Invitation à faire son examen de confiance

Israël n’a cessé de relire son passé et c’est au cœur de cette relecture qu’est née son espérance messianique. Jésus a invité les disciples d’Emmaüs à relire avec lui sa vie et sa mort dans l’histoire d’Israël pour qu’elles y prennent sens et signification. Il n’y a pas de progrès spirituel en dehors de la durée assumée, du passé relu et unifié dans l’accueil de l’avenir. C’est tout cet effort de lucidité spirituelle qui permet de vivre à notre tour ce chemin vers Dieu. Il passe par des méthodes, des exercices spirituels que saint Ignace comprend comme pédagogie du Christ et recommande : oraison, prière d’Alliance, révision de vie, examen de conscience… Elles peuvent paraître austères et contraignantes ; à qui les assume avec persévérance et souplesse, elles se révèleront libératrices.
Tour à tour, nous allons regarder ce qui empêche nos contemporains de descendre en eux-mêmes, puis nous regarderons la juste compréhension de la beauté de l’être humain permettant un chemin spirituel. Enfin, nous exposerons la pédagogie de l’examen de confiance.

1. Ce qui pose problème à nos contemporains dans la compréhension de l’être humain.

Les méandres d’un fleuve ont une histoire. La pensée occidentale contemporaine garde les marques de plusieurs blessures historiques. Imperceptiblement, et depuis le XVII° siècle, avec l’émergence de la philosophie rationaliste chez René Descartes, en particulier (qui permit pourtant d’énormes progrès dans le travail de la réflexion cognitive) la conscience de soi a progressivement abandonné la distinction constitutive de notre être entre le cœur et l’esprit les confondant plus ou moins. Une seconde crise intervient à partir du XVIII°siècle avec le règne de la technique culminant maintenant avec la souveraineté de l’ère thermo-industrielle. Dans cette dernière étape c’est la distinction entre le corps et l’esprit qui s’estompe conduisant à négliger le corps au profit d’un esprit commandant toute technique. C’est le triomphe des neurosciences et tu transhumanisme. Enfin, la crise ultime qui nous est contemporaine manifeste une rupture plus violente encore lorsqu’elle parle de l’anthropocène comme nouvel âge géologique durant lequel le règne humain devient synonyme de désordre planétaire. A ce terme, il faut associer inévitablement celui de collapsologie signifiant l’inéluctable effondrement des sociétés humaines en particulier et du règne du vivant en général.
En guise de cahiers de vacances, je vous proposerais bien durant l’été de reprendre les conférences de carême de Guillaume de Menthière à Notre-Dame de Paris (St Sulpice, Mars 2021) Il redonne une juste compréhension de l’homme et du salut.
Ce qui est sûr, c’est que nos contemporains, quoique perdus sur ce qu’est l’homme, se mettent néanmoins à la recherche de la profondeur de l’existence avec une soif de l’unité intérieure. La soif d’un retour à l’unité intérieure se manifeste dans un goût pour toute forme de méditation arrivant essentiellement d’Asie depuis les années 70. Elle prend la forme du développement personnel en entreprise et se manifeste encore par le fleurissement consumériste de ce que j’appelle « Le complexe du Bouddha de Jardiland ». Depuis quelques années en effet, sans qu’ils soient connaisseurs des quatre nobles vérités des traditions du Dharma, beaucoup de gens sans ancrage religieux particulier se sentent attirés par une zénitude hors sol ! C’est ainsi qu’on voit dans les rayons des jardineries toutes sortes de représentations du Bouddha qui meublent bientôt des jardins d’acclimatation domestique ! C’est une soif pourtant légitime qui s’exprime ici, et la recherche pourrait aboutir à un plus grand bien. Car s’il est question d’une autre dimension que le corps et le mental, notre société consumériste la traite avec mépris et condescendance la reléguant à l’ordre du privé ou de l’accessoire.
Signalons à ce propos que fleurissent dans nos écoles des salles de méditation ou de bien-être, des séances de yoga ou reiki ainsi que des entraînements à la pleine conscience. Tout cela participe selon moi à un puissant appel à nous réapproprier notre intériorité. (Cf. EARS)
Il faut ajouter encore que le matraquage publicitaire conduit l’enfant comme l’adulte à croire que sa seule aspiration sera d’avoir, de posséder des biens tandis qu’il est avide d’être en plénitude et de devenir capable de relations avec ses semblables, les autres êtres vivants de l’univers et même l’intangible transcendance de Dieu. Cette dimension spirituelle m’apparaît comme une sorte de trait d’union entre son corps et son âme. Elle n’est pas ce qui l’anime, c’est le rôle de l’âme. Elle n’est pas visible comme le corps et à l’inverse de lui, elle grandit tandis que lui, il diminue, puis meurt. L’esprit humain est au plus profond de soi comme un noyau. Notre Esprit possède deux facultés : d’abord une capacité de connaître par l’intelligence et de discerner par la conscience. Au fond, notre esprit sait et pressent ce qui est juste et ne l’est pas. Sa seconde faculté est de vouloir agir, d’avoir la capacité d’amorcer un choix décisif par lui-même. En progressant du noyau de notre être vers l’extérieur, nous comprenons bien le rôle de notre cœur qui est le lieu de toute notre affectivité, les pensées qui nous agitent, notre vie psychique ou psychologique. Notre corps, pour sa part, traduira vers l’extérieur, dans nos relations, ce que comprend et décide notre esprit tenant compte de ce que ressent de façon permanente et avec beaucoup de puissance notre cœur.

2. Ce qui nourrit l’Espérance du Réseau Emmanuel Education.

Partons maintenant à la recherche de ce qui est plus singulier dans notre propre vie. C’est une fréquentation assidue de la Parole de Dieu.
Il me semble bien reconnaître dans la tradition biblique que nous sommes l’unité d’un corps, d’un cœur et d’un esprit, mais que dès l’origine ou presque, cette harmonie est brisée. (Pour s’en persuader je vous inviterai à relire les 3 premiers chapitres de la Genèse, Deutéronome 6, Job 32, Jérémie 1, 5 ou encore le dialogue entre Jésus et Nicodème en Jean 3, 5 etc… )
Le saint apôtre Paul résume ces trois aspects de notre être ici : « Que le Dieu de la paix lui-même vous sanctifie tout entier ; que votre esprit, votre âme et votre corps, soient tout entiers gardés sans reproche pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ. » (1 Thessaloniciens 5, 23)
La compréhension que tout est trois en l’homme doit être considéré comme un “invariant anthropologique” : on le trouve dans toutes les traditions quelles qu’elles soient, sémitique, indo-européenne, chinoise, égyptienne ou indienne… “Cette répartition corps-âme-esprit n’est la propriété d’aucune tradition, d’aucune religion, d’aucune époque, d’aucune civilisation, d’aucun auteur en particulier.” En Occident, la vision judéo-chrétienne de l’humain (dépassant la dualité corps-esprit développée dans certaines philosophies de l’antiquité grecque ainsi que dans quelques « rétrécissements de pensées chrétiennes) vivra de cette distinction-complémentarité des trois composantes, de sa plénitude, durant des siècles donnant par la suite une belle vision de qui est Dieu, de qui est l’Homme et enfin d’un projet de société ouverte à l’altérité. Ce travail de distinction-complémentarité s’appelle aussi l’unité de l’être. Et ce travail s’accomplit dans un travail intérieur. Les différentes pédagogies de l’intériorité que nous pouvons proposer avec Emmanuel Éducation sont en réalité communes à toute l’Eglise et ont pour objectif de prendre soin de notre unité corporelle, psychologique et spirituelle. La crise occasionnée par le Covid-19 peut-être comprise en effet de façon salutaire pour réveiller notre conscience que tout est lié dans l’univers extérieur comme dans notre être intérieur. Car c’est ma conviction qu’il n’y a pas d’écologie du monde sans écologie de l’homme, pour parler comme Benoît XVI : « Les déserts extérieurs se multiplient dans notre monde, parce que les déserts intérieurs sont devenus très grands ». Il y a là un travail de conversion écologique, tout à la fois intérieure et extérieure, pour stopper l’aridité. L’objectif consiste à développer notre soif d’être. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit du bonheur.

3. Mettons en œuvre ce nouvel exercice spirituel que j’intitule : “l’examen de confiance”.

Comme nous nous y sommes accoutumés avec l’examen de conscience durant lequel chaque soir nous savons faire mémoire de nos péchés de la journée, de la semaine, des derniers temps depuis notre dernière confession, je vous invite alors à faire mémoire des paroles et des actes constitutifs de votre être depuis votre baptême jusqu’à aujourd’hui sans oublier le dessein créateur de Dieu et le don de la vie reçu de vos parents. Toutefois il s’agit d’entrer dans une pédagogie qui soit authentiquement chrétienne. Je donnerais comme exemple que Sénèque, étant né en l’an 1, est stoïcien et non chrétien. La différence entre l’examen stoïcien et l’examen chrétien c’est que le stoïcien reste auto référencé tandis que le chrétien demeure en constante référence au Christ Jésus dont il fait son modèle de vie. Vous trouvez exactement la même différence entre les Confessions de Jean-Jacques Rousseau et les Confessions de Saint Augustin. Nous, nous entrons dans un dialogue d’alliance, avec plus grand que nous. Nous voulons donner une réponse librement choisie à un Salut gracieusement accordé. Voilà pourquoi toute notre vie ne peut être que mue par la confiance et la gratitude. Marie Noël écrit dans ses notes intimes “ Il y a bien longtemps que je ne fais plus chaque soir le compte de mes fautes, mais celui de mes dettes (de reconnaissances) et je crois que Dieu aime mieux cela.” Faire chaque soir le compte de ses dettes de reconnaissance, c’est faire de son agir un culte spirituel, une vivante Eucharistie où tout devient action de grâces dans l’unique action de grâce du Fils.
Entrons dans un Dialogue d’Alliance. Cela consiste à faire le mémorial des dons de Dieu. Faire mémoire avec gratitude de trois éléments essentiels :
● De toutes les aptitudes naturelles dont le Créateur nous a pourvus ainsi que des charismes dont le Saint Esprit nous a singulièrement fait cadeau.
● De tous les moments clés qui ont jalonné notre histoire sainte et de tous les rebonds, les moments de conversion, les remises en cause salutaire que nous avons acceptés et assumées comme autant de tremplins.
● De toutes les crises et situations désertiques dans une situation globale et complexe.

Notre objectif consiste à :
1. Remporter des victoires dans l’acquisition de la liberté (exemple de la pédagogie Exodus90).
2. Mettre en avant le “courage créatif “. Sous l’expression de “Père au courage créatif”, le pape rappelle que « le Ciel intervient en faisant confiance au courage créatif de cet homme » (PC §5).
3. Comprendre que nos choix invisibles ont une fécondité extraordinaire. Exemple de la triple ascèse du Mercredi des Cendres (PC§7).
4. Fréquenter assidûment la Parole de Dieu m’ajuste à la Volonté divine. C’est ainsi que Saint Joseph devient “le juste”. Il accueille la Parole de Dieu, le Verbe incarné.

Relire sa vie sous le regard de Dieu à la suite du Christ, des saints que nous évoquons, c’est encore fonder son action sur la reconnaissance. Dans la “Contemplation pour parvenir à l’amour”, à la fin des exercices spirituels, Ignace exprime ainsi la grâce qu’il désire obtenir: “Demander une connaissance intérieure de tout le bien reçu, pour que moi, pleinement reconnaissant, je puisse en tout aimer et servir sa divine majesté” (ES §233). C’est une formule qu’il reprendra souvent pour terminer ses lettres, souhaitant un esprit de gratitude à ses correspondants, c’est à dire de pouvoir désormais “avec une pleine reconnaissance, aimer et servir sa divine majesté”
Enfin, Tous les travaux spirituels que l’on range sous l’expression “Intériorité” doivent être entendus comme disposition à la rencontre du Créateur-Rédempteur, seul capable de nous faire avancer, de nous sauver. Ce travail de l’intériorité ouvre nécessairement à la rencontre d’un père spirituel, d’un accompagnateur afin que de façon objective, nous puissions relire avec lui, avec elle, l’expérience que nous avons vécue. Notre attitude est donc essentiellement réceptive. Creuser son intériorité consiste davantage à recevoir un ami plutôt qu’à bâtir un empire. D’ailleurs, ne croyons pas que nous entrerons au Ciel avant d’être entrés dans notre âme.
J’ai essayé de dire à ma façon en quoi consiste la composition ternaire de notre être et comment un soin apporté à notre intériorité permettrait d’assainir toute notre personne en plongeant au plus profond où siège l’esprit qui nous rend libre de comprendre et de choisir. Je me suis inspiré de quatre auteurs : Le Philosophe et théologien Blaise Pascal, Le psychanalyste et biologiste Jean-Guilhem Xerri, La psychologue Marie-Paule Mordefroid et le pape François dans son encyclique “Laudato Si” et sa lettre apostolique “Patris Corde” et le Catéchisme de l’Eglise Catholique.

 

Henry Fautrad

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