

Une attitude plutôt rare dans son pays où les personnes handicapées sont encore très souvent ignorées : « Au Burundi, on ignore les personnes handicapées, on n’aime pas les aider et parfois, certaines familles les abandonnent. Alors qu’en France, quand on voit une personne en fauteuil par exemple dans la rue, on se pousse pour la laisser passer. Ce qui me marque en France c’est que les personnes handicapées sont regardées. »  

"Même si je ne suis pas allée à l’adoration, je sais que Jésus est avec et dans les personnes avec qui je vis. Alors, je suis tout le temps avec Jésus."

Depuis septembre, la mission d’Yvette n’a pas été toujours simple : « D’abord à cause de la langue. J’ai appris le français à l’école mais au Burundi, on ne le parle pas. J’ai commencé à le parler quand je suis arrivée ici. Au début, cela m’a bloquée un peu pour m’entendre avec les autres, les comprendre, les connaitre et tout simplement discuter avec eux. Ensuite, j’avais l’impression que les autres avaient peur de me demander des choses car ils craignaient ma réaction. J’ai pu en parler avec les assistants et les responsables de la maison et ils m’ont encouragée à entrer dans un vrai dialogue avec chacun où l’on ose se dire les choses. Cela a été libérateur. Enfin, au début, j’ai trouvé que c’était difficile de continuer à vivre ma relation avec le Seigneur parce que je ne pouvais pas aller à l’adoration tous les jours comme je le faisais au Burundi, ni à la messe. Mais, dans ma mission, j’aide des personnes et, en fait, je pratique le commandement de l’amour que Jésus nous a donné. Et quand je vois ces personnes handicapées, je vois en elles l’image de Jésus. Même si je ne suis pas allée à l’adoration et que je n’ai pas pu prier devant le St Sacrement, je sais que Jésus est avec et dans les personnes avec qui je vis. Alors, je suis en fait tout le temps avec Jésus. »  

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A la question de savoir quelles sont les joies qu’elle expérimente en mission, au-delà des difficultés, le visage d’Yvette s’éclaire et elle confie avec un enthousiasme contagieux : « C’est l’amitié avec les résidents et la confiance que les personnes handicapées m’accordent qui me donnent le plus de joie. Les résidents viennent souvent me parler, se confier à moi car ils n’osent pas forcément se confier à d’autres. : je réalise que ma présence ici aide les autres personnes et cela donne un sens à ma vie. »

A tel point, qu’à son retour au Burundi, prévu en septembre prochain, Yvette envisage de changer de métier : « J’ai fait des études de comptabilité. Je rêvais vraiment de travailler dans les institutions financières. Mais j’ai analysé que si je travaille dans la banque, ce sera pour moi-même, pour gagner ma vie et je ne rencontrerai pas des personnes qui ont vraiment besoin des autres. Car je ne rencontrerai que des personnes qui ont déjà un travail, qui ont de l’argent. Mais si j’ai la chance de pouvoir rester dans le domaine humanitaire, dans la solidarité, ce sera pour moi une occasion de rencontrer des personnes à qui je pourrai être utile et que je pourrai servir. »

La mission est un accélérateur de croissance pour les volontaires, comme le partage Yvette : « Cette mission en France est pour moi une formation humaine et spirituelle. D’abord, j’ai découvert que la pauvreté existe dans tous les pays du monde, y compris en France. Maintenant, je vois vraiment la réalité avec lucidité. Ensuite, les résidents m’ont beaucoup enseignée : je vois que toutes ces personnes ont appris à vivre avec leur handicap et qu’il est possible de rester vivant même quand est lourdement diminué dans ses capacités physiques. Et cela m’interpelle : je sais que si un jour je deviens, moi aussi, handicapée, il y aura un chemin pour accepter la situation pour que la vie et la joie puissent continuer ! »

Enfin, Yvette a bien conscience que son retour au Burundi fait partie à part entière de sa mission : « Là-bas, les gens, surtout les jeunes, pensent que lorsqu’on a la chance de partir en mission, on peut rester en France où la vie est plus facile. Je sais que mon retour sera une opportunité pour évangéliser les jeunes de mon pays qui ont une vie si difficile. Le fait de retourner au pays est vraiment un témoignage pour chacun d’entre eux ! »

* Le volontariat de réciprocité

Depuis quelques années, Fidesco envoie des volontaires au service des plus vulnérables en France. En 2022-2023, 13 jeunes africains sont en mission en France.

Au contact permanent des fractures sociales françaises, ces jeunes habitent en colocation avec des personnes en réinsertion après un parcours de rue, en situation de handicap ou en ferme-école pour accompagner la réinsertion de prisonniers en fin de peine. Ils sont envoyés au sein d’associations partenaires de Fidesco : Le RocherLazareAux Captifs la libérationSources d’envolSimon de Cyrène, le Secours Catholique ou encore, l’Union Diaconale du Var.

Le mot d’Emeric Clair, directeur de Fidesco :

« La mission au loin est la réponse à un appel de l’Église qui concerne des personnes de toutes origines. Elle n’est pas un privilège occidental. Comme les autres, les volontaires du Sud quittent leur pays et leurs habitudes pour servir. Ils partent à la rencontre d’une autre culture, à la rencontre de frères en souffrance ; car si les pays du Sud ont des pauvretés, les pays du Nord en ont aussi. La mise en œuvre du volontariat de réciprocité est portée par l’urgence de construire une culture de la rencontre ! »

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