Qu'ils sont beaux, les parents !
La session a commencé pour moi… bien avant la session ! Joie de découvrir les Frères et Sœurs avec lesquels je suis appelée à servir, Bernard, Florence et Isabelle. Joie de prier ensemble pour la session et tous ceux que nous allons accueillir. Joie de voir le projet se construire, au-delà de toutes nos différences et de nos divergences, sous l’action de l’Esprit-Saint. Nous ne nous connaissions pas avant, ou très peu, et il nous été donné de vivre une vraie fraternité.
Un challenge de taille à cette session : sortir de notre « entre-soi » d’éducateurs « professionnels » et nous ouvrir aux parents… qui sont tout de même les premiers éducateurs de leurs enfants. Comment ouvrir un passage entre ces deux univers parfois si éloignés, celui de la famille et celui de l’école, et construire la communion pour le bien de chaque enfant, de chaque jeune ? Je précise ici que je n’ai moi-même pas d’enfants, que je suis professeur de lycée, dans une matière où les parents demandent peu à me rencontrer. Les parents sont un peu loin de mon univers habituel, ce qui semblait au départ rendre la mission d’autant plus impossible…
Au sein des petits groupes de partage, nous avons cheminé ensemble pendant trois jours, parents et enseignants. Un magnifique temps d’écoute réciproque. Quel choc pour moi de découvrir combien un papa, une maman, peuvent avoir été blessés par les choix objectivement désastreux d’un ou d’une collègue. Une vraie remise en question aussi : être encore davantage attentive à ce que je donne à mes élèves et mes étudiants pour les nourrir : du fast-food… ou du « fait-maison » de qualité ? J’ai cru aussi percevoir chez les parents un vrai soulagement de voir des enseignants, certes avec leurs limites, mais réellement attachés au Christ, et préoccupés du bien de leurs enfants… même dans l’enseignement public !
Pour terminer, je garde dans le cœur le cheminement de ce papa, habité, légitimement, par une colère profonde vis-à-vis de l’enseignante de sa fille. Il a d’abord pu partager sa colère dans le petit groupe. Puis à travers les jeux de rôle qui étaient librement proposés, il a accepté de se livrer davantage. Le fruit a été magnifique : il nous a partagé en fin de session sa décision d’essayer de renouer le contact avec l’enseignante, et de parler avec elle.
Merci, Seigneur, de tout ce que Tu as accompli pendant cette session, et dont nous avons parfois eu la grâce d’être témoins. Merci aussi de tout ce que Tu as accompli dans le secret des cœurs, et qui va porter du fruit en abondance !
Qu'ils sont beaux, nos ados !
Je suis venue à Paray au départ pour servir les 15-17 ans (le parcours Emmanuel Teens), avec le désir de rencontrer nos grands ados dans un cadre différent de celui de nos salles de classe… et je n’ai pas été déçue ! Mais quand on vient à Paray, c’est aussi et avant tout pour se mettre à l’école du Cœur de Jésus (Mt 11, 28). Pour moi, le parcours Emmanuel Education a donc été un plus. Il avait lieu sur le même site que la session ados : j’ai donc pu facilement partager mon temps entre les deux.
Bon d’accord, ce sont des ados cathos, ce qui est un peu particulier pour moi, qui suis dans l’enseignement public. Et pourtant, aucun doute, ce sont bien les mêmes ados que ceux que je côtoie tous les jours : capables de filouter pour se retrouver dans le même groupe de partage que leurs copains, capables de s’éclater sur un tube aussi douteux quant aux paroles que « partenaire particulier », capables de se sentir facilement agressés et de rétorquer un « Ouais, mais madame… » qui annonce toutes les justifications les plus vaseuses… Mais en même temps, j’ai découvert des ados d’une profondeur incroyable, capables de rester en silence pour écouter un enseignement, un témoignage, ou tout simplement Jésus présent dans le Saint-Sacrement exposé. Des ados qui ont parfois de très grands désirs, de très grands talents… mais des ados qui portent aussi parfois de grandes souffrances et des choses très lourdes…
Le moment qui m’a marquée : un partage après la veillée avec un petit groupe de garçons, justement à propos de la chanson « partenaire particulier »… De quoi je me nourris ? Qu’est-ce qui m’habite ? Qu’est-ce que je veux vraiment ? C’est quoi, être libre ?… Mon rôle n’était pas de les convaincre, mais de le leur dire… et là, j’en avais le droit (et même le devoir) ! Ce qui est semé portera du fruit en son temps… Autre moment inoubliable : la cohabitation sonore, pas toujours évidente, parfois en décalage, avec la tente des 12-14 ans juste à côté… Sauf lors de ce moment magique : nous terminions la Messe, et pendant le silence après la communion, la tente d’à côté a entonné du Francis Cabrel : « Je l’aime à mourir, je l’aime à mourir, je l’aime à mourir… »…
Je repars dans mon métier avec une boussole indéréglable : enseigner à l’école du Cœur de Jésus, doux et humble de cœur (le premier enseignement du parcours). Regarder ces jeunes comme Jésus les regarde, avec émerveillement mais aussi avec exigence. Car ils sont précieux, et ils méritent le meilleur de moi-même. Certes, j’en suis incapable : mais il faut que j’apprenne, et que pour cela, je passe de longues heures à regarder le Maître…
Véronique Matthieu