Ecologie intégrale : une conversion « à petits pas » pour être en vérité avec soi-même

A l’occasion de la St François d’Assise, célébrée le 4 octobre, nous donnons la parole à Guillaume et Stéphanie Dary : l’encyclique Laudato Si leur a ouvert les yeux sur la relation intime entre les pauvres et la fragilité de la planète. Depuis leur alimentation jusqu’à leur vie professionnelle, en passant par leurs choix familiaux, récit d’une conversion écologique « un pas après l’autre ».

« Ecouter le cri de la terre c’est écouter le cri des pauvres »

Educatrice Montessori depuis 10 ans, Stéphanie est marquée par cette pédagogie dans laquelle il y a une recherche d’unité de vie et de cohérence. Maria Montessori, qui est pourtant décédée en 1950, disait déjà, à son époque, que « tout était lié ». Elle parlait d’une éducation cosmique c’est-à-dire d’une éducation à la compréhension des lois de l’univers données par Dieu.

A la lecture de l’encyclique, Stéphanie est très touchée de se voir rejointe dans ce qu’elle vivait déjà sur un plan professionnel : « Dans les formations Montessori, je rencontrais beaucoup de jeunes femmes qui avaient posé des choix de vie assez radicaux et en avance sur la conversion écologique. Mais il ne s’agissait pas d’une écologie intégrale, la dimension spirituelle était absente. L’encyclique a réconcilié, réuni ce que j’avais vécu avec ces femmes et ma foi. J’ai compris que c’était de notre devoir de chrétien de prendre soin de la Terre que nous avions reçue en cadeau. »

Pour Guillaume, c’est à la faveur d’un Parcours Zachée, qu’il se rend compte qu’il est en recherche mais ne se pose pas les bonnes questions : « Ce parcours a été un véritable déclencheur de ma conversion écologique et m’a permis de mettre en route un cheminement à la fois sur le plan personnel mais aussi professionnel. Et puis, il y a eu le film Le pape François, un homme de parole, sorti en 2018, qui m’a donné envie de lire Laudato Si, que je n’avais toujours pas lu. »  

« Lorsque l’on jette de la nourriture, c’est comme si l’on volait la nourriture à la table du pauvre ». Laudato Si n°50

Ensemble, ils prennent conscience que leur mode de consommation a des répercussions sur d’autres personnes à l’autre bout de la planète.

« L’alternative est simple : par ma manière de vivre et de consommer, soit je pose un acte de charité qui me rend frère de celui qui est loin, soit je pose un acte qui va appauvrir cette personne déjà pauvre. » explique Stéphanie.

Consommation locale, en circuit-court, achat en vrac et à la juste quantité, utilisation du vélo plutôt que de la voiture, vacances plus proches de chez soi, potager dans le jardin… De nouvelles habitudes s’imposent petit à petit : « Nous avons commencé à être attentifs à la provenance des produits, aux personnes qui les ont fabriqués… »

Potager 3 Puis, Stéphanie décide de se former au maraîchage et à la permaculture. Jusqu’à faire une pause professionnelle pour aller passer un an dans une ferme en conversion agroécologique : « Les salariés étaient des personnes en réinsertion. Cette ferme avait vraiment un projet d’écologie intégrale qui permet de prendre soin des personnes comme de la Terre. Mais les conditions physiques du maraichage ont eu raison de mon désir de poursuivre dans cette voie comme activité principale. J’ai quitté la ferme mais ajouté une corde à mon arc puisqu’aujourd’hui, j’installe et j’anime des potagers dans des écoles, des associations, des lieux publics. C’est à plus petite échelle mais je suis dans la transmission. »  

« Acheter moins, choisir mieux et faire durer ».

Et en parlant de transmission, comment cette conversion écologique a-t-elle été vécue par les quatre enfants du couple, actuellement âgés de 12 à 18 ans ? « On discute beaucoup » explique d’emblée Stéphanie, avant d’ajouter : « ils négocient parfois, on cède de temps en temps. » S’ils sont plutôt d’accord avec leurs parents, « ils jonglent avec leurs idées, leur budget et leurs convictions » rapporte Guillaume. « Nous ne voulons pas les dégoûter et nous n’oublions pas que la société de consommation est à notre porte. Ils font leur chemin comme nous faisons le nôtre. » Un pas après l’autre, ce qui fait dire à Stéphanie, soucieuse de ne pas faire la morale ou donner de leçon : « Nous sommes toujours dans le compromis et notre chemin est à parcourir. C’est juste qu’on a décidé d’essayer. »  

Dans l’entreprise de conseil qu’il a cofondée avec des associés, Guillaume ne fait pas qu’essayer : après avoir échangé avec ses collègues, les avoir incités à se documenter, à lire l’encyclique (dans sa version illustrée, plus accessible) une première étape a consisté à créer un fonds de dotation à qui l’entreprise reverse une partie de ses bénéfices pour subventionner des associations qui agissent dans le domaine des fragilités sociales et environnementales.  Deuxième étape : Guillaume a décidé de mettre l’écologie au cœur de son métier et d’axer le conseil dans l’impact : « c’est-à-dire que nous accompagnons des dirigeants d’entreprises qui ont un impact positif sur la planète. Par exemple, nous avons aidé un réseau d’épiceries à se développer et à lever des fonds : ce réseau rachète les invendus, des bananes tordues, des tomates mal calibrées et les recycle dans un réseau d’épiceries en France à -30%. Il y a donc un impact environnemental grâce à la lutte contre le gaspillage et la culture du déchet et un impact social grâce aux prix plus bas. »

Mais ce n’était pas gagné d’avance : « Au début, parmi mes collègues, certains étaient sceptiques. Je n’ai pas cherché à les convaincre mais je leur ai proposé des lectures, des films. Lors d’un séminaire d’équipe, j’ai fait intervenir un des patrons d’une enseigne de distribution en vrac pour susciter un réveil écologique. Petit à petit, ils ont fait leur chemin. Aujourd’hui, nous sommes devenus une entreprise à mission, c’est-à-dire qui acte dans ses statuts le fait qu’elle prend des engagements forts en matière sociale et environnementale. »  

Un beau chemin parcouru grâce à de multiples pas posés les uns après les autres, de nombreuses lectures, des films, des rencontres pour se former, approfondir, comprendre et pour témoigner inlassablement et humblement, malgré leurs imperfections :« Parfois, on est blessés de voir que pour certains cathos, l’écologie n’a pas de dimension spirituelle. Comme beaucoup d’écologistes ne sont pas chrétiens, alors il faut s’opposer à eux. Je crois, au contraire, que cet amour commun de la Terre peut nous rapprocher et susciter un dialogue. Laudato Si a été beaucoup lu en dehors des cercles catholiques et a ouvert un terrain d’évangélisation. » constate Stéphanie. Et Guillaume de confirmer : « Beaucoup nous disent qu’il n’y a pas de sainteté environnementale. Pourtant, je me souviens de mon curé regrettant qu’on ne se confesse pas plus souvent de nos péchés écologiques ! »

« Chaque communauté peut prélever de la bonté de la terre ce qui lui est nécessaire pour survivre, mais elle a aussi le devoir de la sauvegarder et de garantir la continuité de sa fertilité pour les générations futures ; car, en définitive, « au Seigneur la terre » (Ps 24, 1), à lui appartiennent « la terre et tout ce qui s’y trouve » (Dt 10, 14). »

Laudato Si’ n°67

7 ans après Laudato Si, Stéphanie témoigne que sa vie spirituelle a changé : « On s’émerveille plus des couleurs, des odeurs, des paysages… et surtout, on a aujourd’hui bien plus de compassion envers les personnes pauvres loin de chez nous. D’ailleurs, nous avons été appelés récemment à nous rapprocher de personnes migrantes. Je pense que c’est lié. Cette aventure nous a ouvert le cœur et donné de la joie. »  

Mais elle tient à préciser qu’ils ne sont pas dans une démarche politique ou militante : « Un chiffre peut toujours en cacher un autre… et c’est vrai que parfois on peut avoir des discussions animées, voire même des débats stériles sans réponse. Je n’y prends pas part. Ce qui m’importe c’est de regarder la situation sur le plan social et humain, de réfléchir aux personnes qui sont impactées par tel ou tel comportement consumériste et de les confier dans la prière. Cela m’aide à prendre de bonnes décisions. J’agis là où je suis touchée. » Sans porter de jugement et en restant dans la bienveillance, comme le souligne Guillaume : « Il faut faire attention à ne pas être blessant dans la manière dont on s’exprime sur la sobriété. Nous parlons de sobriété choisie, mais n’oublions pas la sobriété non choisie, c’est-à-dire la pauvreté subie par des millions de gens qui souhaiteraient pouvoir consommer plus et que notre mode de vie fait rêver. »

La sobriété, un problème posé aux pays riches ? « Oui, parfois, j’ai de la culpabilité parce que je peux choisir. Si je veux, j’achète de la viande, si je n’en veux pas, je n’en achète pas. Mais, j’ai été plantée dans ce jardin : c’est ici que je suis née et ici que le Seigneur me demande de porter du fruit, pas ailleurs. Aller vers la sobriété est pour moi un chemin de vérité avec moi-même. »  

Pour se documenter et approfondir, Stéphanie et Guillaume ont lu :

Lettre Encyclique Laudato Si’ du Saint-Père François sur la sauvegarde de la maison commune.

La famille zéro déchet, Ze guide, de Jérémie Pichon et Bénédicte Moret

Zéro Déchet de Béa Johnson, Les Arènes

La raison du plus faible de Jean-Marie Pelt, Fayard

Sauver l’homme et la nature de Jean-Marie Pelt, Fayard 

Le monde sans fin, miracle énergétique et dérive climatique, de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici, Dargaud 

Film Le pape François, un homme de parole, de Wim Wenders

Documentaire Les dessous de la fast fashion Arte.

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