Emmanuel Éducation fait sa rentrée

L’heure de la rentrée a, aussi, sonné pour Emmanuel Éducation. Jeune mission au sein de la Communauté, Emmanuel Éducation accompagne les établissements qui sont confiés à la Communauté de l’Emmanuel via une dévolution de tutelle et anime un réseau auprès du monde enseignant. Rencontre avec Olivier Lamoril, ancien professeur d’histoire-géographie, ancien chef d’établissement et actuel directeur d’Emmanuel Éducation.

Bonjour Olivier, vous quel a été ton parcours vers l’enseignement et l’éducation ?

O Lamoril PortraitJ’étais militaire dans l’infanterie, j’étais chef de section et j’avais 39 gars en opération extérieure et je voyais le besoin fort d’éducation des jeunes (les plus jeunes avaient 17 ans et les sous-officiers avaient une trentaine d’années en général), je voyais la grande misère, la grande détresse et en face de ça je me disais qu’il fallait se donner aussi en France dans cette belle œuvre éducative. J’ai donc démissionné de l’armée pour passer le concours d’enseignant.

Je voulais absolument être enseignant avant de prendre des responsabilités. Comme j’avais une représentation pas toujours juste du métier d’enseignant je voulais voir de l’intérieur ce que c’était, les joies et les peines de ce métier. J’ai, ainsi, passé le concours de professeur d’histoire-géographie, j’ai été professeur pendant plusieurs années puis on m’a demandé d’être chef d’établissement.

Avec ma femme, nous avons, ensuite, cheminé au sein la Communauté de l’Emmanuel et nous avons travaillé en 2010 avec une équipe pour discerner si la communauté pouvait avoir une mission dans le monde de l’enseignement.

Est-ce que tu peux nous présenter Emmanuel Éducation en quelques mots ?

Emmanuel Éducation est une jeune mission au sein de de la Communauté de l’Emmanuel.

Un premier évêque nous a appelé en 2010 pour nous confier l’ensemble scolaire Saint-Galmier/Montrond-les-Bains (42), la dévolution de tutelle a eu lieu 2013. Petit à petit, nous avons structuré cette nouvelle mission en mettant en place une structure administrative et juridique.

Emmanuel Éducation enveloppe deux réalités : il y a la réalité des tutelles d’établissements pour la France (le principe de tutelle n’existe pas forcément dans les autres pays) et ensuite il y a tout ce qui est réseau/accompagnement d’établissements à l’étranger et que l’on va appeler Emmanuel Éducation à proprement parler.

Emmanuel Éducation a deux missions principales :

La première est d’accompagner les établissements qui nous sont confiés soit en France, soit à l’étranger.

L’école de Saint-Galmier Montrond-les-Bains nous a été confiée par la direction de l’Enseignement Catholique du diocèse de Saint Étienne en 2010. Il s’agit ici d’une dévolution de tutelle sur l’établissement scolaire dont la direction est alors confiée à la Communauté de l’Emmanuel.

Pour l’étranger, il y a de nombreux projets existants ou en développement : par exemple en Haïti, nous avons une école professionnelle de 100 élèves.

La seconde est une mission auprès des adultes intervenant, professionnellement ou bénévolement, dans les établissements scolaires : chefs d’établissement, enseignants, éducateurs, prêtres, animateurs pastoraux, personnels d’entretien, administratif, bénévoles (OGEC, APEL, …), que ces adultes interviennent dans l’enseignement catholique sous-contrat, public, hors contrat ou encore l’enseignement agricole…

Diverses actions ont été initiés pour animer ce réseau :

  • Une lettre d’information, un site internet.
  • Des parcours de formation (sessions à Paray, forums …) ouverts à tous. 
  • Des temps de formation et d’échange pour des groupes spécifiques : chefs d’établissements, animateurs pastoraux, enseignants….
  • Des fraternités enseignantes (Vannes, Grenoble…).
  • Des conseils et/ou un suivi d’école à l’international.
  • Des liens avec les associations travaillant dans le même esprit.
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 Cours de culture chrétienne pour les élèves de 6e-5e

Quel choix d’écoles avez-vous fait ?

Nous avons fait le choix des écoles sous contrat car la Communauté est dans le monde sans être du monde. Nous avons donc un appel à la mission et dans l’enseignement catholique, il y a un appel à la mission gigantesque et une grande liberté.

Un chef d’établissement peut faire énormément de choses. Mais il a deux contraintes : sa fatigue et son intelligence c’est-à-dire que parfois il a tellement de choses à faire qu’il n’est pas assez ou n’a plus de créativité. On se cache derrière les moyens, derrière plein de choses mais, en réalité, c’est souvent ça qui fait que l’on n’avance pas.

Le choix fait par la Communauté d’aller dans l’enseignement catholique sous contrat n’est pas un jugement pour qui que ce soit, il faut des enseignants catholiques dans le public, il faut des enseignants formés dans le hors-contrat. Un peu comme les prêtres de l’Emmanuel sont incardinés chacun dans un diocèse, nous avons fait le choix de nous engager dans des écoles qui sont sous la responsabilité de l’évêque du diocèse. Le but c’est de travailler en lien très étroit avec l’Église.

Nous avons été très sollicités en France pour exercer des tutelles d’établissements. Avant de répondre à un appel, il y a trois critères de discernements :

Qui appelle ? Pour nous, c’est important que le binôme évêque – Directeur diocésain soit en phase avec le projet que l’on veut proposer. Il ne suffit pas qu’une congrégation nous appelle si nous ne sommes pas appelés en même temps par l’évêque et il ne suffit pas d’être appelé par le Directeur diocésain si l’évêque ne nous souhaite pas.

– Est-ce que la Communauté est présente ou pas ? En gros, est-ce qu’il y a des forces vives de la communauté sur place ? Est-ce qu’il y a la possibilité d’inclure ou de s’appuyer sur une équipe de prêtres ? Et puis, est-ce que le projet de la Communauté dans les écoles correspond à peu près à ce que veut vivre l’évêque ?

Le dernier critère, et c’est la raison pour laquelle nous avons aussi refusé un certain nombre d’établissements ces dernières années, est le nombre de chefs d’établissements potentiels à nommer.

« L’Incarnation et la Communion, principes fondateurs d’Emmanuel Éducation »

Quel est le fil rouge d’Emmanuel Éducation ? En quoi Emmanuel Éducation va se distinguer d’autres congrégations ou de mouvements d’église qui éduquent et font grandir les jeunes ?

Dans le projet de tutelle des écoles de l’Emmanuel, il y a un texte de référence qui a été écrit en 2010 et qui s’appuie sur les trois piliers de la Communauté : l’Adoration, la Compassion, l’Évangélisation. Dans les écoles de l’Emmanuel, on essaie de se dire comment vivre ses trois points là.

Ensuite, il y a deux principes fondateurs qui sont fondamentaux : l’Incarnation et la Communion.

L’Incarnation c’est tout simplement le nom Emmanuel « Dieu avec nous ». Pour nous, cela se décline de la manière suivante : regard d’espérance, regard de dignité sur chacun, sur les élèves évidemment, sur les enseignants, sur les adultes et sur toutes les personnes que l’on croise dans une école. Tout le monde est digne, tout le monde est capable de grandir.

Marguerite Léna, professeur de philosophie disait « il ne faut pas se demander si un enfant est intelligent mais comment il est intelligent ». C’est une phrase que je dis très souvent et c’est l’explication pédagogique qui rejoint la dignité égale de tout homme. Si on s’engage dans une école c’est parce que l’on croit profondément que chaque enfant est digne, digne d’amour et qu’il va grandir et qu’il a en lui tout le potentiel pour se réaliser, pour répondre à sa vocation.

On n’est pas des cerveaux sur pattes. Est-ce qu’un être humain c’est un cerveau ou c’est, ce que dit souvent le Pape, les trois intelligences : les mains, l’esprit, le cœur ? Dans une école, est-ce que l’on laisse la possibilité au jeune, s’il est plus manuel, de montrer son intelligence artistique, son intelligence créative ? Comment on attache une équivalente importance à ces différentes formes d’intelligence ?

Sur l’incarnation, est-ce que l’on croit vraiment que la personne est libre ? Et comment s’exerce cette liberté ?

En devenant, chef d’établissement, j’ai pris deux mesures : 

La première : plus de sonnerie. Pourquoi ? Parce qu’une sonnerie cela veut dire que l’enseignant ne gère pas le temps, que l’enfant n’est pas capable de gérer son temps et on passe notre temps à dire aux jeunes soyez maître de votre temps, grandissez … et on leur rappelle par la sonnerie qu’ils ont des points de rendez-vous.

La deuxième mesure mise en place, c’est que la chapelle redevienne la chapelle.

L’incarnation est vraiment fondamentale. A Saint-Galmier, pendant des années, les jeunes faisaient, en plus du français, des maths, équitation, théâtre, des arts martiaux. C’est vraiment important de développer toutes les formes d’intelligence et un jeune va pouvoir se révéler dans une forme d’intelligence et qui n’est pas forcément celle scolaire même si elle est importante.

La Communion, et là c’est assez nouveau. L’idée est que, dans un établissement, il y ait plusieurs états de vie (prêtre, sœurs consacrées, personnes mariées). Il s’agit de donner la Communauté de l’Emmanuel à l’établissement qui va vivre avec l’Adoration, qui va vivre la règle de la non-critique.

Nous essayons aussi de permettre le déploiement d’un esprit de communion dans l’établissement avec les parents, avec les élèves, avec les enseignants, avec les chrétiens, avec les non-chrétiens ; le but étant de prendre conscience que l’on est ensemble au service d’une triple mission : l’éducation, l’enseignement et l’annonce de la bonne nouvelle.

« Tout est lié ! »

Pouvez-vous nous parler du projet éducatif global d’Emmanuel Education ?

Notre vision de l’éducation est intégrale.

L’éducation intégrale considère que l’être humain n’est pas qu’un cerveau ou un sportif ou un artiste mais que toute la diversité de ces facultés (intellectuelles, artistiques, physiques …) est à faire grandir dans une école, en famille et ailleurs.

Par exemple, les élèves ont-ils assez d’heures de sport au lycée ?  Dans une école quand est-ce que l’on consacre du temps à la culture ? Quand est-ce que l’on consacre du temps à l’éducation au beau ? Quand est-ce que l’on consacre du temps à l’éducation au vrai ?

L’éducation intégrale c’est aussi aider le jeune à prendre conscience de son corps, de ses limites, des beautés de son corps… Aujourd’hui, depuis cinq ans avec la publication de Laudato Si et avec le fameux « tout est lié » du Pape, comment ne pas relier ça à l’écologie intégrale ? On a une responsabilité forte, dans les écoles, à éduquer toutes les intelligences, toutes les dimensions de l’être en lien avec les quatre points de Laudato Si : le rapport à soi-même, le rapport à l’autre, le rapport à l’environnement et le rapport à Dieu.

L’école, lieu privilégié d’exercice de la compassion

Quel charisme de la Communauté s’exerce particulièrement dans cette mission de direction des écoles ?

Ce qui est fondamental c’est qu’une école est un lieu où l’on enseigne ! Ça vraiment j’insiste ! On vient apprendre des maths, on vient apprendre du français. Cependant, le projet n’est pas uniquement de former un bon matheux ou quelqu’un qui maîtrise bien le français ; le projet est qu’il atteigne la dignité de tout être humain parce que l’on a déployé son intelligence, ses capacités créatives et artistiques etc… Ça c’est l’école !

Ensuite, les écoles sont un lieu d’exercice de la miséricorde et un lieu d’exercice de la compassion ; on le voit bien avec la crise que l’on vient de traverser, avec les questions qui se posent sur le rapport à la vie, sur le rapport à l’accueil de la vie, sur le rapport à l’accueil de la différence. Est-ce que l’on est persuadé que chaque personne que l’on croise est un frère en Jésus, un fils de Dieu ? Dieu a donné son fils au monde par amour des hommes, est-ce que l’on aime le monde sans être du monde ?

Est-ce que l’on aime les gens sans mièvrerie ? Il ne s’agit pas d’être un béni oui-oui. Il y a un psaume très beau qui dit amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent. En fait, il faut tenir la charité et la vérité avec toujours le primat de la charité et l’école c’est un lieu d’exercice de la charité.

On peut donc dire que pour faire grandir les jeunes, le moyen est l’exercice de la compassion ?

Oui tout-à-fait parce que c’est ce qui va rendre crédible. Dans les discours, tout le monde est pour l’amour, la solidarité… mais concrètement comment je le vis et est-ce que je le vis ? C’est aimer en actes et en vérité.

Le Pape nous invite à un pacte éducatif mondial [qui devait avoir lieu le 14 mai reporté en octobre] et a écrit un texte instrument de travail très beau dans lequel il dit qu’il faut que les meilleurs jeunes s’engagent dans l’enseignement et les jeunes doivent devenir missionnaires. Comment espérer que des jeunes partent en mission si l’on n’a pas été soi-même en mission auprès d’eux en exerçant la compassion.

Alors que si la compassion est vécue au quotidien dans une école, cela va donner envie aux jeunes d’aller brûler de charité pour tout le monde.

Pierre Goursat, fondateur de la Communauté, disait tout le temps devant le Saint-Sacrement, il faut que ça brûle ; c’est lorsque l’on reçoit, dans l’adoration, l’amour de Dieu que l’on va le donner au monde. Dans nos écoles c’est la même chose qu’il faut vivre. On reçoit cet amour de Dieu et on va aller le donner aux jeunes. C’est ce que l’on essaie de vivre.

Concrètement comment on fait dans les établissements avec toute la communauté éducative ?

Mère Teresa a dit « on n’est pas appelé au succès mais à la fidélité ». Pourquoi je dis ça ? Parce que bien orgueilleux celui qui dirait qu’il a réussi ou qu’il va réussir.

Si on ne s’appuie pas sur la prière, si l’on ne s’appuie pas sur l’Esprit-Saint, si on ne s’appuie pas sur la Providence, on arrête tout de suite. Cela ne nous appartient pas. Benoit XVI dit « l’éducation c’est la rencontre

de deux libertés, celle de l’éducateur et celle de l’éduqué ». Les adultes aussi, dans une école, ont leur liberté. Laissons-leur leur liberté de refuser le chemin que nous leur proposons, prions pour qu’ils prennent ce chemin et ensuite vivons dans nos écoles, dans notre façon de diriger l’école, dans notre façon d’accompagner les personnes, de leur parler… faisons en sorte qu’ils puissent avoir une vision de ce chemin d’exercice de la compassion car le monde a simplement besoin de témoins (Evangelii Nuntiandi chapitre 7). Dans une école, soyons donc d’abord des témoins.

En définitive il faut la prière et bien prendre conscience que c’est Dieu qui fait tout, que l’Esprit-Saint agit déjà et en chacun.

Ensuite, faisons notre part en ayant une exigence envers nous-mêmes et essayons, dans le mesure du possible, de recruter dans nos écoles des gens qui vont porter ce projet avec nous. Si le chef d’établissement est tout seul, il n’y arrivera pas c’est impossible. Il doit être entouré de quelques personnes qui s’inscrivent dans cette vision éducative afin de porter le projet ensemble. Essayons de recruter des chefs d’établissement qui soient missionnaires, des enseignants qui soient missionnaires, des prêtres qui soient missionnaires, des éducateurs qui soient missionnaires, des agents d’entretien qui soient missionnaires… Ensemble donnons envie à ceux qui sont dans l’école de vivre avec nous le projet sans exclure et tout en étant clair et transparent sur la dynamique éducative du projet.

Et avec l’idée que chacun est une pièce d’un puzzle indispensable ?

Exactement, nous avons tous notre pierre à apporter. Laurent Landete, ancien modérateur de la Communauté disait « quittons notre posture de surplomb », c’est fondamental ! Parfois les chrétiens regardent d’en haut mais descendons dans l’arène. Engageons-nous dans les écoles et, avec les enseignants, avec tous ceux qui constituent une école, allons porter avec eux la mission éducative.

« Partager entre enseignants et retrouver la co-éducation parents-enseignants »

Vous parlez d’animer un réseau d’enseignants/éducateurs/prêtres concrètement qu’est-ce que vous faites ? Comment rejoint-on ce réseau et quel en est l’intérêt ?

La Communauté de l’Emmanuel compte aujourd’hui 6000 membres en France et parmi eux, environ 800 sont engagés dans les écoles d’une manière ou d’une autre : 20 ou 25 chefs d’établissements maternelle/primaire/secondaire, des prêtres, des adjoints en pastorale, des animateurs en pastorale, des enseignants, des éducateurs, des personnels administratifs, des personnels d’entretien, des bénévoles dans les OGEC, des présidents d’OGEC, des personnes dans les APEL…

Il y a donc de nombreux membres de la communauté qui sont engagés dans des écoles catholiques sous contrat, dans des écoles catholiques hors contrat, dans des écoles publiques. La question est comment faire communauté ensemble ? Qu’est-ce que l’on peut vivre et proposer ensemble ? Est-ce que l’on peut partager nos joies, nos difficultés, nos peines, des partages d’expérience ? De manière très concrète, qu’est-ce que l’on peut faite ?

A Vannes par exemple, depuis un an il y a deux fraternités missionnaires d’une dizaine d’enseignants, membres de la communauté ou non qui se retrouvent une fois par période scolaire pour prier ensemble, louer ensemble, aller à la messe ensemble, adorer ensemble et partager leurs joies et leurs peines d’éducateur. C’est beau de pouvoir se retrouver en fraternité et de se confier les uns les autres.

On se rend compte qu’il y a un appel fort, un besoin des éducateurs qui, parfois, se sentent un peu seul dans certains établissements et parfois même, sont la seule présence chrétienne dans l’établissement.

Il y a également la nécessité de tisser du lien entre les personnes parce que dans le métier d’éducateur, parfois, nous pouvons nous sentir seul.

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 Chapelle du collège – lycée Saint Pierre à Montrond-les-Bains (42)

Pourquoi peut-on se sentir seul ?

Le métier d’enseignant est un très beau métier, c’est vraiment un super beau métier ! Mais vous avez peu de regard extérieur votre pratique. Vous avez votre classe et cela peut être très gratifiant car la relation avec les jeunes est très belle, mais ce n’est pas évident de se retrouver et partager notamment quand on a des difficultés.

Deuxièmement, vous êtes rarement encouragés. Certes, il y a plein de métiers comme ça, il n’y a pas que les professeurs, mais le professeur souvent, on voit tout ce qu’il fait de mal. Il est souvent encouragé par les élèves, pas toujours par la direction, pas toujours par le Ministère ou le rectorat et les parents n’y pensent pas forcément puisque finalement il fait son métier.

Troisièmement, un enseignant catholique dans un établissement qu’il soit public, privé, hors-contrat peut être un peu comme un ovni et donc la fraternité ne va pas forcément de soi.

Un professeur en difficulté cela peut être dramatique lorsque vous êtes remis en cause par des enfants de 7-8 ans, 10 ans, 15 ans, cela peut vraiment secouer.

Alors c’est vrai il y a des professeurs qui sont compliqués, il y a des parents qui sont compliqués… Mais l’un des drames aujourd’hui de la France est la fracture forte entre le monde enseignant et les parents.

L’Eglise nous invite à la co-éducation entre les parents et les enseignants. Le Pape François utilise le beau mot de complicité. On en est, quand même, assez loin dans beaucoup d’endroits. Parfois pour un enseignant, avoir un rendez-vous de parents où l’on sait que cela va mal se passer, où l’on craint que cela se passe mal… et pouvoir le confier à quelqu’un, c’est beau et important.

« Un prof apprend un métier pour faire une mission »

Le professeur, a-t-il une mission ou un métier ?

Le professeur a une mission et un métier. Il a, d’abord, un métier parce qu’il exerce une profession et est payé pour ça. Cette profession mérite une formation. On peut parler d’un charisme d’enseignement car il y a des choses qui sont innées, mais il y a aussi des techniques à acquérir : on apprend à tenir un groupe d’élèves, on apprend à enseigner, on se forme sur les neurosciences, sur les intelligences multiples…

Reste que la technique ne suffira jamais. A un moment un enseignant enseigne plus par ce qu’il est que par ce qu’il dit et c’est là où on rejoint une autre dimension : la dimension humaine du métier d’enseignant. Si l’enseignant n’est pas convaincu qu’il a une responsabilité missionnaire et un appel missionnaire assez radical pour ses jeunes, il manquera toujours une dimension.

Il faut des très bons professeurs de maths, il faut des très bons professeurs de français, d’anglais… et à la fois, il faut des personnes qui vivent le projet de l’établissement, qui vivent l’appel de l’enseignement catholique.

L’enseignement catholique est une mission ecclésiale, on est, ainsi, en mission donnée par l’Eglise. Le chef d’établissement reçoit une mission soit de l’Evêque, soit de sa congrégation et c’est formalisé dans une lettre de mission.

Cette lettre de mission, il a la responsabilité de la faire vivre par sa communauté éducative et donc les enseignants ont une responsabilité vraiment grande d’annonce de la Bonne Nouvelle. Chrétiens ou non, ils ont tous la responsabilité de porter le projet de l’établissement, y compris dans sa dimension chrétienne.

« Penser le déconfinement spatial et temporel de l’école »

Cette vision éducative, ce projet a-t-il été malmené par la crise du covid ? Est-ce que cela vous a interrogé, remis en cause ?

Dans la crise de la covid 19, ce qui est terrible c’est de passer par la visio. C’est génial les moyens technologiques mais à la fois un enseignement à distance c’est aussi une mise à distance de l’enseignement quelque part ; donc c’est super parce que les jeunes ont pu avoir une continuité pédagogique mais parfois à quel prix.

En outre, c’est un métier de relations humaines. Il faut être contact les uns avec les autres. Les moyens technologiques ont permis de faire face à la crise mais cela ne peut pas être la solution.

Réfléchissons à faire en sorte que l’école ne soit pas un espace de double confinement ! On a pu souffrir les uns et les autres du confinement, cela pu aussi être un moyen de redécouvrir sa liberté, de redécouvrir une certaine lenteur, de redécouvrir une relation avec sa famille, avec la lecture, avec le silence…. Comment le confinement a pu me faire redescendre dans des choses fondamentales pour l’être humain et à la fois comment, en réouvrant les écoles, faire en sorte que l’école ne devienne pas un espace de confinement spatial et un lieu de confinement temporel ?

Autant d’habitants, autant d’élèves, autant de façon de réagir au confinement, toutefois ce qui m’a frappé c’est que pour beaucoup d’enfants l’école c’est 8h-18h en gros et après il y a les devoirs.

L’école va donc faire s’enchainer les matières mais à quel moment dans l’école j’offre aux jeunes un espace où il va pouvoir retrouver ce qui était beau dans le confinement c’est-à-dire un temps pour l’intériorité en allant prier par exemple, un temps de lecture, un temps de silence, un temps où il est tout seul. L’élève musicien, s’il est à l’école de 8h à 18h, quand est-ce qu’il fait du piano ?

A quel moment à l’école j’offre à l’élève la possibilité être pleinement un être humain c’est-à-dire qui fait fonctionner sa tête, son cœur et sa créativité. Cela m’a vraiment interpellé car je vois bien que, dans beaucoup d’écoles, on fait se succéder de multiples d’activités les unes aux autres sans qu’elles aient forcément un lien et sans que l’élève ait pu vivre un moment où il se met en retrait. : « je respire, je prie, je lis ». L’un des enjeux est là.

Évidemment, nous sommes soumis à la question du temps scolaire. Pourtant, il faut quasiment se réinventer.

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