« Ils ne connaissent pas Dieu mais poussent la porte de l’Eglise pour demander le baptême »

Ils ne sont pas allés au catéchisme, n’ont pas d’amis croyants ni de contact avec l’Eglise et pourtant, ils sont de plus en plus nombreux à franchir la porte des églises pour demander le baptême ou un autre sacrement de l’initiation chrétienne.

Le père Jean-Baptiste Siboulet, vicaire à la paroisse Sainte Madeleine à Nantes, en est témoin : depuis le début de ce Carême 2023, il constate une hausse des demandes de baptêmes. Avec étonnement et gratitude, il raconte ces rencontres improbables, source d’une grande espérance et signe que Dieu agit.

JB Siboulet PhotoJe suis dans une paroisse du centre-ville de Nantes où il y a beaucoup de passage, tant sur le parvis qu’à l’intérieur de l’église. Je sais qu’à chaque messe, il y a, dans l’Assemblée, des gens qui n’ont pas l’habitude d’être là et qui sont là par curiosité ou par une attirance qu’ils ont du mal à expliquer. Une fois, un homme vient me voir à la fin de la messe, les larmes aux yeux, et me dit : « Je ne suis pas entré dans une église depuis 30 ans. J’ai entendu les cloches sonner et je me suis senti aspiré dans l’Eglise. » Il a été très touché pendant la messe.

"Depuis le début du Carême, j’ai déjà reçu une dizaine de demandes. En 4 semaines à peine !"

Pour la 2ème année, je m’occupe des étudiants à Nantes à St Nicolas. Depuis l’année dernière, je reçois des demandes de sacrements de l’initiation au moins une fois par mois : baptême, première communion, confirmation. Pour une part, ce sont des personnes qui arrivent de « nulle part ».

Et cette année, de manière assez incroyable et inattendue, depuis le début du Carême, j’ai déjà reçu une dizaine de demandes. En 4 semaines à peine ! A chaque fin de messe étudiante, quelqu’un vient me demander le baptême. Certains n’y connaissent rien et tombent littéralement du ciel ; d’autres sont amenés à la messe par des amis ; d’autres encore ont côtoyé la culture chrétienne sans être baptisé ou en ayant reçu le baptême enfant.

Régulièrement, lors des messes étudiantes, je répète volontiers qu’il n’est jamais trop tard pour recevoir le baptême ni le sacrement de confirmation ni pour faire sa première communion. Et j’invite les gens qui le souhaitent à ne pas hésiter à venir me voir à la fin de la messe. Et je suis toujours surpris car, chaque dimanche, des personnes viennent me parler et me rencontrer. Comme si, de les interpeller, cela légitimait leur demande ou leur donnait un peu de courage pour venir m’aborder.

Dimanche dernier, j’ai annoncé que si certains dans l’assemblée se posaient des questions sur le baptême ou la foi chrétienne, je serais dans tel bar de 17 à 19h le mercredi suivant pour échanger avec eux. Sept personnes sont venues, dont trois qui étaient à la messe pour la première fois de leur vie et qui accompagnaient l’une d’elle dont le petit ami venait de décéder tragiquement. Parmi ces trois jeunes filles, l’une était déjà baptisée mais n’avait jamais rien reçu au niveau de la foi. Une autre a dit être intéressée par le baptême. Pendant la conversation, j’ai compris qu’elles n’avaient aucun contact avec la foi chrétienne ni avec l’Eglise. Elles n’ont pas d’amis étudiants qui soient croyants. Je suis vraiment impressionné par ces personnes que Dieu nous envoie et qui tombent du ciel.

Comment expliquez-vous que ces personnes arrivent jusqu’à l’Eglise avec une soif aussi manifeste ?

Elles arrivent soit à la suite d’un deuil, soit à la suite d’un événement particulier de leur vie, soit parce qu’elles ressentent comme un déclic spirituel, une quête de sens.

Leur demande n’est pas toujours très nette, elles ne savent pas toujours ce qu’elles veulent et ont du mal à mettre des mots sur ce qu’elles cherchent. Leur démarche n’est pas toujours très consciente. Mais dans cette société qui nous propose un avenir si sombre, le baptême apparait comme ce qui peut donner à l’homme une identité, une appartenance, un socle consistant sur lequel bâtir sa vie.

Certains ont vécu une expérience spirituelle, cela arrive. Hier encore, une femme est venue me trouver pour me dire qu’en rentrant dans une église, elle s’était sentie remplie d’amour et saisie par la présence de Dieu. Elle demandait le baptême. Encore une !

Cela est d’autant plus surprenant, humainement parlant, qu’il existe aujourd’hui de multiples portes auxquelles les personnes en quête de sens peuvent aller frapper. Si elles viennent frapper à la porte de l’Eglise, c’est qu’elles ne cherchent pas une réponse psychologique, ni affective mais bien une réponse spirituelle et existentielle.

"Ces rencontres sont pour moi comme une réponse de Dieu qui nous encourage en nous amenant des âmes."

C’est d’ailleurs l’expérience de nombre d’entre elles lorsqu’elles entrent dans une église de goûter à la paix, une paix qui vient répondre à leur doute, leur deuil, leur épreuve, même si elles ne comprennent pas grand-chose à la messe. Cela se joue à un niveau plus profond que le niveau psychologique ou affectif. Des amis prêtres m’ont partagé vivre des expériences similaires dans leur paroisse, dans d’autres villes de France.

Après des années de scandales, dont nous ne sommes pas encore sortis, l’Eglise est entrée dans une œuvre de purification intense et douloureuse. Ces rencontres sont pour moi comme une réponse de Dieu qui nous encourage en nous amenant des âmes. Comme si l’épreuve que traverse l’Eglise portait du fruit mystérieusement. Comme un signe des temps… L’Esprit de Dieu est à l’œuvre.

Comment accueillir ces personnes et leur faire une place dans la durée ?

Ces rencontres-là sont si belles qu’elles m’encouragent à prendre soin des personnes éloignées, des catéchumènes, de ceux qui s’inscrivent au Parcours Alpha. Mais c’est vrai que nos paroisses ne sont pas très équipées pour accueillir ces publics qui arrivent en dehors des schémas classiques.

Je pense que c’est très important que nous, prêtres et fidèles, nous attachions à laisser la porte de nos églises ouvertes : quand je donne rendez-vous dans un bar à ceux qui auraient des questions, que je rappelle que le baptême c’est pour tous quel que soit son âge ou son histoire de vie, je facilite et je rends possible le pas de plus qu’ils doivent faire pour venir me trouver.

Ensuite, cela m’interpelle aussi sur les lieux où je déploie mon énergie. Parfois, j’ai l’impression qu’on met notre énergie là où l’Esprit ne souffle pas. Pour moi, il est très clair que ces personnes me sont amenées par le Bon Dieu. Il nous faut réfléchir à la manière de les accueillir et adapter nos parcours et nos logiciels de pensée pour pouvoir les accompagner individuellement, les former et les intégrer à notre communauté. Pour qu’ils se sentent comme nos frères. Car ils sont nos frères.

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