Des « parents seuls » viennent reprendre leur souffle à Paray-le-Monial

La Croix © Communauté de l'Emmanuel 2014Des « parents seuls » viennent reprendre leur souffle à Paray-le-Monial

Au cours de ses traditionnelles sessions estivales de Paray-le-Monial, la communauté de l’Emmanuel organise un parcours spécifiquement consacré aux parents seuls.

Parmi les 3 200 participants aux rencontres de Paray-le Monial, une cinquantaine de parents seuls, principalement des femmes, viennent chercher écoute et accompagnement.

Pour la plupart séparés ou divorcés, une cinquantaine d’entre eux a répondu cette semaine à cette proposition, plutôt rare dans l’Église de France.

« Enfin un lieu où je comprends que j’ai une place dans la société et dans l’Église, où l’on me dit que Dieu ne me jugera pas. » Karine, 42 ans, le visage marqué, est venue ici « se ressourcer et chercher la force d’être une bonne mère ». Elle veut aussi, glisse-t-elle de sa voix posée, un léger sourire aux lèvres, « apprendre le pardon, espérer le bonheur et rentr er dans la joie ».

Un an après s’être séparée du père de ses trois enfants de 16, 12 et 7 ans, les mots prononcés par la jeune femme, commerciale à Paris, sont lourds de sens. Comme une cinquantaine d’autres « parents seuls » – dont une immense majorité de femmes – elle participait, entre samedi et aujourd’hui à Paray-le-Monial (Saône-et-Loire), à un parcours destiné aux personnes séparées, divorcées et mères célibataires, dans le cadre des sessions estivales de la Communauté de l’Emmanuel.

Sur le papier, le parcours suivi par Karine et ses condisciples consiste en trois étapes, marquées par autant d’après-midi de réflexion commune autour de passages bibliques : la rencontre entre Jésus et la Samaritaine, la parabole du fils prodigue et l’épisode des pèlerins d’Emmaüs. Parmi les thèmes abordés par les intervenants, parfois parents seuls eux-mêmes, reviennent notamment la nécessité de « lever la culpabilité », l’éducation des enfants, l’aide que représente la confession ou encore la demande de pardon, omniprésente.

« ON N’EST NI CÉLIBATAIRES NI DIVORCÉS REMARIÉS. ON EST OÙ ? »

« En pardonnant, il ne s’agit ni d’oublier, ni d’excuser, ni de nier l’offense, précise l’une des organisatrices. Encore moins de nier la justice : si mon conjoint me doit une pension alimentaire, je n’y renonce pas parce que je lui pardonne. Mais pardonner revient à croire que Dieu aime l’autre et prier pour nos offenseurs. » Les intervenants abordent aussi le sens des règles de l’Église, qui préconise « la fidélité au mariage », malgré une séparation. En clair, le renoncement à toute nouvelle union.

Dans la salle, Karine, qui vient pour la première fois à Paray-le-Monial, écoute attentivement. D’un trait, elle résume abruptement les questions qui habitent une grande majorité de ceux présents ici : « On n’est ni célibataires ni divorcés remariés. On est où ? On est quoi ? On a le droit de faire quoi ? Suis-je toujours aimée de Dieu et de l’Église ? »

De fait, s’il existe dans les paroisses françaises de nombreux groupes pour les divorcés remariés, les propositions pour ces parents seuls y sont beaucoup plus rares. « Les choses évoluent peu à peu, estime Odile, laïque consacrée de la communauté de l’Emmanuel et l’une des animatrices du parcours. Dans la société comme dans l’Église, on parle un peu plus facilement des parents seuls et de la manière dont nous pouvons les accueillir. » À Paray, ceux qui acceptent de témoigner de leur histoire préfèrent d’ailleurs taire leur nom de famille et ne pas figurer sur des photos…

« AU DÉBUT, ON SE SENT COMME UNE BREBIS GALEUSE »

« À Soissons, où j’habite, mon curé, âgé, était désemparé, se souvient François, 59 ans, séparé depuis 1999 après dix-sept ans de mariage. J’étais descendu très bas : pendant deux jours et une nuit, j’ai pensé à la mort. Quelques mois plus tard, je trouvais un groupe de l’Emmanuel, qui m’a accueilli et écouté. » Il finit par s’engager dans la communauté charismatique, et participe aux parcours pour les parents seuls, avant d’en devenir l’un des responsables.

« Au début, je n’attachais aucune importance à cette démarche, convaincu que je n’avais pas besoin de ça pour avancer. Mais ici, j’ai compris, qu’il y avait des gens à la fois désespérés et habités par une foi solide ancrée en eux. » « Au début, on se sent comme une brebis galeuse. Les couples voient en nous l’image de ce qu’ils doivent absolument éviter », résume une autre participante, séparée depuis cinq ans.

Un sentiment que les organisateurs de Paray-le-Monial tentent de prendre en compte. Lundi soir, le groupe a animé la prière du chapelet, sous la grande tente, où se rassemblent tout au long de la semaine les 3 200 « sessionnistes » venus à Paray-le-Monial. « C’est l’occasion de les mettre en avant. Ils ont besoin qu’on leur dise qu’ils font partie de l’Église », souligne le P. Jean-Pierre Durand, prêtre de l’Emmanuel à Rouen et accompagnateur du groupe.

« IL NE S’AGIT PAS DE LES METTRE À PART »

Franck Guéneau, le directeur des sanctuaires de Paray, appuie : « En dehors de ce parcours, qui a lieu uniquement l’après-midi, les participants sont invités à se joindre aux autres activités de la session : temps d’enseignement, de louange ou de célébration. Il ne s’agit pas de les mettre à part. Si le pape François nous demande d’aller aux périphéries, ce n’est pas pour les maintenir à l’extérieur de l’Église ! Ils ont besoin de nous, et nous avons besoin d’eux. »

« Peut-être que ce divorce deviendra, comme dit le psychologue Boris Cyrulnik dans l’un de ses livres, un “merveilleux malheur”, avance Karine, la commerciale parisienne. L’an prochain, je reviendrai avec mes enfants. Ils auront l’impression que leur mère a ici toute sa place. »

Loup Besmond de Senneville, à Paray-le-Monial (Saône-et-Loire)

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