“Ils nous bouffent” s’exclame le Père Jean Baptiste Bienvenu à propos des écrans ! Dans ce guide rafraîchissant qui vient de sortir aux éditions Artège, Jean-Baptiste Bienvenu, prêtre du diocèse de Versailles, membre de la communauté de l’Emmanuel et rédacteur du “Padreblog”, nous invite à réfléchir à notre relation avec les écrans et nous propose des pistes concrètes pour les remettre à leur juste place.
Pourquoi avoir écrit ce livre et pourquoi ce titre provocateur ?
Ce livre part d’un constat personnel : dans ma vie et dans la vie de ceux que je côtoie, nos écrans ont pris une place considérable. Et dans le même temps, chacun sent qu’il manque un art de vivre, un mode d’emploi autour de ces écrans.
Sur le plan pastoral, je vois également les parents de ma génération, qui ont des enfants adolescents et qui se sentent dépassés par la problématique. Les parents ont du mal à se mettre des limites et à en mettre à leurs enfants. Et enfin, chaque année, nous sommes confrontés à l’aumônerie, à un ou deux cas de harcèlement.
Alors comment faire pour que nos écrans soient des serviteurs et pas des maîtres ? Quel art de vivre collectif pouvons nous mettre en place ? Le titre reflète un ressenti général. On voit beaucoup de livres résultant de travaux universitaires assez fouillés. Je voulais plutôt faire un manuel pratique, partant d’un ressenti que beaucoup partagent : les écrans nous bouffent !!
Vous n’hésitez pas à employer le mot “totalitarisme” quand vous parlez des écrans, en quoi sont-ils un obstacle à notre liberté intérieure ?
J’emploie le mot “totalitarisme” car on ne peut plus se passer d’eux ! Le téléphone sert à la fois de GPS, réveil, appareil photo, lieu d’information, espace de divertissement…Tout est concentré à un seul endroit, au point qu’on se dit: « je ne peux plus me passer de la dictature des écrans. »
En disant cela, on ne se situe pas au niveau moral. Ce n’est même pas une question de volonté, c’est un simple constat : le monde est structuré par les écrans et autour d’eux. Rien ne sert alors de culpabiliser. Le premier pas est de se rendre compte que tout est fait pour maximiser notre temps d’écran.
Le deuxième pas consiste à structurer sa vie en retrouvant des outils complémentaires. Par exemple, dans la chambre, en se rachetant un réveil, on gagne la liberté de charger son téléphone ailleurs. La chambre peut alors redevenir un lieu coupé du monde, un lieu pour dormir tranquillement, pour lire, écrire, réfléchir, ne rien faire…
De même, en supprimant toutes les notifications qui ne sont pas importantes, on active son téléphone 3 à 4 fois moins souvent : c’est autant d’énergie gagnée pour faire autre chose.
Comment remettre les écrans à leur juste place ?
Il faut commencer par se demander : quelle est la juste place des écrans ? Ce sont des outils au service de notre liberté et de notre action. Mais à la différence d’une fourchette et de bien des outils manuels, les écrans sont conçus pour agir sur le cerveau: ils activent les circuits neuronaux de la récompense et de l’estime de soi, ils prennent ainsi le pouvoir sur nos vies.
Il faut sans cesse se reposer la question: dans ma vie, quels sont les usages vraiment nécessaires? Pour tout le reste, tout ce qui n’est pas indispensable, mieux vaut choisir de le vivre en dehors des écrans. C’est toujours ça de gagné sur le système. L’exemple de la détente est le plus flagrant: lire, jouer d’un instrument de musique, se promener, tout cela ne vaut-il pas mieux que traîner sur les réseaux sociaux ou se gaver de séries sur Netflix ?
En quoi sont-ils un obstacle à ma vie spirituelle ?
Avec les écrans, on n’attend plus jamais ! On ne s’ennuie plus ! Regardez les gens à l’arrêt de bus, ils ont tous le nez dans leur téléphone ! Les écrans sont une vaste conspiration contre le silence, l’ennui, l’effort.
Or, notre vie spirituelle se nourrit de silence. C’est dans le silence de la prière que petit à petit, nous sommes conformés à Dieu. En priant, nous allons vers celui qui est le Tout-Autre, alors que nos écrans nous ramènent toujours à nous-mêmes. Si nous ne savons plus assumer l’ennui, l’effort, la rugosité, nous n’aurons plus le courage de nous lancer dans la vie spirituelle, qui est âpre et qui demande de la persévérance.
Les familles se sentent souvent dépassées par la question des écrans. Quand les parents eux-mêmes sont accros, comment éduquer les enfants ?
Récemment, devant un groupe d’ados, j’ai demandé : “Levez la main, ceux qui trouvent que leurs parents sont lamentables dans leur rapport aux écrans”. Tout le monde a levé la main !
La question des écrans n’est pas d’abord une question éducative. Nous sommes tous à la même enseigne, nous avons tous à apprendre les uns par les autres. Parents et enfants, nous pouvons devenir les gardiens les uns des autres. Faites un conseil de famille et prenez ensemble des décisions valables pour tous les membres de la famille. Par exemple: pas d’écran dans la chambre, on recharge chacun nos téléphones sur une prise multiple qui reste dans le salon la nuit. Ou encore: pas d’écran à table. Les enfants respecteront d’autant plus les règles s’ils voient que les parents les respectent.
Dans les différents groupes dans lesquels nous évoluons : amis, paroisse, famille… quelles sont les bonnes pratiques à adopter ?
Il n’y a pas de réponse toute faite. Cherchons plutôt à faire fonctionner l’intelligence collective, à définir ensemble les règles qui nous aideront à arriver au but. Ce ne sera pas la même chose dans une colocation étudiante, une paroisse, ou dans le conseil d’administration d’une grande entreprise.
Prenons le temps de réfléchir ensemble, avec humour et bienveillance.
Comment la vie spirituelle peut-elle nous aider à remettre les écrans à leur juste place ?
La prise de conscience que les écrans font écran à notre vie intérieure est essentielle. Se rendre compte du problème nous donne plein d’énergie et de motivation pour reprendre la main. L’enjeu est essentiel: il en va de l’épanouissement de notre vie avec le Christ !