10 étapes pour arrêter la pornographie dans le livre Délivré

Délivré : 10 étapes pour arrêter la pornographie - couverture du livre

De plus en plus d’hommes et de femmes, mais aussi d’adolescents, souffrent de comportements compulsifs liés à la sexualité : pornographie, masturbation, mais aussi tchat, webcam, réseaux sociaux, sites de rencontres, etc. Culpabilité, confiance et estime de soi abîmées, repli, etc. Comment en sortir ? Délivré! (Editions de l’Emmanuel) s’adresse aux personnes de plus de 16 ans qui cherchent des moyens concrets pour reprendre le contrôle de leur vie. En dix chapitres à la fois théoriques et pratiques, l’auteur explique les mécanismes de l’addiction, invite à un regard bienveillant sur soi-même et donne les clés pour faire un travail de fond. 

L’auteur : Tanguy Lafforgue est marié et père de famille. Diplômé de l’École spéciale militaire Saint-Cyr, il a été officier puis communicant pour l’Eglise. Aujourd’hui reconverti dans l’accompagnement, il a fondé le cabinet Cœur Hackeur et aide de nombreuses personnes souffrant d’addiction. Nous sommes allés à sa rencontre.

Pourquoi ce livre et quelle est l’originalité de la démarche ?

Tanguy Lafforgue : Ce livre est une réponse à la détresse secrète que connaissent de plus en plus de personnes. Souvent, cette souffrance et ces difficultés ne sont pas conscientisées tout de suite. En effet, ce n’est jamais facile d’accepter l’idée qu’on a perdu le contrôle d’une partie de ses comportements. 

Délivré ! propose une méthode globale et structurée qui permet de travailler sur les différentes dimensions de la personne humaine, sans en exclure aucune : mentale, émotionnelle, corporelle, comportementale et spirituelle (qu’on soit croyant ou non, le spirituel renvoie au sens donné à son existence). 

Ce livre est également nourri de mon expérience de thérapeute : j’y donne de nombreux exemples et témoignages, et je présente un assemblage cohérent de techniques et outils permettant d’obtenir des résultats – à condition d’être motivé et assidu dans le travail. Pour changer, en effet, il ne suffit pas de prendre des résolutions, il faut se jeter à l’eau et agir !

Une de ses originalités, aussi, provient du ton que j’emploie : dédramatisant, déculpabilisant, bienveillant, encourageant. C’est capital. En effet, les personnes touchées par une addiction sexuelle sont enfermées dans la honte et la culpabilité, elles manquent de confiance en elles et de foi dans leur avenir. Il faut donc les aider à retrouver un cap et reprendre contact avec leurs ressources personnelles. J’utilise volontiers l’humour et je m’adresse également au lecteur en le tutoyant (mais je le vouvoie dans l’introduction…). Dans mes accompagnements, j’essaie de faire vivre un véritable compagnonnage à mes patients – que j’appelle d’ailleurs mes “accompagnés”. Je tenais à retrouver cette dimension fraternelle dans le livre. 

Enfin, ce qui est frappant avec ce livre, c’est qu’on peut y remplacer le terme “pornographie” par “téléphone portable”, “réseaux sociaux”, ou “jeux vidéo” : les outils marchent aussi ! Les comportements compulsifs ont tous des mécanismes similaires, et chacun de nous a ses petites addictions…

Quel est votre constat sur l’addiction à la pornographie aujourd’hui?

Cette addiction touche de plus en plus de personnes parce que la pornographie est hyper-accessible via les écrans, omniprésente et banalisée dans notre société (médias, publicité, réseaux sociaux, etc.), et que sa consommation peut être complètement dissimulée. Enfin, les jeunes y ont accès à un âge où leur cerveau est vulnérable à l’addiction, donc avec le risque d’une bascule rapide. 

Il est important de distinguer consommation et addiction. On peut consommer, même régulièrement, de la pornographie sans pour autant être addict, c’est-à-dire sans avoir perdu le contrôle. L’addiction est un produit ou un comportement que l’on utilise pour obtenir un plaisir et en même temps soulager un mal-être. Ce qui la caractérise, c’est que malgré les conséquences négatives de plus en plus importantes qui vont impacter toutes les dimensions de la vie, on n’arrive pas à arrêter. Comme le dit St Paul : “Je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas” (Rm 7, 19) . Dans l’addiction, il y a une perte de contrôle, avec une réalité neurobiologique : quelque chose a disjoncté dans le cerveau, une bascule s’est opérée. L’addiction peut concerner des substances (cigarette, alcool, drogue dure) mais aussi des comportements (jeux d’argent, jeux vidéos, sport, achats compulsifs, comportements sexuels). Mais le moteur est toujours le même : c’est un moyen de fuir un mal-être émotionnel en l’anesthésiant avec un plaisir. 

Il faut préciser ici que le terme “pornographie” est le buisson qui cache souvent une forêt. La consommation est le plus souvent couplée à la masturbation compulsive (mais pas toujours) mais on rencontre plein d’autres pratiques sexuelles compulsives : virtuelles (tchats, contacts vie les applis et sites de rencontre, webcam…), ou avec des personnes réelles (recours à la prostitution, aux massages, etc). 

Qu’est ce qui a changé ces dernières années avec l’addiction à la pornographie? 

Le téléphone portable a entraîné une explosion de la consommation de pornographie. Internet permet une sexualité facile, solitaire, un peu paresseuse. Un des problèmes de l’addiction à la pornographie, c’est qu’elle se greffe sur une relation déséquilibrée aux écrans et au virtuel. Dans mes accompagnements, je suis amené la plupart du temps à faire travailler les personnes sur cette question. Il faut revoir ses usages et le temps qu’on y consacre. Et puis Internet recèle de nombreux “attrape-mouches” : réseaux sociaux, streaming, séries, etc. Une personne addicte a dans son cerveau des circuits hypersensibles, si bien que de nombreux chemins (voire tous) la mènent, de liens en liens, non à Rome mais au porno…

Qu’aimerais-tu dire à une personne addicte ?

Il est possible de s’en sortir à tout âge, et cela même si l’addiction est ancrée depuis des années, parfois des décennies (j’accompagne des personnes retraitées qui traînent leur problème depuis l’adolescence…). Le cerveau est un organe prodigieux et chaque personne a la capacité de reprendre le contrôle de sa vie. Ce processus prend du temps et demande un investissement important mais ça vaut le coup ! Le point départ pour s’en sortir n’est pas d’abord d’avoir de la volonté – on en a tous – mais de trouver une motivation profonde, des bonnes raisons de changer. Il est capital d’avoir cette parole d’espérance, d’encouragement et de vérité même si le tableau paraît sombre. 

Je propose de partir de ce qui manque: souvent il y a une blessure de l’estime de soi, un déficit d’identité de la personne, des sentiments de honte, de culpabilité, d’illégitimité. On constate aussi toujours une difficulté à réguler ses émotions. Pour reprendre le contrôle, il est nécessaire de travailler sur ces différents aspects. 

Très concrètement, il va falloir aussi se couper de toutes les possibilités d’accéder à des images en installant des bloqueurs sur les écrans. Il ne s’agit pas là d’un interdit infantilisant mais de réalisme : qui dit addiction dit conditionnement du cerveau. Si celui-ci a enregistré  que des images sont accessibles facilement, toute l’attention sera nécessairement attirée vers cette opportunité. Au début de la démarche de sevrage, il est donc nécessaire de bloquer ces images, le temps que le cerveau se désensibilise (ce qui prend du temps…). Il devient alors plus facile de dire non au visionnage compulsif pour se reporter vers d’autres comportements, plus sains, productifs et responsables. 

Au fond, qu’est ce qui pose problème dans l’addiction à la pornographie?

Cette addiction, comme toutes les autres, provoque des souffrances invisibles et silencieuses. Elle impacte toutes les dimensions de la personne et tous les compartiments de la vie. Elle abîme la confiance en soi et l’estime de soi, et vient se greffer sur un déficit d’identité : il est souvent difficile pour une personne addicte de répondre à la question “qui suis-je ?”. Par ailleurs, comme le champ de la sexualité touche à l’intime et véhicule beaucoup de normes et de représentations, la honte et la culpabilité sont démultipliées. 

J’ai suivi par exemple une personne qui passait 1 jour ½ par semaine sur son temps de travail à regarder des vidéos. 

Cette addiction a aussi des conséquences sur le mental, provoque des obsessions, de la fatigue, vient activer le circuit du stress dans le cerveau. Cela impacte les relations, provoque un repli sur soi, des difficultés à communiquer. A cause de la honte, il y a une spirale du mensonge qui se met en place. A cause du dérèglement de la motivation, on constate également une prise de risque toujours plus grande : risque financier, risque professionnel (perte du travail). Sans parler de la peur d’être surpris, démasqué. 

Quand la personne est en couple, la découverte de l’addiction par le conjoint fait l’effet d’un traumatisme. Les conséquences au niveau de la vie intime du couple sont également importantes : dérèglement du désir et du plaisir, cerveau saturé de stimuli si bien que le conjoint ou partenaire dans la vie de tous les jours devient moins désirable. Chez l’homme, l’addiction entraîne souvent des problèmes d’érection et d’éjaculation. Internet permet une sexualité virtuelle “sans risque”, si bien qu’à la longue la sexualité réelle ne fait plus le poids. 

Qu’est ce qui nourrit ton espérance? 

J’apporte une modeste réponse, à mon niveau, mais je constate ceci : encore trop peu de professionnels sont conscients de l’étendue du problème et de ses conséquences, et surtout formés. 

Je vois des choses magnifiques en accompagnement, au quotidien. Je vois des personnes qui grandissent, mûrissent, portent un regard plus positif sur elle-même. Elles développent une motivation très forte pour se relever, sortir de la honte et de la culpabilité. Les personnes qui reprennent le contrôle restent vulnérables (le cerveau conserve en mémoire des circuits liés à l’addiction) mais elles tirent aussi une certaine force de leur expérience, de l’humilité et de l’authenticité. Elles vont chercher en elles-mêmes trois vertus qui leur seront ensuite utiles dans la vie de tous les jours : prudence, patience, persévérance. Je suis émerveillé par la capacité de résilience de la personne humaine. 

Plus une addiction est prise tôt, mieux c’est. N’attendez pas ! Pour les adolescents et les jeunes adultes, en particulier, il est très important de ne pas laisser traîner la prise en charge. 

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