Le Père François THOUVARD, prêtre de la Communauté de l’Emmanuel incardiné dans le diocèse de Bordeaux, est décédé le 7 janvier 2019, à l’age de 58 ans.
Ses obsèques ont été célébrées vendredi 11 janvier 2019, à 15 heures, en l’église Saint-Pierre d’Ambarès.
Après avoir débuté son ministère comme prêtre coopérateur à Talence, il l’a poursuivi sur les paroisses d’Ambarès, puis de Carbon-Blanc / Bassens. En 2010, il débute sa mission d’aumônier hospitalier à Xavier Arnozan et Haut-Lévêque, mission qu’il vit avec une profonde compassion pour les malades rencontrés. En 2016, il devient également aumônier pour le centre de gérontologie de Lormont.
Depuis la rentrée de septembre, il était responsable du secteur d’Ambarès et administrateur de toutes les paroisses.
Nous le confions à la prière de tous. (Communiqué du diocèse de Bordeaux)
Homélie pour les obsèques de l’abbé François Thouvard.
Vendredi 11 janvier 2019. Église Saint Pierre d’Ambarès
« Mais que veux le Seigneur?» demandait une personne qui aime François et ses parents.
Que veux le Seigneur en privant famille, paroisse, hôpitaux, prison, scouts, filleuls, communauté, d’un parent, d’un frère, d’un pasteur aimé, prêtre ordonné il y a moins de 20 ans ?
« Mais quelle idée il a, le Seigneur ?» disait une de ses sœurs de communauté.
Même question quand je bénissais dernièrement la tombe du P. Romain Justin, mort à 31 ans après une maladie qui avait mobilisé la prière du diocèse.
Que veux le Seigneur ?:
Il nous le dit tout au long de l’écriture : Dieu ne veut pas la mort du pécheur, cette mort venue de « la jalousie du diable ». (Sg 2, 24)
Jésus, qui a pleuré la mort de son ami Lazare, nous avait, longtemps auparavant, dit dans le psaume 115: « Il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens. » Certes nous disons que Dieu a rappelé son serviteur, mais avec la Lettre aux Hébreux, avec les saints Maxime le Confesseur ou Thomas More, n’oublions pas l’angoisse, le grand cri et les larmes de Jésus devant la mort.
Oui, « Il en coûte au Seigneur de voir mourir les siens. »
Que veux le Seigneur ?:
Il saura vous répondre en son temps, personnellement, mais cet après-midi, il m’appartient de vous dire que le Seigneur nous parle à travers la vie et la mort de François, son serviteur, son prêtre.
Précisément en ce temps de Noël qui correspond si bien à notre frère défunt, à son esprit d’enfance, à sa vie et son corps donné aux hommes jusqu’à l’épuisement, jusqu’à l’imitation du Christ faisant jaillir de son cœur l’eau et le sang.
Écho du récit que fait Saint Jean de la mort du Christ sur la Croix puisqu’un « épanchement péricardiaque », donc de l’eau, a dans un premier temps sauvé François de la mort avant que la blessure de son coeur ne finisse par lui faire verser son sang et rendre l’âme.
Canonisant la petite Thérèse de Lisieux, le pape Pie XI disait qu’elle s’est faite, elle aussi, une parole de Dieu. Et la phrase qui suit de Pie XI s’applique si bien à François : « Dieu parle par ses œuvres et c’est le propre de ceux qui lui sont le plus unis de nous parler, eux aussi, non par des mots, mais par leurs œuvres. »
François, homme à l’écoute quotidienne de la Parole de Dieu, a mis en pratique cette parole. Il a vécu littéralement les paroles qui ont été choisies pour ses obsèques.
Lui qui allait « en prison à cause du Seigneur » (Ep 4) a vécu « d’une manière digne de sa vocation » : avec « beaucoup d’humilité, de douceur et de patience » ainsi que tant de personnes en ont témoigné depuis sa mort lundi matin, il y a quatre jours.
Heureux sommes-nous d’avoir connu un homme qui a montré qu’il est possible de vivre les Béatitude quand on prend les moyens.
Les exégètes nous disent que la scansion « Heureux ! » n’est pas qu’une douce promesse qui répond à la soif de bonheur présente en chaque être humain. Elle est aussi appel à prendre les moyens d’atteindre le bonheur. « Allez ! » « En avant !» est une autre traduction possible de « Heureux !»
Oui, François, le placide, le discret, a poussé en avant de nombreuses personnes par son sacerdoce vécu avec persévérance et ferveur, jusqu’à l’héroïsme, faisant mentir heureusement la parole du Vénérable François Libermann, un des maîtres spirituels du fondateur de la Communauté de l’Emmanuel, Pierre Goursat:
« Si la modération n’est pas la vertu des commençants, la ferveur n’est pas la vertu des progressants »
Ce que reproche Dieu a bien des vieux croyants : « ta ferveur première, tu l’as abandonnée » (Ap 2, 3)
Car c’est une des caractéristiques de l’itinéraire spirituel de François Thouvard : après 18 ans de ministère, il n’avait pas abandonné son « premier amour » (Ap 2, 3), la ferveur de sa réponse à l’appel du Seigneur.
Parce qu’il entretenait ce premier amour. Il en prenait soin quotidiennement afin de répondre à l’annonce du bonheur.
Chaque jour, de 6 à 7 heure du matin, il était dans l’oratoire du presbytère. Puis il partait pour une demi-heure de marche afin d’entretenir son cœur et sa circulation fragiles.
Fidèle au bréviaire, même durant les vacances, durant les vacances il s’éclipsait discrètement pour prier les cinq offices quotidiens, nous ont dit se hôtes.
Fidèle à l’eucharistie quotidienne, il accomplissait sans barguigner les actes de ses nombreux ministères parmi lesquels il comptait celui de parrain.
François a pris le « chemin du bien » (Jr 6, 16) avec les puissants moyens mis à disposition par le Seigneur : la Parole, les sacrements, les frères qu’il nous donne dans son Église et même en dehors de l’Église. Et aussi notre humanité, notre pauvre chair.
Croix:
François est mort d’un cœur fragile mais avait souffert d’autres maux. Il faisait partie de La Croix glorieuse, le mouvement des personnes de la Communauté de l’Emmanuel qui offrent leurs souffrances pour la conversion de leurs frères et sœurs et la fécondité de leurs entreprises apostoliques.
Le secret de sa propre fécondité qui apparaît en tant de témoignages reçus cette semaine, réside en ce qu’il a uni sa pauvre humanité à la pauvre humanité du Christ en agonie à Gethsémani et mourant sur la Croix.
En méditant les Béatitudes afin de préparer cette homélie, je réalisais que François les a toutes vécues : oui toutes. Le fait de n’avoir ni toutes les qualités ni tous les charismes nous maintient dans l’humilité et dans cette dépendance les uns des autres qui est une forme de l’amour. François n’a donc bien évidemment pas toutes les vertus et certaines béatitudes lui conviennent mieux. Et, cependant, je fus étonné et même émerveillé de voir qu’il a vécu, à sa manière, toutes les béatitudes.
1- « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. (Mt 5, 3)
⁃ La pauvreté du cœur, il l’a vécu notamment, d’une part, dans l’obéissance à ses supérieurs et à ses frères et, d’autre part dans l’acceptation de ses infirmités et limites.
⁃ Obéissance : comme curé, je l’ai vu contrarié par mes décisions ou les remarques que je lui adressait sans que cela n’entame son obéissance. Dans un esprit constant de loyauté à ses supérieurs, il savait argumenter pour défendre sa position mais finissait par reconnaître humblement ses torts quand il en avait.
⁃ Infirmités : Lui qui lisait beaucoup, passionné de biographies et d’histoire, (fidèle auditeur de l’historien vulgarisateur à la radio, Franck Ferrand), comme il lui coûtait de prêcher ! Certains d’entre vous ont peut-être physiquement souffert avec lui et pour lui lorsqu’il bégayait dans une homélie à la messe ou durant un enseignement même devant un petit groupe.
⁃ Certes, Moïse bégayait et recourrait à son frère Aaron. François, lui, devait s’avancer seul devant le peuple de Dieu.
⁃ Pauvre de cœur et riche de son ardeur, il a donc travaillé ses homélies et peut-être vous êtes vous réjoui de constater ses progrès, réjoui de l’écouter progresser et le sentir de plus en plus à l’aise pour parler au peuple de Dieu, nous livrant des homélies à la mesure de son cœur.
⁃ Autre infirmité très gênante pour un prêtre, les fidèles des laudes dans cette église d’Ambarès s’en souviennent peut-être, François chantait faux et avait la même notion du rythme que la plupart des français : nulle. Croyez-vous que cela l’aurait replié sur le pieux silence dans lequel il excellait ailleurs ?
Non, il était toujours prêt à lancer une louange, un refrain ou un ton de psaume. Avec son frère et ami Frank, (arrivé des États-Unis pour la triste circonstance qui nous rassemble), alors vicaire avec lui du P. Protot, c’était à qui inventerait une mélodie, une variation ou un rythme inédits.
Sur ce point encore, pauvreté de cœur et patient travail lui ont permis une progression remarquable.
François chantait juste et sa voix nous entraînait à la prière et la louange ces dernières années à Ambarès et Carbon-Blanc. Pour le rythme, il nous faudra certes attendre le Ciel, mais nous sommes persuadés que François est désormais capable de « prier et chanter pour s’unir à la musique des esprits sublimes, (les anges) … auteurs de l’harmonie du cosmos, de la musique des sphères. » (Benoît XVI, discours au monde de la culture, Collège des Bernardins, Paris, 12 sept. 2008)
⁃ Sacerdoce : En remerciant la famille, les formateurs du séminaire et les supérieurs qui ont permis à François de devenir prêtre, son ministère fécond est une leçon pour tous ceux qui discernent une vocation. Sa vie, sa mort nous disent : il n’y a pas de profil standard pour un prêtre. Il n’y a pas un seul modèle de prêtre, il y a de nombreux prêtres modèles. Comme disait hier ses amis autour d’un vicaire général : on cherche des curés, de brillants pasteurs, mais, François n’a jamais été curé et le mot brillant ne lui convient pas. Car le Seigneur, comme il le fit avec le bègue Moïse ou le velléitaire Pierre, appelle des hommes fragiles pour manifester sa puissance de vie et de guérison.
⁃ Et pour ceux qui souffrent de leurs piètres qualités vocales, je recommande aussi ce qu’avait découvert et pratiqué largement le P. François : le chant en langue qui permet à chacun de contribuer à l’unité et l’harmonie vocale de nos assemblées.
⁃ Bref, la pauvreté du cœur devant nos infirmités peut les transformer en qualités au service des autres. François l’a prouvé.
2- Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
⁃ Le visage souvent impassible de François cachait la compassion de l’aumônier qui a accompagné tant de personnes malades, de familles angoissées ou endeuillées. Quel cœur et quelle espérance faut-il chevillée au corps pour baptiser devant ses jeunes parents un nouveau-né promis à la mort, pour donner le sacrement de mariage à un couple quand l’ombre du veuvage déjà les recouvre, pour parler avec affection et autorité à un agonisant qui résiste à l’appel de l’amour. Pour redonner le courage qui permettra de vaincre la maladie ou pour affirmer l’espérance quand la mort a frappé, c’est la même compassion, forte et douce qui est exigée et que François a partagée parce qu’il la puisait quotidiennement auprès du cœur de Jésus, mensuellement dans ses séjours chez les carmes du Broussey et annuellement dans sa retraite sacerdotale.
3- Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
Douceur, bienveillance, paix sont des qualificatifs qui reviennent dans la plupart des témoignages recueillis lors de la veillée de mercredi, dans nos échanges, sur les réseaux sociaux etc.
François recevra la terre nouvelle en héritage car il aimé cette terre dans la douceur et la bienveillance.
Peu de gens savent pourtant que cet homme si doux, souriant et joyeux, était capables de colères, généralement froides mais parfois aussi terriblement chaudes. Parce qu’à l’instar du Christ, François n’était pas indifférent au sort du monde et parce qu’il avait, comme chacun, besoin de se convertir.
Si l’accumulation des contrariétés et soucis pastoraux étaient à l’origine de ses colères, si une petite bouderie les prolongeaient, il venait demander humblement pardon, il venait pardonner et la fraternité ainsi renouvelée renforçait encore la douceur de notre frère.
4- Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Je pourrais vous parler de ce choix qu’avait fait François de faire un virement régulier (sur ses propres deniers) en faveur de l’association d’accueil des chrétiens d’Orient voulue par notre évêque. Et c’est justice car si, comme prêtre, nous faisons souvent appel à votre générosité, il est juste qu’en tant que
baptisé notre charité s’exerce aussi par l’argent.
Je pourrais vous parler de son attention exceptionnelle envers ses filleuls, par les lettres, cadeaux, visites et prières quotidiennes. Parce que la justice, c’est aussi de tenir les engagements qu’on a pris.
Et je pourrais parler plus généralement de cette ténacité à tenir ses engagements, par exemple envers les scouts, qui témoigne de son sens élevé de la justice.
⁃ Mais je voudrais souligner une soif de justice qui consiste à réparer une des plus grandes injustice : la misère spirituelle, la misère qui consiste à ne pas connaître Dieu ou, parfois pire, en avoir de fausses idées.
⁃ D’où cette volonté d’évangéliser que François a cultivé dans la communauté de l’Emmanuel : je pense aux tracts pour annoncer le catéchisme devant les écoles d’Ambarès ou au porte à porte pratiqué deux par deux à Ambarès et Carbon-Blanc : « porte à porte familier » selon le qualificatif de notre Cardinal pour souligner l’esprit extrêmement respectueux des personnes qui caractérise ce porte à porte catholique.
⁃ J’ai dit volonté d’évangéliser car seulement s’il y a réelle volonté de notre part, sommes- nous capables de saisir les occasions d’évangéliser que la Providence nous présente. J’ai ainsi appris que François a évangélisé une personne suite à un accident de voiture. On imagine aisément la scène de l’accident et les deux chauffeurs contrariés cherchant le formulaire du constat amiable. On imagine moins la suite : François nouant contact avec la partie adverse et l’accompagnant jusqu’à son baptême.
5-Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
Hier, dans notre réunion mensuelle des prêtres du Bassin d’Arcachon, l’un d’entre nous disait : « il était mon confesseur ». Et un autre: « je me suis souvent confessé à lui. » Paroisses, aumôneries, scoutisme, Communauté de l’Emmanuel : autant de lieux où François a exercé le ministère de la miséricorde confié par le Ressuscité à ses prêtres. Dans notre deuil, nous pouvons laisser place à la joie de savoir que François est parti retrouver ces personnes qu’il a confessées au seuil de leur mort ; leur donnant consolation, paix, réconciliation et passeport pour le Ciel.
Que nous illumine donc la joie des saints accueillants le pasteur qui fut pour eux l’instrument et le guide vers la sainteté!
6- Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Nous savons que Dieu seul juge les reins et les cœurs. Mais nous avons constaté et avons bénéficié du regard pur que François portait sur Dieu et ses créatures, les considérant non pas comme des objets susceptibles de lui apporter un gain mais plutôt avec ce regard d’enfant qui ne l’a jamais quitté.
ESPRIT D’ENFANCE
« Père, je suis ton enfant » avons-nous chanté à la veillée pour François ici-même.
Car, derrière l’apparence austère et parfois renfrognée de François, il y avait un remarquable esprit d’enfance, toujours prêt à s’émerveiller et à entrer dans une relation confiante et joyeuse.
L’esprit d’enfance n’est surtout pas la puérilité qui tire l’adulte en arrière. Saint Paul nous dit qu’une fois devenu homme, on doit laisser derrière soi son enfance (1Co 13, 11). Ainsi lorsqu’un adulte en responsabilité traîne son immaturité, il peut blesser à vie les personnes sur qui il a autorité.
L’Esprit d’enfance, au contraire, c’est l’homme mûr qui prolonge ou retrouve ce que Jésus a lui-même gardé et qu’il nous propose de l’enfant : l’écoute, la confiance et l’émerveillement.
Écoute : Que demande-t-on à un aumônier d’hôpital ?: d’être présent, d’une présence délicate d’être à l’écoute et ensuite seulement d’avoir une parole juste et de donner les sacrements Présence, silence, écoute, c’est ce qu’a fait Jésus comme bébé puis comme enfant : c’est une grâce de Noël qui a permis à notre frère d’être un aumônier au ministère fécond.
Présence, silence, écoute. C’est ce qu’a vécu François en famille, parmi ses frères de communauté ou ses amis prêtres.
Sur les photos mises en ligne, nombreuses sont celles où François est en situation d’écoute.
Louange : « La joie sur les lèvres, je dirai ta louange » J’ai dit que François était toujours prêt à lancer une louange, un refrain ou un ton de psaume, entraînant son entourage vers l’essentiel, la relation à Dieu, source de tout bien. Quelle fidélité de François à la louange! Quel enseignant, quel maître de
prière et de louange !
Admiration : L’Esprit d’enfance est un esprit d’admiration et François manifestait largement sa gratitude et son admiration pour les personnes qui lui avaient fait du bien. Une personne me confiait que, se trouvant gênée par la gratitude que François lui témoignait chaque fois qu’il la rencontrait, elle pensa qu’en se confessant à son admirateur, l’admiration s’éteindrait. Malgré plusieurs confessions, qui n’étaient pas celle d’un enfant de chœur, me précisait cette personne, François, non seulement gardait la discrétion que le secret de confession impose, mais persistait dans un constant témoignage de gratitude et d’admiration pour son bienfaiteur. L’œil est la lampe de votre corps, dit Jésus (Mt 6, 22).
Le péché n’avait pas éteint en François la lumière d’un regard si pur.
Facéties: Quelques photos de l’album en ligne donnent un aperçu de l’esprit facétieux de François, fruit de son esprit d’enfance. Quelle surprise quand l’homme doux et tranquille se transforme en farceur, en diablotin (« Jack in the box » pour son ami Frank). Quand l’homme austère se met à délirer dans une folie joyeuse et jamais inconvenante. J’utilise à dessein le terme délirer car c’est le terme qui s’applique dans l’Ancien Testament aux prophètes quand ils reçoivent l’Esprit-Saint. Car les blagues de François n’étaient pas seulement la soupape destinée à libérer l’homme de ses oppressions intérieures mais elles manifestaient bruyamment la liberté intérieure du baptisé.
Le sens des responsabilités allié à l’esprit d’enfance ont permis à François de faire des merveilles dans le scoutisme. François guidait rigoureusement et paternellement les cœurs d’enfant tout en se mêlant avec simplicité et enthousiasme aux jeux inhérents à la pédagogie scoute.
Il riait aussi de bon cœur aux salves des jeux de mots de ses curés successifs mais son humour à lui était situationniste. Un humour comportemental, généralement sans parole… mais parfois bruyant.
L’homme austère et chaste pouvait vous sauter dessus, vous enlacer, silencieusement ou avec force cris et tout ceci sans jamais perdre sa dignité.
La conjugaison de sa folie passagère et de sa rigoureuse chasteté est aussi un enseignement sur la liberté libérante que donne l’Esprit-Saint.
7- Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
François ne se mêlait jamais aux discussions animées de ceux qui refont le monde à coup de dénigrements et d’autojustifications. Il se fermait même lorsqu’on s’adressait à lui pour critiquer quelqu’un. François sera appelé fils de Dieu parce qu’il a aimé ses frères, appelant la paix sur eux.
Fraternité : Dans cette béatitude, je veux louer l’esprit fraternel de François à la suite de son saint patron François d’Assise. Esprit amical et fraternel que soulignait hier devant moi un prêtre appartenant à l’un des groupes où François a manifesté sa charité fraternelle par son assiduité et son zèle à organiser où contribuer aux repas, sorties et autres rencontres de prêtres. L’un de ses amis disait, amusé : « nous, les noirs, c’est à dire les prêtres habillés de noir, nous étions là avec François et ses pulls, rouges, jaunes, verts, plus pimpants et détonants les uns que les autres, le seul de son espèce, si bien intégré au milieu de nous. »
Visitations : François avait l’art de la visitation. L’art de visiter les personnes sans urgence ou intérêt autre que faire grandir l’amour fraternel. En vacances, en marge d’un trajet, programmées de longue date, où inspirées par les circonstances, les visites de François ont fait grandir la paix et l’amour.
Je mentionne ici, à nouveau, ses filleuls que François prenait à cœur de visiter à Mérignac, Toulouse, Paray-le-Monial ou ailleurs dans un mouvement à la fois paternel et fraternel.
8- Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
« Qui donc faiblit, sans que je partage sa faiblesse ? Qui vient à tomber, sans que cela me brûle ? » (2 Co 11, 29) Ce gémissement de Saint Paul exprime la persécution intérieure de celui qui a charge d’âme.
François l’a vécue comme Saint Dominique priant: « Mon Dieu, ma miséricorde, que vont devenir les pécheurs? »
Paternité féconde : Je dirai peu de choses sur la paternité spirituelle de François car c’est vous et bien d’autres qui pouvez témoigner de la fécondité de son oeuvre de père spirituel, de vicaire, d’aumônier, de parrain, de frère de communauté. Je puis juste affirmer que François fut un père et que, prêtre pour l’éternité, il n’a pas fini de l’être. Écoutez ce bref et saisissant témoignage :
Témoignage : Le lendemain de la mort de François, une paroissienne d’Audenge me dit : « François est venu ici enterrer ma petite-fille Claire-Marine. Elle avait 19 ans quand les médecins lui ont annoncée sa leucémie dont ils n’ont pas caché l’issue rapide et mortelle. Claire-Marine m’a demandé de rencontrer un prêtre. J’étais surprise car ma fille ne l’avait pas baptisée et cela faisait quelque temps qu’elle n’était plus cette enfant que je pouvais conduire à l’église et à qui je pouvais parler de Jésus.
Alors que notre curé n’était pas disponible, j’ai eu le Père Thouvard au téléphone qui m’a immédiatement demandé : “pouvez-vous être dans une heure à l’hôpital ?“ Il a rencontré ma petite-fille et l’a conduite au baptême, à la confirmation et la communion. » Lorsque j’ai annoncé hier à ma fille la mort du P. François, sa réaction fut bouleversante. Elle qui n’avait pas fait baptiser sa fille m’a dit du P. François: ‘Je perd mon second père‘. »
EUCHARISTIE.
Chers Louis et Geneviève (parents de François), après avoir prié ensemble les psaumes du milieu du jour, mardi, auprès du corps de votre fils, nous vous avons demandé comment vous pouviez être si serein au lendemain de sa mort. Vous nous avez dit que vous aviez donné François à l’Église et que ce don était définitif. François vous ressemble, physiquement, psychologiquement… Par ce don que vous avez fait depuis longtemps, vous ressemblez à Marie au pied de la Croix, au Père éternel qui nous donne son Fils. Vous ressemblez à François qui a fait le don de sa vie, lui dont le cœur s’est fissuré, pas seulement à cause de la maladie mais aussi par le poids de son ministère, par le don de sa vie à l’Église du Christ.
À ses responsables de communauté qui le visitaient à l’hôpital, François, parlant de son retour à Ambarès et de ses nombreux ministères, promettait : « je n’en rajouterai pas. » Quand ses frères lui répondirent : « il faudrait plutôt en enlever, non ? » son visage se ferma. « C’était un soldat » commentait un de ses amis prêtres. François, le cavalier, mettait son honneur « à courir au combat pour la justice, la clémence et la vérité » (Ps 44, 5) François est mort en combattant, comme le Christ.
Ceci est mon corps : La nuit de sa mort, un membre de l’équipe d’aumônerie des hôpitaux prenait son heure d’adoration devant le Saint-Sacrement à l’église du Sacré-Coeur de Bordeaux. Elle a entendu cette parole intérieure : « François, donne ton corps ». Elle priait pour François hospitalisé, dont on disait qu’il allait mieux et elle ne comprenait pas bien cette parole. « François, donne ton corps ». C’était exactement à l’heure de sa mort.
Lorsque je suis entré le lendemain dans la pièce où reposait le corps de François au presbytère d’Ambarès, j’ai été saisi par la blancheur de son corps. François sur son lit de mort avait un visage aux traits paisibles et souples, un visage si beau, de plus en plus beau chaque jour nous disait son vicaire qui a veillé sur lui jusqu’à sa mise en bière aujourd’hui.
En voyant la blancheur de son corps et, pensant à son cœur qui s’était ouvert, j’ai reçu cette parole intérieure : « Ceci est mon sang, versé pour vous. »
Merci François pour ton eucharistie, le don de ta vie à la suite du Christ.
Que veux nous dire le Seigneur?
Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
Ils seront consolés. C’est au futur. Nous ne serons pas consolés de sitôt.
« Rachel ne veut pas être consolée » dit l’écriture en ce temps de Noël (Mt 2, 18).
Ceux qui pleurent, c’est au présent parce que l’amour se conjugue au présent.
Nous pleurons parce que nous aimons.
Heureux, c’est éternel, c’est ce qui nous attend et cela commence maintenant.
Oui, heureux sommes nous d’avoir connu François et d’être maintenant avec lui dans une communion que nul ne pourra nous ravir. Amen
MARIE
Pensant à François qui a souvent rappelé aux Scouts Unitaires de France d’Ambarès que leur groupe était consacré au Cœur Immaculée de Marie, je termine cette homélie avec la Vierge Marie. Lorsque j’entrais dans le bureau de François, j’avais l’impression d’entrer chez elle (alors que mon bureau, c’était plutôt l’atelier de Saint Joseph). Tout y était en ordre, paisible et priant comme on imagine la maison de Marie. Ce bureau était à l’image du cœur de François, un lieu où la Vierge Marie avait sa demeure permanente. « Le disciple la prit chez lui ; » (Jn 19, 27)
Comment ne pas sourire et nous réjouir en pensant à François découvrant le vrai visage de notre mère. Ce visage de chair que les plus grands artistes ont peint, sculpté, chanté avec génie est encore plus beau que nous puissions l’imaginer. Et François le voit peut-être déjà. Joie.
François, tu as été un fils obéissant.
Tu demeures éternellement un frère.
Puisses-tu devenir de plus en plus un modèle,
de plus en plus notre père François Thouvard
Amen.