Accrochée à la croix du Christ, Guerda témoigne de sa foi.
C’est une guerre qui ne dit pas son nom. Pourtant, les chiffres sont là, implacables : à Port-au-Prince, plus de 4500 morts depuis le début de l’année 2024, d’après l’ONU, et plus de 40 000 personnes déplacées rien qu’entre le 11 et le 20 novembre derniers, 700 00 au total. Les gangs, relais d’un important trafic de drogue, contrôlent plus de 80% de la capitale d’Haïti. Privé de président depuis 2021, Haïti subit depuis des dizaines d’années les conséquences d’une instabilité politique chronique.
Derrière les chiffres, il y a des personnes, des visages. Celui de Guerda notamment, dont nous vous avons déjà parlé dans Emmanuel Actu. Aujourd’hui encore, elle témoigne de sa foi. Sans rien nier des épreuves et des souffrances, elle dit son espérance. Face à l’intensification des violences, elle proclame la fidélité du Seigneur. Nous la confions, ainsi que le peuple haïtien, à vos ferventes prières.
« Depuis le 17 octobre, à Port-au-Prince, les gangs ont gagné du terrain. Ils contrôlent désormais plus de 80% de la ville. Le mois dernier, nous avons subi une grande violence. Dans le quartier de Solinola où habitait une grande partie de ma famille, toutes les maisons ont été pillées puis incendiées par ces hommes armés. Dans les jours qui ont suivi, avec mon frère qui habite non loin de chez moi, nous avons accueilli 19 membres de ma famille. Parmi eux, ma maman âgée de 91 ans et 5 frères et sœurs.
Chez moi, où je logeais seule, nous sommes désormais entre 14 et 15 personnes à essayer de cohabiter. On s’organise comme on peut…
Depuis quelques jours, un calme apparent semble être revenu. Certaines écoles ont pu rouvrir leurs portes. Pas celle dans laquelle je travaille.
Nous avons ressenti une très grande tristesse face à cette violence qui nous a submergés. Ma famille a tout perdu. Maman habitait la même maison depuis plus de 50 ans. Enfants, petits-enfants, nous avions tous de nombreux souvenirs dans le quartier. Ce sont des années de travail qui ont été anéanties. Aujourd’hui, on doit s’entasser pour dormir.
« Le Seigneur nous a fait la grâce d’être en vie et c’est le bien le plus précieux que nous avons. »
Mais nous sommes une famille chrétienne et malgré les différences de foi, nous prions tous les matins et tous les soirs car nous croyons que le Seigneur ne nous abandonne pas. Il nous a fait la grâce d’être en vie jusqu’à maintenant et c’est le bien le plus précieux que nous avons. Voici notre prière : « Seigneur, nous savons que tu es là, que tu prends soin de nous malgré les difficultés. Car tu nous donnes de pouvoir rester unis et d’avoir un espace qui nous accueille, chez moi. Nous savons que tu veux toujours notre bien même dans les souffrances que nous vivons et traversons. »
« Continuer à semer l’amour autour de nous »
Avec mes frères et sœurs de la Communauté de l’Emmanuel dont je fais partie, nous nous demandons souvent, en tant que chrétiens, ce que nous pourrions faire pour que la situation change… Nous constatons que la source de tous les désordres c’est l’absence d’amour. Alors, nous nous sommes donnés comme objectif de continuer à semer cet amour tout autour de nous.
Bien sûr, nous avons peur, parfois très peur. Bien sûr, nous questionnons la foi et Dieu lui-même. Pourtant, malgré nos peurs et nos doutes, nous essayons de témoigner autour de nous de la présence indéfectible de Dieu qui nous aime et nous veut du bien.
Personnellement, je m’appuie sur cette citation : « Mon Dieu, donne-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer les choses que je peux et la sagesse d’en connaitre la différence. »
Bien que notre vie communautaire soit difficile à vivre, nous mettons l’accent sur la vie fraternelle, en prenant des nouvelles des uns et des autres le plus souvent possible. Nous demandons au Seigneur la grâce de garder la foi et l’espérance pour goûter à la joie de Dieu !
« Dieu nous a appelés à la joie inconditionnelle ! »
Il y a une dizaine de jours, nous avons pu vivre une rencontre communautaire : nous étions seulement 10 frères et sœurs. Nous avons partagé, échangé des nouvelles et prié les uns pour les autres et pour tous nos frères et sœurs qui auraient voulu venir mais que la peur ou les difficultés ont empêché d’être parmi nous. Nous avons aussi beaucoup loué et pendant la louange, le Seigneur nous a parlés. Il nous a appelés très clairement à la joie inconditionnelle et à ne pas avoir peur.
Cette rencontre communautaire a été une grande source de réconfort. Ensemble, on est plus forts pour croire, pour espérer mais aussi pour agir. Ensemble, on ressent plus facilement la présence de Dieu qui œuvre.
Alors, c’est vrai que les difficultés sont de toute sorte. C’est vrai que les inquiétudes et les incertitudes sont immenses. C’est encore vrai que nous sentons parfois notre foi se fragiliser. Nous sommes avec Jésus sur la Croix. Pourtant, un sourire, une parole, une prière suffisent à rallumer la flamme de l’espérance. La Parole ne proclame-t-elle pas : « Rien ne nous séparera de l’amour du Christ » ?
C’est dans la Parole que nous puisons notre force, notamment la force d’oser faire des projets. J’appartiens à une chorale. Nous sommes 37 membres dont 9 frères et sœurs de communauté. Nous avons planifié un concert le 5 janvier prochain. Nous confions ce concert à vos prières car nous avons besoin de sécurité pour organiser les répétitions et donner le concert sans risque. C’est une telle joie de chanter pour le Seigneur ! »